Tout le monde connaît l’histoire : mordu par une araignée radioactive, le jeune Peter Parker a développé des super-pouvoirs et, après la mort tragique de son oncle Ben, a juré de les utiliser à bon escient pour protéger son prochain sous le nom de Spider-Man...
Mais qui a dit qu’il ne devait y avoir qu’une seule version de l’histoire ? Qu’il n’y avait qu’un seul homme-araignée ? Après tout Spider-Man n’est pas qu’une personne, c’est aussi une symbolique, un héritage et un mantra : « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ».
Nous suivons ici le parcours de Miles Morales, un jeune Afro-américain de Brooklyn qui va, lui aussi, être mordu par une araignée radioactive. Il n’a pas le temps de s’habituer à ses pouvoirs qu’il retrouve déjà confronté à diverses incarnations du tisseur : le Spider-Man noir, un détective des années 1930, Spider-Gwen une version féminine de l’homme araignée, Spider-Cochon, Peni Parker, une version japonisante du personnage, sans oublier bien évidement le seul et l’unique Peter Parker... Ils devront tous ensemble empêcher Le Caïd de provoquer la destruction de New York.
Les trois réalisateurs - Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman - n’ont pas eu à s’encombrer de quelques contraintes de budget ou d’effets spéciaux, et ont pu ainsi se permettre une liberté visuelle absolue. Elle va notamment leur permettre de s’amuser avec les codes de la bande-dessinées et de l’animation.
On pourrait presque résumer ce long-métrage à une rencontre entre la BD numérique et le cinéma d’animation, notamment au travers des pensées des personnages qui se dévoilent parfois au travers de phylactères ou d’onomatopées qui apparaissent à l’écran.
Avec les différents Spider-Men ce sont différents styles d’animation qui coexistent au sein du film, du cartoon avec Spider-Cochon, au noir et blanc du Spider-Man Noir en passant par la japanimation de Peni Parker. Cela n’est d’ailleurs pas qu’un effet de style, car ces univers s’accompagnent de codes qui servent au récit. On s’amusera ainsi de voir le Spider-Man Noir ne pas percevoir les couleurs et s’essayer vainement au Rubik’s Cube, ou Spider-Cochon se battre à la manière d’un cartoon. À noter aussi que certains personnages adoptent directement le style de grands dessinateurs de comics.
Visuellement parlant, l’animation du film est donc irréprochable et rend un superbe hommage au 9e Art et aux comics en particulier. Le rythme de la réalisation n’est pas en reste, et illustre à merveille le scénario de Phil Lord et Chris Miller (La Grande Aventure Lego). Un récit drôle et touchant, qui propose plusieurs niveaux de lecture, faisant de Spider-Man : New Generation une œuvre riche pour tous les publics. On assiste à la fois à des scènes hilarantes, et d’autres d’une grande intensité dramatique.
L’histoire permet notamment d’approfondir la mythologie du tisseur, et d’aborder des concepts bien connus par les fans de comics comme le multivers et les univers parallèles. Un aspect que le cinéma n’avait pas encore osé aborder, et qui est peut-être plus simple à introduire dans un film d’animation que dans un film live.
Le fan-service est quant à lui aussi très bien géré, et les amateurs de tête de toile se délecteront des références dissimulées plus ou moins subtilement dans le récit. Le film prend d’ailleurs un malin plaisir à assumer toutes les facettes de Spider-Man et à les utiliser pour construire sa chronologie, même les aspects les plus… étranges.
On notera aussi un caméo de Stan Lee qui s’avère aujourd’hui très émouvant suite au décès du scénariste le 12 novembre dernier.
Il est aussi plaisant de noter la présence de personnages féminins importants sans que cela n’apparaisse forcé. Il en est de même pour les origines ethniques de Miles qui ne sont jamais pointées du doigt, ou ne servent aucun propos justificatif en particulier. Le personnage est un Afro-américain latino, il est un super-héros normal et il n’y a rien de plus à en dire. La diversité n’a pas besoin d’être justifiée, il semble que nous nous dirigeons vers un cinéma de plus en plus représentatif des minorités et c’est tant mieux.
À l’instar de Teen Titans GO ! to the movies et Lego Batman, le film on ne peut que constater que le film dispose d’une plus grande liberté de ton, et que ces films ne s’enferment pas un schéma narratif attendu, comme le font trop souvent les adaptations en prise de vue réelle. N’oublions pas que l’animation permet une plus grande marge de manœuvre visuelle, et par conséquent scénaristique. Il est aussi plus simple de représenter les héros du 9e Art et leurs univers via l’animation, comme dans les Astérix d’Astier ou même dans le Tintin de Peter Jackson qui est un film d’animation dans une certaine mesure - mais c’est un autre débat.
On peut donc voir les adaptations animées comme un nouvel Eldorado pour le 9e Art en raison des possibilités graphiques et narratives qu’elles offrent, mais elle ne doivent pas nécessairement remplacer les versions live qui possèdent elles aussi leurs qualités intrinsèques. Le cinéma d’animation trouve ici cependant une opportunité d’’être réhabilité aux yeux du grand public qui les catalogue bien trop souvent dans la catégorie d’oeuvres purement mercantiles à destination de la jeunesse. Un peu comme la bande dessinée à une certaine époque...
Fait avec respect et passion, Spider-Man : New Generation est un film pour tous, que vous soyez jeunes, moins jeunes, fans de comics, simples profanes, noir, blanc, homme, femme, cochon ou extra-terrestre... ; car tout un chacun peut-être investi par un pouvoir et de grandes responsabilités. Tout le monde peut être Spider-Man.
(par Vincent SAVI)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
"Spider-Man : New Generation" en salle depuis le 12 décembre 2018
Réalisation : Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman
Scénario : Phil Lord et Chris Miller
Musique : Daniel Pemberton
Les albums et romans du film sont publiés par Hachette-Disney.
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