Siné, comme chez Lui

Lien

Recueil des dessins fait par Siné pour le magazine de charme Lui, entre 1963 et 1989, ce recueil révèle un Siné un peu moins « enragé » et moins libertaire que prévu.

Siné, c’est le dessin-choc, le mot-slogan, le sarcasme ravageur. Passé par Estienne, il connaît la force du logotype, du tracé synthétique à la Savignac dont il est un des héritiers.

Ces dessins sont issus de la période algérienne de Siné, celle où l’ancien porteur de valises pour le FNL est remercié pour services rendus à la patrie et travaille 14 ans pour la compagnie pétrolière Sonatrach, nationalisée par le nouveau pouvoir, ainsi qu’il le racontait dans ActuaBD (« Siné l’effronté », 2009) : « J’ai un peu disparu de la scène française car je faisais un gros boulot là-bas : j’ai peint des stations services, des pompes à essence, des camions, j’ai conçu le papier à lettres, les badges pour les employés… J’allais jusqu’à faire les costumes des pompistes, les bleus de travail pour les ouvriers. Du coup, Air Algérie nous donnait du boulot : on a fait des uniformes pour les aviateurs, les hôtesses de l’air. On a même dessiné un alphabet arabe pendant 3 ou 4 ans. On était une quinzaine, je dirigeais toute une équipe, j’ai travaillé 14 ans là-bas. Au début, on nous appelait les « Pieds rouges » car on avait aidé à la libération pendant la colonisation. Pour ne pas que les Français me croient disparu, j’ai accepté un contrat pour « Lui » où j’étais étonné de faire un dessin sur le cul dans chaque numéro. »

Nous sommes dans la tradition de la gaudriole française, une sorte de Crébillon fils de la famille de Bellus, Chaval ou Dubout : un érotisme sage, jamais vraiment choquant, qui en reste au sourire. Bourgeois, quoi.

Ce n’est pas le moindre paradoxe de celui qui n’est vraiment devenu politique qu’à partir de la publication de « L’Enragé » tirant à boulets rouges sur le pouvoir gaulliste de l’autre côté de la Méditerranée. Ses dessins aspiraient à la simplicité, un peu moins sa pensée...

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.