Une année s’est écoulée entre la disparition de Simone Veil et la cérémonie la consacrant -avec son mari- parmi les illustres de la Nation française. Un délai bien juste pour entreprendre cet hommage dessiné bienvenu.
Pascal Bresson et Hervé Duphot s’y sont employés en partant de sa carrière politique : en novembre 1974, après d’intenses débats ponctués de violences verbales, la « Loi Veil » qui autorise l’interruption volontaire de grossesse est adoptée par l’Assemblée Nationale. Les Français découvrent une femme déterminée, nommée ministre de la santé quelques mois plus tôt qui attaque le pouvoir masculin en son cénacle . « Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme — je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement . »
Citant les débats de l’Assemblée et s’appuyant sur les témoignages de la Ministre et de ses proches, les auteurs déroulent le récit de ce moment historique, le soutien distant du Président Giscard d’Estaing et l’appui solide du Premier Ministre Chirac. Ils composent avec une ligne claire dépouillée qui confère une grande efficacité à leur narration.
Le trait est à peine rehaussé d’une bichromie, dont les teintes évoluent au fil des époques qui reviennent en flash-back. Le parti-pris graphique apparaît d’autant plus judicieux lorsqu’il s’agit de la jeunesse de Simone Veil, née Jacob. Le rehaut affiche alors une jaune pâle, ce jaune que les autorités forçaient les juifs à arborer en étoile sur leur poitrine. Et quand il s’agit de décrire le calvaire d’Auschwitz que la jeune Simone subit en compagnie de sa mère et de sa sœur, le jaune tourne au gris de cendre et la ligne claire offre une distance nécessaire pour dépeindre l’insoutenable extermination à l’œuvre.
Au lecteur d’imaginer que la détermination de Mme Veil est liée à la tragédie, que cette femme au verbe droit refuse de redevenir victime. En revanche, le récit s’attarde peu sur l’après 1974. Ainsi, on ne saura pas ici, comment Simone Veil devint une première fois « Immortelle » -sous-titre du livre- en étant élue à l’Académie Française. Comment cette rescapée, naguère discrète, est devenue un symbole de la lutte contre le négationnisme. Comment elle consentit aux historiens le rôle de s’emparer du devoir de mémoire dépassant le témoignage de ses compagnons de martyre. Comment, Présidente de la Fondation du Mémorial de la Shoah, elle fit évoluer des études encore dirigées vers l’unicité du drame à un travail de mémoire partagé avec les autres génocides et crimes de masse. Tout cela on ne le saura pas non plus. Cette biographie-là reste encore à dessiner. Dans une nouvelle édition ?
(par Laurent Melikian)
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