Alors que les prochaines sorties de Lewis Trondheim sont déjà attendues impatiemment (notamment son prochain Donjon, la série tentaculaire co-créée avec Joann Sfar, et son récit biographique d’auteur et cofondateur de L’Association), le créateur du défunt Lapinot étonne en inaugurant un atelier virtuel avec quelques auteurs réputés de bandes dessinées.
Une palette d’auteurs
Ont en effet répondu présents à la demande de Trondheim :
Alfred est un explorateur autodidacte au sein de la bande dessinée : il multiplie les essais, et brouille les pistes pour mieux appréhender le genre. On a pu le lire dans des adaptations réussies de romans d’atmosphères, tels que Je mourrai gibier ou Café panique. On se souvient également du Pourquoi j’ai tué Pierre avec Olivier Ka, un album primé à Angoulême et récemment mis en avant lors de l’anniversaire des 25 ans de Delcourt.
Guillaume Bianco a été révélé au grand public par son étonnante série Billy Brouillard, et par le scénario d’Ernest et Rebecca. Depuis lors, il multiplie les récits, en particulier pour la collection Métamorphose de Barbara Canepa et Clothilde Vu. Signe particulier : il s’attache aux différentes peurs de l’enfance en les affrontant de face (la mort, la maladie, le divorce des parents, le mensonge, etc.)
Cyril Pedrosa est un dessinateur reconnu de Delcourt-Jeunesse. Dans un autre registre, on se souvient en particulier de son talentueux roman graphique, Trois Ombres, primé à Angoulême. Ce succès ne l’empêche pas de continuer à dessiner le genre qu’il apprécie le plus, avec La Brigade fantôme publiée chez Dupuis, toujours avec son complice Chauvel. L’auteur d’Auto bio sort par ailleurs un nouvel album chez Aire libre pour la rentrée.
Enfin, après son premier succès avec Toto l’Ornithorynque, Yoann s’est essayé à divers genres, dont celui d’une Aventure de Spirou et Fantasio avec Fabien Vehlmann pour Les Géants pétrifiés. Bien leur en a pris, car ils sont actuellement les auteurs de la série-mère. Ils ont d’ailleurs prouvé leur talent avec une première Alerte aux Zorkons plus que réussie.
Un atelier dans le magazine de Spirou
Mise à part la réputation déjà acquise de ces auteurs, qu’est-ce qui particularise cet atelier à distance qu’ils constituent ? C’est que ces auteurs traduisent leur quotidien dans les pages de Spirou, en partageant un atelier virtuel, et en distillant ce vécu imaginaire au travers de gags d’une demi-planche.
« Cet atelier est effectivement virtuel explique Frédéric Niffle le rédacteur-en-chef de Spirou, mais chacun des auteurs a déjà connu l’expérience de l’atelier. Ils parviennent à faire vivre cette communauté, car ils se connaissent bien, plongent dans leurs des souvenirs, explorent le vécu de leur métier et ont surtout beaucoup de talent ! »
« Techniquement, explique-t-il, ils ont créé un site juste privé où ils placent leurs demi-pages. Dès qu’une page est envoyée par un auteur et est en ligne sur le site (tout à fait top secret et non ouvert au public), une alerte est envoyée par mail à chaque auteur (et au rédac’ chef aussi bien entendu) : chacun d’entre eux peut donc rebondir dessus ou faire un commentaire. C’est ainsi qu’il y a des enchaînements de demi-pages où les auteurs font le lien avec ce qu’a fait ou dit leur collègue dans un des gags précédents. Les exemples seront plus parlants dans les prochaines semaines. » Une approche interactive tout à fait originale.
Dans Spirou cette semaine, en guise de lancement, on retrouve tous les faciès des divers intervenants, croqués par ceux-ci, mais également une dizaine de gags qui laissent présager la bonne humeur régnant dans cette nouvelle team.
L’envers du décor, en droite ligne d’une tradition devenue caractéristique
Le journal de Marcinelle a toujours été friand dans la présentation de face cachée romancée de leur petit monde. Dès 1957, un certain garçon de bureau apparaissait entouré de traces de pas bleues. Bien plus tard, le Gang Mazda et Pauvre Lampil (dont l’intégrale est parue il y a peu) abordaient un aspect plus réaliste de la fonction d’auteur. Plus proches de nous, des séries comme le Boss ou la Spirou dream team dressèrent un tableau à la fois fidèle et acide du monde de la bande dessinée. L’Atelier Mastodonte hérite de ceux qui l’ont précédé en osant l’autodérision, tout en rapportant un vécu d’auteur contemporain relevé par un humour souvent mordant !
« Nous présenterons une page par semaine, continue Niffle, Nous avons d’ailleurs déjà de quoi tenir six mois ! D’autres invités se rajouteront. Il y en a déjà un qui va bientôt faire son apparition. Il est caché sous la table sur la couverture et les indices avec son dessin permettent aux fins observateurs de bande dessinée de deviner son identité. C’est un gros calibre ! »
Difficile de pronostiquer l’avenir de cette face cachée, mais la bonne humeur des auteurs est communicatrice, ce qui permet de maintenir le ton bon enfant du magazine, tout en l’adressant également aux plus expérimentés des lecteurs.
(par Charles-Louis Detournay)
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Spirou n°3825 - en kiosque depuis le 3 août
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