Rendons à César ce qui est à César, c’est l’éditeur suisse Paquet et Romain Hugault qui, les premiers, remirent au goût du jour des aventures de ces fous volants dans leurs rutilantes machines. Certes Biggles et Buck Danny étaient toujours présents pour contenter les aficionados mais, épaulé par Yann, Hugault permis d’attirer à nouveau un large public, grâce au petit aspect sexy qu’il apporte à ces aventures de haut vol.
La collection Plein Gaz de Glénat répliquant à la collection Calandre bien implantée par Paquet, le lien entre la collection Cockpit du Suisse et cette récente publication de Soleil est tout aussi évidente, même si Delcourt avait déjà remis un pied dans ce domaine grâce à l’excellente trilogie du Faucon XXX.
Wunderwaffen, cependant, est une escadrille promise à un bel avenir !
Wunderwaffen : les armes miracles du IIIe Reich
Le sens de Histoire tient souvent à peu de choses. Les auteurs imaginent ici qu’après la mort de Joukov et d’une partie de l’état-major russe, l’échec du Débarquement de Normandie permet à Hitler de reprendre la main, en raison de la réussite technologique des ingénieurs allemands qui mirent au point les premiers avions à réaction, de même que les premières fusées V1 et V2.
Bien entendu, les Alliés tentent de se mettre à niveau, mais toujours avec un train, ou plutôt un avion, de retard.
Les Allemands tiennent désormais le ciel en août 1946. Après l’attentat qui a défiguré son Führer, Goebbels sait bien que l’Allemagne a besoin de nouveaux héros, et c’est pourquoi elle demande au fürher de décorer lui-même le jeune chef d’escadrille des Wunderwaffen, Walter Murnau, une vraie tête brûlée. Mais lors de ce face-à-face cérémoniel, Murnau laisse un peu trop transparaître son dégoût pour le dictateur. Malgré les avancées technologiques proposées par cet as de la Luftwaffe, le maître du Reich, dont la mégalomanie et la paranoïa ont été encore exacerbées par l’attentat dont il a réchappé, décide de muter le héros sur l’un des fronts les plus engagés de l’Est.
De l’autre côté de la Manche, le Général de Gaulle semble enfin avoir mis la main sur l’élément qui lui permettra de briller devant Churchill. Un ingénieur rescapé des camps d’extermination d’Auschwitz livre les détails cruciaux qui permettent à l’aviation alliée d’empêcher que leurs avions ne se fassent tirer comme des pigeons[sic]. Mais cet ingénieur met surtout l’état-major en garde sur les récentes transformations apportées aux camps de la mort... Les ingénieurs allemands semblent avoir trouvé une nouvelle arme miracle pour porter le coup décisif dans ce conflit qui s’éternise !
Un récit passionné et ultra-documenté
Même si Yann & Hugault ont tracé la route avec Le Grand Duc, cette escapade aérienne au sein de la Seconde Guerre mondiale propose un scénario riche et innovant due à l’uchronie proposée, mais aussi à la grande documentation sur laquelle s’est appuyée Richard D. Nolane, à qui l’on devait déjà les Tigres Volants avec feu Félix Molinari.
Passée l’hypothèse de base, ce récit imaginaire repose en effet sur le cadre historique rigoureux de 1944 : au sein de l’armée allemande, des voix s’élèvent contre Hitler, d’où la logique de l’attentat, et les sentiments du héros du récit qui paraît cependant bien jeune pour ne pas avoir été endoctriné par la propagande de l’époque.
Sur la base des V1-V2, des essais avaient été réalisés sur des avions à réaction à l’époque, mais ils avaient été arrêtés par Hitler ; les ingénieurs allemands étaient l’élite scientifique de l’époque, n’oublions pas que les USA n’ont pu réaliser la bombe atomique qu’en regroupant tous les savants mondiaux, y compris ceux qui avaient fui l’Allemagne.
Cette toile de fond très réaliste est donc le premier grand avantage de Wunderwaffen ! Ce n’est pas de la science-fiction, car les ces réalisations vont arriver deux ans après le décrochage, ce qui permet aux auteurs d’imaginer comment la situation mondiale va évoluer. Tous les coups sont permis, surtout s’ils sont gagnants !
La seconde grande qualité de Wunderwaffen est le soin et le détail des illustrations apportés par Maza. Ses batailles aériennes sont superbes, et même si la démesure est parfois perceptible, on ne peut résister à la passion qui se dégage de ces combats aériens, fort bien mis en couleurs par les studios Digikore.
Le scénario qui imagine un jeune pilote d’escadrille poursuivi par la vindicte d’Hitler, use certes de quelques grosses ficelles, mais le lecteur est séduit par la qualité globale du récit et harponné par les détails inattendus de revirements scientifiques. Ill faut vraiment être très critique pour bouder son plaisir.
Wunderwaffen est construite comme une machine de guerre éditoriale !
Far Albion : de la SF géopolitique
De l’uchronie, on passe à la science-fiction avec cette autre publication de chez Soleil : Far Albion.
On y imagine la terre détruite, comme l’introduit fort bien la première page de l’ouvrage, l’humanité se partageant l’univers connu en différentes parties, afin de réaliser son exploration et son exploitation. Aux frontières de l’espace, on retrouve le secteur britannique, nouvellement dénommé Far Albion.
Cette station-frontière, chargée de défendre le périmètre de Far Albion offre des détails techniques fort bien amenés. En quelques pages, le cadre du récit est posé, et la tension monte crescendo, au rythme de l’avancée de cet ennemi qui fond sur ces jeunes Anglais.
La deuxième partie du récit est certes plus conventionnelle, avec des références assumées à Alien 2 ou Starship Troopers. On y fait connaissance avec les divers protagonistes du récit qui compose ce groupe de Sales Marines dépêché sur le lieu de la station.
La gamme des personnages est d’ailleurs très bigarrée, car à part les non-humains qui viendront rapidement mettre leur grain de sel dans le récit, on retrouve dans le groupe de Space Marines, des humains « traditionnels » avec leurs sentiments forts qui lient certains d’entre eux (amour, haine...), mais aussi des précognitifs dotés de pouvoirs psy, ainsi que des robots et des clones soumis à l’amélioration génétique, mais dont on connait encore peu les résultats.
Le travail de scénariste de Jean-Luc Sala, surtout remarqué pour sa série Cross Fire, est le grand atout de Far Albion. Le contexte géopolitique est brossé aussi rapidement qu’efficacement, et l’équipe présentée est si habilement mise en place qu’on aurait voulu en profiter un petit peu avant que les Extra-terrestres mûs par leur prophétie ne débarquent à tout berzingue ! La loi du marché est ainsi faite : il faut donner rapidement la mesure de son univers dès le premier tome i l’on veut prolonger la série !
Le scénario suggère-t-il que cette première rencontre entre humains et aliens ne serait que la réplique d’une précédente qui se serait déroulée quelques années plus tôt ? Jean-Luc Salma fait le lien avec une légende anglo-saxonne ! De quoi faire oublier le trait sautillant d’Emmanuel Nhieu qui convient mieux aux vampires moyenâgeux qu’aux lignes techno de la SF pure. il permet à ce premier tome de s’achever sur un excellent rebondissement, histoire faire saliver le lecteur pour la suite !
(par Charles-Louis Detournay)
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