surnommé « Le fils de la mort » ou encore « L’homme aux mille visages », entre en scène en décembre 1913 alors que Raymond Poincaré est président de la République, Gaston Doumergue, président du Conseil. Les socialistes, conduits par Jean Jaurès, qui croient encore pouvoir éviter la guerre, combattent les ardeurs belliqueuses du gouvernement. Le malfaiteur souhaite se servir de ce climat favorable à la guerre pour devenir l’homme le plus riche du monde. Sa science du déguisement, ses moyens illimités, son intelligence exceptionnelle, sa totale absence de compassion, lui permettent d’imaginer crimes et machinations avec une parfaite indifférence pour ses victimes. Deux hommes, un commissaire de la Police Judiciaire, et un brillant détective de l’agence Fiat-Lux, se dressent avec courage face à celui qui veut devenir le Maître du Monde…
Comme nous l’avions prédit, Tanâtos est un des grands albums d’action de cet automne, d’autant plus que la seconde partie du diptyque introductif devrait sortir en janvier. Délicieusement noir, Didier Convard se coupe en quatre pour esbaudir à tour de bras. Entre son criminel notoire qui ne recule devant aucun sacrifice pour s’enrichir, et son duo de détectives qui rivalise d’intelligence avec le roi du crime pour le démasquer, le scénariste a succès prouve une fois de plus sa dextérité dans un exercice qui ne lui est pourtant pas coutumier. L’intrigue est dense, les rebondissements nombreux et malgré un contexte historique parfois complexe, on ne perd jamais pied dans cette machiavélique machination politico-économique. Heureusement que le second tome suit rapidement le premier, car c’est ce diptyque lance admirablement bien un salaud notoire qui fera son trou dans la marché actuel.
Jean-Yves Delitte possède une facilité à dessiner presque insolente ; son trait vif et solenel colle particulièrement aux ambiances de la belle époque, ainsi qu’il l’avait démontré pour Neptune et les Brigades du Tigre. Bâtiments et décors sont hyper-réalistes, nous faisant rentrer intégralement dans la trame du récit tout en laissant les personnages, oppressés par les cadrages en plongée, s’ébattre dans les filets de Tanâtos. Les tatillons regretteront quelques postures cocasses, où les interlocuteurs semblent plus bailler que vociférer, mais celles-ci font désormais partie de la palette de Delitte. On appréciera ou pas, mais en pensant qu’il réalise 12 à 16 planches par mois d’un travail aussi minutieux, cela force le respect.
Coutumier de petits clins d’œil dans ses planches, Delitte règle aussi ses comptes. Il attaque l’Association dont certains auteurs posséderaient, selon lui, le gêne de la bêtise : « nous comprenons alors mieux leur prétention imbécile qui, malgré la médiocrité de leur talent, les pousse à croire et à prétendre qu’ils sont des génies. ». Entre une publicité gratuite pour le dernier livre de Didier Convard ou ses propres albums, l’utilisation des responsables de presse de Glénat en filles du Moulin Rouge, et un compliment éloquent à Richard Malka, scénariste de l’Ordre de Cicéron, et également avocat de Charlie Hebdo dans l’affaire des caricatures de Mahomet, Delitte s’en prend aussi au magazine BoDoï : « ce magazine fumeux connu pour sa ligne éditoriale lunatique et inconstante, qui se permet de mépriser un grand auteur, Conrad. » Ceux qui le connaissent bien retrouveront le franc-parler de Jean-Yves Delitte dans l’ensemble des manchettes des journaux de l’époque, cela nous promet encore de belles surprises pour le prochain tome.
Qu’on suive ou non les avis artistiques de Delitte, on appréciera ce polar efficace, relevé d’une pointe de fantastique pour provoquer une évasion salutaire : ce premier diptyque s’annonce déjà comme une valeur sûre de la BD d’action.
(par Charles-Louis Detournay)
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Toutes les illustrations sont © Delitte/Convard/Glénat
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