Avec près de 40 personnes travaillant à l’année sur l’univers des Schtroumpfs et les autres créations de Peyo, la société IMPS ((International Merchandising, Promotion & Services) située à Genval en Belgique est dirigée par Véronique Culliford, la fille de Pierre Culliford, alias Peyo. Dans l’entreprise également, Thierry Culliford, qui en assure la direction artistique et... Nine Culliford, l’épouse de l’artiste, qui assure encore les indications couleurs des albums des Schtroumpfs et de Benoît Brisefer, comme elle le faisait depuis la création des petits hommes bleus en 1958. La société tourne bien, grâce notamment au succès des films produits par Sony, elle affichait pour 2013 un chiffre d’affaires de 42 millions d’euros, signant quelque 700 contrats de licences à travers le monde.
Alors que l’on s’intéresse gravement sur la continuation d’Astérix par d’autres talents que ses créateurs, que Nick Rodwell et Casterman donnent tous les signes, sans vouloir avoir l’air d’y toucher, d’une volonté de continuer les aventures de Tintin, alors que les reprises de séries classiques se multiplient, force est de constater que le travail de l’équipe de Genval est, sur le plan de la cohérence commerciale comme de la qualité artistique, un modèle.
Schtroumpf, le héros
En témoignent les deux nouveautés qui sortent en librairie ces jours-ci. Schtroumpf le héros (Le Lombard) se penche sur la mythification des figures ancestrales d’une communauté. Ayant trouvé dans le grenier du laboratoire du Grand Schtroumpf un vieux grimoire racontant l’histoire de Schtroumpf le héros, devenu invincible en se plongeant dans l’eau de la Source du Dragon, la communauté des petits lutins bleus se met à l’ériger en figure mythique, au point d’en faire le sujet d’un spectacle. Ce qui amène ses producteurs à faire un casting, idée en soi assez drôle quand on sait que les Schtroumpfs se ressemblent tous...
Signé Alain Jost et Thierry Culliford, le scénario est bonhomme, malin et bien ficelé, fidèle à la qualité de la série dont il constitue l’un des meilleurs titres. Le dessin est assuré par Jeroen De Coninck et Miguel Diaz, et là encore, la qualité est constante. Certains de nos lecteurs, attachés au mythe du créateur omniscient et unique, vont regarder d’un air soupçonneux, voire méprisant, cette production "industrielle". Pourtant, les mêmes sont prêts à discuter des mérites respectifs de Carl Barks et de Cavazzano sur les productions signées Disney. En réalité, Peyo s’est très vite entourés d’assistants qui ensuite, pour bon nombre d’entre eux, ont fait carrière eux-mêmes : Gos, Derib, Walthéry, Wasterlain, Matagne, Desorgher et bien d’autres. On remarque cependant que, depuis la disparition de l’artiste en 1992, le nombre d’albums des Schtroumpfs créés par son studio a dépassé en nombre ceux des origines. Et encore, nous ne parlons pas des produits éditoriaux dérivés qui continuent aussi de paraître...
Un nouveau Benoît Brisefer après des années d’absence
Autre production récente du Studio Peyo : le quatorzième tome des aventures de Benoît Brisefer, Sur les traces du gorille blanc. Là encore, la production du Studio Peyo a dépassé en nombre les titres d’origine. Là encore, Peyo, dès l’origine, s’était fait aider par de grands talents : Roba, Will, Walthéry... Là encore, une production cinématographique vient prolonger le travail éditorial (même si le nombre d’entrées réalisé par le film tient de l’accident industriel...)
Là encore, le scénario signé Luc Parthoens et Thierry Culliford se signale par son efficacité et son respect du personnage : Benoît se retrouve avec Monsieur Dussiflard en Afrique dans un circuit de safari touristique. Ils rencontrent dans l’avion Tonton Placide, venu renforcer la protection du président local menacé depuis qu’il a déclaré la guerre aux trafiquants d’animaux sauvages. C’est frais, gentiment mené, adapté au jeune lectorat, le dessin de Pascal Garray respectant à la lettre les canons de l’univers graphique de Peyo.
Ces deux albums et leur travail d’équipe ne risquent pas de se retrouver couronnés par une quelconque distinction dans un de ces festivals soucieux de soutenir les auteurs. De la même façon, la critique ne s’étend jamais sur ce qu’elle considère comme des "produits". Pourtant, ces univers-là, conçus par des méthodes qui sont les mêmes que pour les meilleurs mangas, sont parmi les plus populaires au monde. Il serait peut-être temps, en termes d’histoire, d’enseignement et de reconnaissance de la BD, de revoir le logiciel...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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