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Takehiko Inoue : un mangaka affranchi

Par Aurélien Pigeat le 27 mars 2013                      Lien  
À peine âgé de 46 ans, Takehiko Inoue est déjà l'un des plus importants mangakas de son temps. L'auteur de {Slam Dunk}, {Vagabond} et {Real} collectionne les succès. Mais a su imposer sa façon de faire aux tout-puissants éditeurs japonais. Retour sur sa carrière et sur des choix qui détonnent dans le pays du manga.
Takehiko Inoue : un mangaka affranchi
Slam Dunk - Par Takehiko Inoue - Kana
© Kana

Originaire de la région de l’île de Kyushu, Takehiko Inoue monte à Tokyo pour ses débuts de mangaka, à 21 ans, en 1988. Il publie des nouvelles, tout en étant l’assistant de Tsukasa Hojo, l’auteur de City Hunter. Sa carrière connaît une accélération phénoménale deux ans plus tard, avec le début de Slam Dunk dans le Weekly Shonen Jump.

De 1990 à 1996, Takehiko Inoue s’impose comme un des piliers du magazine, aux côtés de l’autre géant du moment : Dragon Ball d’Akira Toriyama. C’est d’ailleurs lorsque ces deux séries s’achèvent que les ventes du Jump s’effondrent, diminuant presque de moitié en passant de 6,3 millions d’exemplaires hebdomadaires en 1995 à seulement près de 3,5 millions d’exemplaires trois ans plus tard.

Slam Dunk est un shonen de sport sur le basket. Takehiko Inoue insiste sur l’intensité des confrontations et le caractère marqué de ses héros, si bien que ses personnages de lycéens deviennent rapidement des modèles pour ses suiveurs. Avec cette série, notre auteur concilie ses deux passions : le manga et le basket qu’il a assidûment pratiqué au lycée.

Slam Dunk est un immense succès éditorial. Du haut de ses 31 tomes (24 dans la Perfect Edition lancée au début des années 2000 et dans laquelle Takehiko Inoue s’est particulièrement investi), il fait partie des séries issues du Jump les plus vendues de tous les temps. En février 2012, les ventes cumulées de la série approchent les 120 millions d’exemplaires, rien qu’au Japon !

Cette réussite a permis à Takehiko Inoue de reconsidérer son rapport avec les éditeurs, et donc les modes de productions de son travail. Il fonde sa propres structure, I.T. Planning Inc., fait en sorte de récupérer les droits de Slam Dunk, et envisage la suite selon ses envies et ses règles.

Vagabond - Par Takehiko Inoue - Tonkam
© Tonkam

Ainsi, prend-il le temps de choisir ses projets, ses supports et ses interlocuteurs. Il teste les nouvelles technologies avec Buzzer Beater, un autre manga de Basket situé quant à lui dans un cadre de science-fiction. D’abord publié en ligne, en 1996, sur le site de Sport 1, une chaîne de sport japonaise, le manga est par ailleurs colorisé par ordinateur. Il connaît une publication papier chez Shueisha l’année suivante.

Ce n’est qu’en 1998 que Takehiko Inoue se lance dans un nouveau projet d’envergure avec Vagabond, publié chez Kodansha, dans le Morning, l’hebdomadaire seinen de l’éditeur rival de Shueisha, et dans lequel on peut suivre notamment Billy Bat ou Les Gouttes de Dieu. Cependant, Vagabond suit lui un rythme de parution particulier, jusqu’à devenir mensuel, toujours au sein du magazine, au bout de quelques temps. C’est que le mangaka travaille avec qui il le souhaite, sur un projet mûri, et selon des conditions qui lui conviennent.

Le manga se veut à la fois historique et romanesque puisqu’il adapte librement le roman d’aventure des années 1930 Musashi Miyamoto d’Eiji Yoshikawa, très populaire au Japon, et contant la vie mouvementée du plus célèbre escrimeur de l’Archipel. Takehiko Inoue s’attaque à un monument culturel japonais, et remporte là encore un succès immédiat. La série, encore en cours actuellement, s’approche doucement de son dénouement.

"Vagabond" par Takehiko Inoue
(C) Kodansha - Tonkam
Real - Par Takehiko Inoue - Kana
© Kana

Avec Vagabond, Inoue donne la pleine mesure de son talent. Son style graphique, qui avait fortement progressé tout au long de Slam Dunk, s’affirme comme l’un des plus aboutis de la profession. Par ailleurs, il continue la recherche graphique autour de ce titre, remplaçant peu à peu le feutre par le pinceau, pour ne plus utiliser que ce dernier à partir de 2002.

Narrativement aussi, Takehiko Inoue se permet des audaces rares dans le manga : il abandonne ainsi son héros, Musashi Miyamoto, des volumes 14 à 20, pour raconter la vie d’un autre personnage, Kojiro Sasaki, rival historique de Musashi. Mais le mangaka en fait un enfant sourd et muet, et l’histoire s’en trouve changée.

Inoue accorde d’ailleurs une attention particulière au handicap. Dans Real, son autre grande série menée en parallèle de Vagabond et lancée peu après son lancement, mais chez Shueisha, en témoigne.

Pepita - Par Takehiko Inoue
© Kazé

Si son sujet est ici une fois encore le basket ball, ses héros sont... en fauteuil roulant dans ce qui se révèle être un manga de handi-sport ! Irrégulière, sa parution s’effectue quand même à un rythme d’environ un volume par an et compte jusqu’à 12 tomes aujourd’hui.

En marge de cette production déjà conséquente, Takehiko Inoue multiplie les projets divers, participe à de nombreux événements et manifestations. Il tient ainsi une chronique régulière sur le basket dans un magazine du groupe Shueisha. Character designer de jeux vidéo, il ne s’est pas contenté de l’univers du basket mais a aussi participé à un RPG - jeu de rôle, et genre "noble" - avec Lost Odyssey.

Le dernier en date de ses projets, Pepita, le voit ainsi aller sur les traces de l’architecte catalan Antoni Gaudi. Il fut aussi l’un des premiers à réagir lors du Tsunami en 2011. Il expose et réalise des œuvres diverses selon les circonstances, les demandes, ses envies. Son travail, reconnu dans le monde entier, lui a valu de nombreuses récompenses et distinctions.

Définitivement, Takehiko Inoue est un mangaka libre, affranchi de bien des contraintes du métier, qui peut jouir ainsi de sa passion comme il l’entend. Pour le plus grand plaisir de ses lecteurs.

Takehiko Inoue, à Paris en mars 2012
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

(par Aurélien Pigeat)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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