"Storm Dogs" : c’est ainsi que l’on désigne, sur Amarante, les fous prêts à sortir explorer les territoires alors que tombent ces pluies acides, caractéristiques du dangereux climat de la planète. C’est ce que sont le Commandant Burroughs et son équipe, spécialement dépêchés dans la colonie minière pour y résoudre une affaire de morts violentes et inexpliquées, aux yeux de Curtless Starck, shérif de Doléance, et de son adjoint Bronson...
Quatre experts, outre le Commandant : une anthropologue connaisseuse des populations indigènes de la planète, un médecin-légiste spécialisé en criminologie et une combattante chevronnée... Pour quelques disparitions d’anciens criminels, parias de la société, partis se racheter aux confins des mondes tenus par l’Union ? Sur une planète dont l’intérêt économique est nul ou presque ? Voilà qui interroge...
Si le statut même d’Amarante - monde protégé par un traité imposant que l’on préserve la culture de ses natifs - suppose diplomatie, de nombreux mystères nimbent ces morts, mystères aux enjeux politiques, mais aussi peut-être métaphysiques majeurs.
Le premier grand mérite de Storm Dogs réside dans le fait de nous présenter un univers de SF riche, cohérent et habilement caractérisé par des détails particulièrement immersifs. Ainsi, du point de vue du climat, ces pluies acides qui conditionnent l’action menée par les personnages.
Ainsi aussi quelques jolies trouvailles, comme celle du neuro-câblage qui permet de louer le corps de quelqu’un d’autre pour en prendre littéralement possession. D’ailleurs, la question de la technologie, discrètement distillée, se révèle décisive à plusieurs niveaux.
Sur Amarante, le niveau technologique est volontairement limité pour respecter le développement des populations locales. Les héros sont ainsi déconnectés de la Trame, sorte d’immense réseau auquel les habitants de l’Union sont constamment reliés. Mais par lequel il sont aussi surveillés : sur Amarante secrets et manigances peuvent de fait proliférer.
Second intérêt : tout cela est inscrit, de manière audacieuse et parfois détonante, dans une ambiance de Far West très convaincante. La colonie de Doléance invoque l’imagerie de ces villes de l’ouest américain, lors des ruées vers l’or, dans lesquelles les pires malfrats se retrouvent. Bar glauque, bagarres absurdes, drogues, boissons et prostituées forment le décor dans lequel circulent Burroughs et ses hommes.
Bien sûr, cette façon de revisiter le mythe américain sur une lointaine planète peuplée d’autochtones aux caractéristiques tribales et en harmonie avec la nature rappelle à coup sûr Avatar de James Cameron. Mais dans la mesure où il s’agit-là d’un schème assez classique de cet imaginaire et où, surtout, l’intrigue joue en fin de compte la carte du thriller politique, cela ne gêne guère.
Les coups-bas se multiplient au fil du récit, les personnages se révèlent, les situations changent sans cesse. Derrière les crimes annoncés de terribles machinations sont à l’œuvre et l’on se trouve surpris par le rythme échevelé auquel avance l’action .
La fin de volume remplit de ce point de vue pleinement sa fonction avec une série de cliffhangers assez sidérants. L’orage gronde sur Amarante : qu’il éclate rapidement pour que l’on découvre la suite de ce comics au rythme haletant et à l’intrigue palpitante !
(par Aurélien Pigeat)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Storm Dogs T1 "L’Orage". Par David Hine (scénario), Doug Braithwaite (dessin) et Ulises Arreola (couleur). Traduction Nick Meylaender. Delcourt, collection "Contrebande". Sortie le 16 avril 2014. 176 pages. 16,95 euros.