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"Swamp Thing" sur Amazon Prime : échec ou rebond ?

Par Jaime Bonkowski de Passos le 30 mai 2020                      Lien  
En 2019, DC Universe, la plateforme de streaming dédiée aux encapés labelisés DC sortait l'OVNI horrifique "Swamp Thing", adaptation du comics culte. Mais la série est un échec, le bide est total, et elle est annulée six jours seulement après la sortie du pilote. Pourtant, il y a peu Amazon a acquis les droits de diffusion du show pour sa plateforme Amazon Prime, et a décidé de remettre la série sous les projecteurs à grand renfort de trailers et de promotion. Un pari risqué vu le résultat...

En 2019, DC Universe, l’univers connecté du label DC rassemblant ses héros de séries TV (à distinguer du DC Extended Universe qui, pour sa part, rassemble les héros DC au cinéma : ainsi le Flash de la série n’est pas le même que le Flash du film Justice League...), DC Universe donc, accueillait en son sein Swamp Thing, une série adaptée du comics éponyme créé en 1970 par Len Wein et Berni Wrightson. Très dark et angoissant, aux accents écologistes à la limite de l’horreur, Swamp Thing promettait de donner naissance à une série assez décalée du fantasque Flash et du convenu Arrow, les deux plus grosses licences du DC Universe.

De très bons ingrédients

Et après le visionnage de la bande-annonce et un rapide coup d’œil sur le casting, le projet laissait espérer de grandes choses. Le trailer nous immergeait dans un marécage des plus pisseux qui collait à merveille au comics d’origine. L’intrigue se dévoile sous la forme d’une enquête autour d’un mystérieux virus aux symptômes franchement dégueu, avant de nous laisser entrevoir la bête, la fameuse « chose » du marais au visuel très réussi et fidèle au comics, le tout dans une ambiance horrifique qui promettait des frissons et des sursauts.

Quant au casting, si l’on retrouve=ait Crystal Reed, une habituée des séries dites "pour ados", remarquée dans Teen Wolf notamment, c’est surtout la présence de Derek Mears qui rassurait : l’acteur s’était distingué dans de nombreux films d’horreurs dans lesquels il incarnait le méchant de service, le vilain, le monstre (Vendredi 13, Prédators, La Colline a des yeux...). Ici, il campe la Chose des marais, un rôle qui semblait taillé pour lui et ses 1m96.

Enfin, pour couronner le tout, James Wan (Saw, Insidious, Conjuring...) est le producteur exécutif de la série : la présence de l’un des réalisateurs de films d’horreur les plus influents de son temps ne pouvait que garantir le succès d’une entreprise comme celle-ci.

Et pourtant...

Et pourtant, Swamp Thing peine à convaincre les spectateurs, et surtout, semble-t-il, les producteurs : six jours seulement après la diffusion du pilote, elle était déjà annulée. C’est bien dommage car cette première saison posait les bases d’une intrigue bien plus longue, qui ne se dévoilera finalement jamais, nous laissant un désagréable arrière-goût de travail pas fini.

On y suit les aventures d’Abby Arcane, une épidémiologiste du CDC qui rentre dans sa ville natale, Marais, pour enquêter sur une mystérieuse maladie. Là, elle doit faire face aux vieux démons qu’elle a abandonné au fond du bayou et qui la rongent, la lutte contre l’épidémie s’additionnant à un combat personnel contre ses traumatismes. Elle fera rapidement la connaissance d’Alec Holland, un scientifique tombé en disgrâce qui lui aussi enquête sur le mal des marais.

"Swamp Thing" sur Amazon Prime : échec ou rebond ?
Capture d’écran © DC Universe / Warner Bros / Amazon.

Floué

La première apparition de "Swamp Thing" en 1970.
© DC Comics / Len Wein - Berni Wrightson.

À la fin du dixième et dernier épisode, le spectateur se sent un peu floué et a l’impression d’avoir perdu son temps devant une dizaine d’heures d’exposition sans pay off. Il faut en convenir : Swamp Thing n’est pas en soi désagréable à suivre (encore que) ; on regrette juste de s’investir dans quelque chose qui n’aura jamais de conclusion.

Cette annulation vient mettre le point final à un développement qui, dès le départ, s’annonçait chaotique. La série, initialement prévue pour la plateforme DC Universe, filiale de Warner Bros, a fait les frais de la rivalité entre cette plateforme de streaming dédiée aux héros des licences DC et le projet de plateforme Warner Bros Television incluant toutes les licences du studio propriétaire de la marque.

En outre, l’État de la Californie où s’était déroulé le tournage a refusé de verser la totalité de la somme promise initialement pour le développement du show suite à un désaccord avec la production (40 millions de dollars, quand même...), et la maison-mère Warner Bros n’a pas intercédé en la faveur de DC Universe, qui a donc été obligé de revoir toutes ses ambitions à la baisse, à commencer par le nombre d’épisodes de la première saison qui passa de 13 à 10.

Dans ce contexte, on comprend mieux l’échec du projet, qui pourtant avait tous les éléments pour faire quelque chose de bien. Le travail de l’ambiance tout d’abord. À Marais, la bourgade de l’intrigue, tout tourne autour du marécage, qui est autant une source de revenus pour les habitants que l’origine de leurs maux, des moustiques aux épidémies. Ce marécage occasionne de très beaux plans lorsque les protagonistes s’y baladent à bord de petits zodiacs, naviguant dans la mangrove en fendant un léger brouillard permanent d’où l’horreur peut surgir à tout moment. L’atmosphère oppressante est très bien rendue, et est à saluer.

De même pour les décors, glauques à souhait, et les personnages, assez attachants (excepté pour le personnage principal incarné par Crystal Reed qui a tout d’une Marie Sue manquant cruellement d’aspérité). Le principal point noir de la série reste son scénario, qui met bien trop de temps à se mettre en place (logique, cela dit, quand on sait qu’il devait s’étendre sur plusieurs saisons). Au bout d’épisodes d’une heure, on passe trop de temps à se demander où les scénaristes veulent nous emmener. Et si suivre les personnages dans leurs pérégrination n’est pas trop désagréable, on aimerait bien savoir pourquoi on les suit et où ils vont, comme dans tout bon suspens.

En outre, la série souffre d’un ventre mou détestable au milieu de la saison lorsque l’intrigue succombe au syndrome du "un épisode - une histoire", ficelle scénaristique qui permet de faire du remplissage sans avancer dans l’intrigue principale, déjà bien lente. Ajoutez à cela un méchant des plus anecdotiques campé par un Will Patton (Punisher, Armageddon, Postman) qui cabotine plus que jamais, et on se retrouve avec une série au final bat dans le vide.

C’est d’autant plus frustrant qu’on sait que tout aurait pu être bien mieux. Car encore une fois, la série regorge de bons, voire de très bons éléments, qui n’ont malheureusement pas su être suffisamment exploités pour prendre le pas sur les faiblesses. Et on ne peut maintenant plus utiliser le fameux argument du "matériau de base impossible à adapter" (même s’il est vrai que l’alchimie du comics original est tellement délicate qu’il semble très difficile de la reproduire), puisque d’autres piliers du comics censés eux aussi être inadaptables ont bénéficié de très bonnes séries : pensez à la dernière adaptation en date de Watchmen par HBO ou à la série Preacher.

Maintenant qu’Amazon a repris en main le projet, avec sa force de frappe promotionnelle, on peut espérer que la série regagne en popularité et se voit gratifiée d’une suite : l’espoir est mince, mais il est permis...

© DC Universe / Warner Bros.

(par Jaime Bonkowski de Passos)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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En médaillon : © DC Universe / Warner Bros.

 
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