Masse : un auteur qui manque cruellement à la bande dessinée depuis qu’il a décidé de se consacrer à une autre forme artistique en 1990. Dernièrement, il n’y a eu que l’intégrale d’On m’appelle Avalanche (L’Association, 2007) et un recueil de ses histoires inédites datant des années 1980, L’Art Attentat, paru la même année au Seuil pour rappeler au public la contribution de ce grand artiste.
Masse n’a jamais eu peur de la couleur comme en témoignent ses pages délavées dans le magazine, alors Underground, Actuel. Il a aussi massivement publié dans les fanzines et dans la presse alternative des années 1970 et 1980, que ce soit dans Zéno, Gonocoque, Zinc ou dans Le Canard sauvage, dans Charlie Mensuel, Hara Kiri ou La Gueule ouverte, dans Pilote, Fluide Glacial, L’Écho, Métal Hurlant, BD, Rigolo, Zoulou ou (A Suivre). Masse est la coqueluche des années 1980. Et puis en 1990, plus rien. Mais comme après une symphonie de Mozart, le silence est encore de lui.
L’aspect novateur, voire anticonformiste, de ces revues convenait particulièrement à Masse. Dans son noir et blanc confondant de précision avec un encrage fourmillant de traits et de détails, de grattages et de collages, il exprimait une autre réalité surréaliste et philosophico-humoristique,teinté d’une pointe de cynisme.
Ce nouvel opus n’y échappe pas. Masse en rajoute d’ailleurs une couche : abandonnant son noir et blanc caractéristique, il se jette avec frénésie dans la couleur directe pour nous livrer « ce que les livres de sciences appellent une "(vue d’artiste)" : une parenthèse de poésie qui nous fait voir l’inobservable, avec un souci d’observation confondant ! »
Masse, ce n’est rien de moins que la cosmologie que ses deux personnages tentent de nous expliquer à leur manière. Pour éviter l’aspect hermétique de l’œuvre, il convient comme toujours de s’en imprégner doucement afin d’en retirer la quintessence humoristique et philosophique. Dans une longue poursuite visuelle et orale, les deux personnages reviennent sur la création de l’univers, son actualité et son futur. Loin de l’aspect scientifico-technique, Masse nous livre une pépite de poésie où ses couleurs directes font merveille. Sa bonne humeur est d’ailleurs contagieuse, car on se demande par moment de qui il se moque le plus : du lecteur, ou de lui-même ?
La sortie de cette nouveauté est doublée de la réédition des Deux du balcon qui donne une idée de son influence profonde et multiforme. Ainsi, l’envahissement par les dunes de sable de cette ville à la Piranese, que l’on retrouve dans le récit El Niño et le rhino, a-t-il peut-être inspiré La Théorie du grain de sable de Schuiten & Peeters.
Cette réédition bienvenue est directement liée à la (Vue d’artiste) : chaque album évolue à sa propre vitesse, pour évoquer une part du monde de l’auteur, mais c’est en les mettant côte à côte qu’on en comprend tous le sens. Et multipliés par (la) Masse, ils dévoilent une incroyable énergie, qui mériterait d’être plus reconnue.
(par Charles-Louis Detournay)
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(Vue d’artiste) - Par Francis Masse - Glénat
Les Deux du balcon - Par Francis Masse - Glénat
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