Superbe exposition populaire consacrée à « Astérix chez les Belges » au CBBD

Nous vous en parlions la semaine dernière, René Goscinny est mis à l’honneur cet été à Bruxelles, et cet automne à la cinémathèque ainsi qu’au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme de Paris. Avec une vision beaucoup plus populaire au Centre Belge de la Bande Dessinée de Bruxelles, dans une exposition centrée sur le dernier Astérix produite par le célèbre scénariste : Astérix chez les Belges.

En effet, y a-t-il un autre album de bande dessinée qui représente mieux le « franco-belge », que cet album ? Réalisés par deux Français qui ont longtemps œuvré en Belgique (ensemble et séparément) avant de se retrouver à Paris pour lancer le journal Pilote, et ce qui va devenir les icônes d’une nouvelle génération : Astérix et Obélix.

Voilà ce qui a motivé le Centre Belge de la Bande Dessinée à consacrer une exposition estivale centrée uniquement sur ce récit, sans doute l’un des meilleurs de la série. « La moitié de nos visiteurs sont francophones, nous explique Jean Auquier, directeur général du CBBD et co-commissaire de l’exposition, Ils ont sans doute déjà lu « Astérix chez les Belges », mais n’ont parfois pas eu l’occasion de repérer toutes les nombreuses allusions disséminées par Goscinny & Uderzo au sein de cet album. Nous avons donc voulu retisser les liens avec la documentation utilisée par les auteurs. Ainsi, même ceux qui croient bien maîtriser le récit pourront en découvrir les arcanes. »

En effet, outre une nécessaire biographie des auteurs et une présentation de la série tout aussi incontournable, la majeure partie de l’exposition est consacrée aux nombreuses références qui émaillent le récit. Les « belgicismes », ces expressions idiomatiques belges, bien entendu, mais aussi les caricatures de vedettes comme Annie Cordy ou le saisissant portrait d’Eddy Merckx que l’on peut comparer aux photos de l’époque via les nombreux journaux présentés dans les vitrines. Sans oublier les paroles de Jacques Brel qui inspirent Assurancetourix, ou les vers de Victor Hugo, déclamés dans l’exposition au travers d’une corne, histoire de rester dans la thématique.

Et par le biais de cet album de bande dessinée, c’est finalement tout un aspect peu connu de la Belgique qui est présentée au public, grâce à nos deux français qui la connaissaient si bien : la gastronomie, la bière, son relief, sa culture, son folklore, ainsi que la sempiternelle rivalité entre les deux principales régions du pays. Les experts en bande dessinée s’intéresseront non seulement aux fac-similés mais aussi à quelques éléments reconstitués d’après l’album, tels que la planche à moule ou le drapeau blanc en dentelle, grâce auxquels l’exposition prend également un tour très populaire, en permettant de découvrir le Plat Pays à travers le prisme singulier mais ô combien évocateur de cet album mythique.

« Nous n’oublions pas l’autre moitié de nos visiteurs, précise Jean Auquier, qui n’est pas francophone, et qui ne qui connaît peut-être pas Astérix, même si c’est l’un des personnages de bande dessinée franco-belge les plus connus au monde. Par le biais de l’exposition, ces visiteurs pourront donc redécouvrir la Belgique et la France, par la truculence de deux trublions d’auteurs que sont Goscinny et Uderzo ! Ces visiteurs pourront également se rendre compte que la série met en scène la majeure partie de l’Europe. Tout en précisant que le but final des auteurs est de faire redécouvrir ces peuples et de s’amuser sans jamais se moquer ! »

Au contraire, comme on dit en Belgique : « on rit avec ». Et cette ambiance humoristique emporte réellement les visiteurs, grâce à un cadre très travaillé : des crayons de couleurs qui deviennent les pieux des palissades de camps romains, une gigantesque peinture du banquet qu’Uderzo a reprise en hommage à Brueghel, etc. Et Jean Auquier de préciser :« Selon moi, la grande réussite de l’exposition tient à la volonté de la réaliser sans l’appui d’originaux, mais en mettant en avant la qualité du scénario, du dessin et de la thématique porteuse de cette réussite. »

Circenses (des jeux)

L’exposition est également intergénérationnelle par son aspect volontairement ludique. Les plus jeunes peuvent en effet recomposer des puzzles ou jouer à retrouver des personnages dans de grandes compositions. D’autres, plus grands, pourront s’essayer au labyrinthe gaulois où leur équilibre leur permet de faire voyager une boule, tandis que les plus connaisseurs de la série recomposeront les associations des personnages via un tableau lumineux. Les plus grands n’ont pas été oubliés, avec un autre tableau d’association qui permet de relier les personnages des autres albums à leurs peuplades d’origine.

Cette exposition réussit donc le tour de force de rassembler l’intérêt des amateurs de bande dessinée avec ses commentaires pointus et ses facs-similés, le grand public qui a déjà cet album et peut se souvenir de ses trésors cachés, ainsi tandis que le très grand public, qui ne se rappelle sans doute plus tous les détails de cet album mythique, mais qui au travers de ces explications, pourra (re-)découvrir les particularités des Belges vues par les Français, d’une façon éducative et presque… universelle. En effet, l’autodérision dont font preuve Goscinny & Uderzo dans leur série ne prouve-t-elle pas l’intérêt de réunir la culture belge et française ! Mais sans les mélanger, ça c’est sûr !