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Sylvie Fontaine : « Je voulais évoquer ces forces puissantes, destructives et constructives qui vivent hors de nous et en nous.

Par Morgane Aubert le 16 octobre 2010                      Lien  
Sylvie Fontaine, scénariste et dessinatrice, vient de publier aux éditions Tanibis un nouveau roman graphique : « Sous le manteau ». Elle nous raconte la création de cet album.

Sylvie Fontaine fait ses études aux Arts Décoratifs de Paris où elle se passionne pour la photographie et le dessin. Par la suite, elle devient dessinatrice-conceptrice dans la publicité. De ce fait, elle réalise également de nombreuses illustrations dans la presse. Elle publie alors ses premières planches dans la revue Du 9. En 1999, ses premiers albums, Là-bas et Cubik sont édités aux éditions de La Cafetière. En 2002, elle sort deux autres bandes dessinées : Changer tout chez Les Oiseaux de passage, et Calimity aux éditions BFB. Plus récemment, elle publie aux éditions Tanibis, Le Poulet du dimanche, un album sur les métamorphoses en 2007, Miss va-nu-pieds en 2008 et enfin Sous le manteau en 2010.

Mélange de surréalisme et de comics underground mâtinés d’aspects symboliques, le graphisme de Sylvie Fontaine est particulièrement surprenant et poétique. Dans l’album Sous le manteau, un roman graphique en bichromie, elle nous livre ses états d’âme.

Comment vous est venu l’idée de l’album ?

Tout est parti d’une commande de dessin pour Les Allumés du Jazz, avec qui je collabore régulièrement ; j’avais un texte mystérieux et que je trouvais opaque à illustrer ; j’ai trouvé cette idée de cacher et révéler en même temps quelque chose du personnage grâce au manteau. Puis j’ai eu envie de faire d’autres dessins sur le même principe que j’ai montrés à mon éditeur qui a aimé !

Vous avez vous-même écrit les poèmes et on peut voir également sur le site des éditions Tanibis la rubrique "Sylvie Fontaine fait le mur", vous êtes donc aussi poétesse ?

Je lis parfois de la poésie et j’aime ce qu’elle a de concentré. Moi, je ne me qualifie pas de poète car je place très haut l’art du mot. Je cherche un ton, j’essaye d’attraper un peu du vivant ; c’est tout et c’est beaucoup à faire...

Les poèmes donnent en premier lieu une image froide et assez terrible de la vie et du monde, puis à la fin de l’album vos poèmes chantent l’espoir et l’amour : ce cheminement a-t-il pour but de rappeler au lecteur que la vie et l’amour sont des choses qui méritent d’être vécu malgré les difficultés de l’existence ?

Pour être un bon artiste ou s’approcher de ce but, il faut être à la hauteur du monde, à la hauteur de la vie qui n’est ni jolie ni rigolote ; c’est un flux puissant qui nous traverse, fait de contrastes, de beautés fulgurantes et de désastres atroces ; le merveilleux côtoie l’absurde, l’horreur et la délicatesse se frôlent. Je voulais évoquer ces forces puissantes, destructives et constructives qui vivent hors de nous et en nous ; et je désirais clore le livre sur un aspect positif parce que je crois profondément à la beauté possible de l’être humain.

Les textes et les images se répondent mais qu’avez-vous créé en premier : les poèmes ou les illustrations ?

Les dessins ont été le point de départ mais les mots m’ont paru très vite "obligatoires" ; il fallait cependant rester dans la suggestion ; j’ai beaucoup coupé et remanié les textes. Je doute toujours plus de la justesse de mes mots que de celle de mes traits. J’ai travaillé le texte de Sous le Manteau jusqu’à la dernière minute !

Le caractère très symbolique et métaphorique est l’une des particularités de votre graphisme, est-ce parce que vous aimez faire passer du rêve et des messages à travers vos illustrations ? Est-ce lié à votre parcours d’élève en art déco et/ou de dessinatrice conceptrice dans la publicité ?

Le dessin est lié à la manière de penser du dessinateur ; le caractère métaphorique de mes dessins vient de mon désir de faire quelque chose de condensé qui ait une sorte de puissance ou d’évidence ; en fait je ne décide pas de faire des métaphores ou du symbolisme, ça vient tout seul.

Vos graphismes sont un subtil mélange de surréalisme, de pop, de comics underground et d’art premiers, certains mouvements artistiques ou certaines écoles vous ont-ils inspirés ? Et au niveau BD, quelles sont vos références ? Quels sont les auteurs et les albums qui vont ont marqués ?

C’est vrai qu’il y a des mélanges dans mon travail et là aussi, ce n’est pas une décision purement consciente mais le résultat de ce que je suis et de ce que je crois ; je me vois et me perçois comme quelqu’un de multiple, donc mon travail restitue cette manière de me percevoir et de percevoir le monde. J’ai horreur de me sentir coincée dans un moule, dans un genre ; j’aime essayer des choses différentes, élargir ma palette. De très nombreux peintres, illustrateurs et dessinateurs m’intéressent et aussi des photographes et des écrivains... Impossible de tous les citer !!! Tous les arts sont connectés et se répondent les uns aux autres, c’est pour cela que je dessine, écris, peins, photographie, écoute de la musique... Je chante et danse aussi, mais seulement pour moi-même, pas question d’infliger ça aux autres !

Sylvie Fontaine : « Je voulais évoquer ces forces puissantes, destructives et constructives qui vivent hors de nous et en nous.

Pourquoi avoir choisi de le faire en noir, en blanc et en bleu ? Pourquoi mettre en avant la couleur bleue ? D’autant que les poèmes (notamment ceux du début) sont assez durs alors que le bleu est une couleur assez apaisante ?

La manière dont résonne une couleur dépend de ce qu’on lui adjoint ou pas, de la manière que l’on a de la "mettre en scène". Là, le bleu s’est imposé de lui même, aucune autre couleur ne me semblait possible. Mon éditeur était d’accord et quand les choses semblent aller d’elles-mêmes, sans explications, c’est parfois suffisant.

Qu’est-ce qui vous motive et vous plait le plus dans la réalisation de roman graphique ? Pourquoi avez vous choisi ce mode d’expression ?

En général ce qui me motive à l’action, c’est une idée qui peut être vague et que les dessins et recherches vont affiner. Le roman graphique est une forme ouverte, assez malléable, qui se prête à des projets de natures différentes et que l’on peut adapter à soi plus facilement que l’album 46 pages traditionnel. Dans le cadre de la BD, c’est là où j’ai le plus de liberté et où je peux m’exprimer au mieux.

Avez-vous en ce moment d’autres projets en cours ?

En ce moment, je travaille justement sur un projet qui tient du roman graphique : ça s’appelle Zita et autres géantes et ce sera publié à la Boite à Bulles en 2011. Zita le personnage principal, est une géante polymorphe qui peut voyager dans le temps. L’ouvrage mêlera récits et illustrations, couleur et noir et blanc.
Sinon, je peins mes silhouettes que l’on pourra apercevoir bientôt sur un blog que je suis entrain de faire. On pourra y suivre des projets et y trouver quelques infos...

(par Morgane Aubert)

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