Yûgo Hachiken entre au lycée Ohezo. Il vient de la ville, aurait pu intégrer un prestigieux établissement, mais il a finalement opté pour un lycée agricole, section élevage. Trop de pression au sein du système scolaire élitiste dans lequel il était plongé. Il compte désormais échapper à cela, et se reposer sur son niveau déjà suffisant pour exceller. Mais il va déguster.
Lever à l’aube pour s’occuper des animaux, impératifs de dernière minute, club d’équitation chronophage, tâches ingrates, activités physiques éreintantes, Yûgo n’a pas le temps de souffler. En plus, dans toutes les disciplines techniques, il a beau avoir bachoté, ses camarades, tous familialement liés aux métiers de la campagne, se débrouillent mieux que lui !
Silver Spoon surfe donc sur le motif du retour à la terre, dont l’opposition au monde de la ville est forte au Japon. Mais Hiromu Arakawa, la mangaka, issue d’une famille d’agriculteurs, n’est pas étrangère à ce milieu et à ces problématiques. Avec cet univers, elle opère une véritable volte-face, et ceux qui l’attendaient sur un nouveau titre dans le même genre que Fullmetal Alchemist en seront pour leurs frais !
Et tant mieux, car Silver Spoon se révèle très très bon. Notamment grâce à des personnages attachants parmi lesquels ceux qui suivent l’auteure auront le plaisir de retrouver, sous forme de clins d’œil, quelques figures secondaires emblématiques de Fullmetal Alchemist.
Surtout, le sujet permet de découvrir, à travers le regard naïf du héros, un univers que l’on pourrait croire proche, mais qui se révèle en fin de compte lointain, du lecteur de manga urbain (qui aura ainsi l’occasion d’apprendre, s’il l’ignorait, ce qu’est un cloaque !)
On se situe pour le moment dans un registre de comédie scolaire, évidemment complètement revisité par la spécificité de l’établissement. Ce cadre original posé sur un genre assez codifié le régénère grandement. Hiromu Arakawa s’ingénie à opter pour le contre-pied en chaque circonstance, comme lors d’une scène de course hippique mémorable, typique des milieux agraires du Japon : les chevaux y trainent de lourdes charges et la course en devient effroyablement lente et intense au lieu d’être rapide et effrénée !
C’est drôle, sensible, efficace dans la narration et très malin dans le propos. Arakawa est une auteure bourrée de talent, visblement à l’aise dans tous les registres : Silver Spoon semble appelé à en constituer la brillante démonstration.
(par Aurélien Pigeat)
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