Voilà une opération qui tient compte de l’évolution actuelle du marché français (58% des BD vendues en France sont des mangas) mais aussi de la mise en place, de plus en plus nombreuses, de coopérations mondialisées sur le modèle Netflix appliquées à l’édition. L’émergence rapide, au niveau mondial, des webtoons coréens a montré la voie. L’originalité de cette opération, c’est la convergence entre le premier producteur de BD du monde, le Japon et son premier marché en termes de diversité de titres publiés : la France.
L’autre originalité est l’hommage rendu à Osamu Tezuka, auteur culte (les Nippons le surnomment « le dieu des mangas »), créateur d’Astro Boy, du Roi Leo et de Dororo, entre autres, et l’un des mangakas les plus traduits en France.
« Cela correspond à la volonté de Tezuka Productions de pérenniser l’œuvre dont ils ont la charge dans une dynamique de développement tous azimuts dans le cadre de leur projet Tezucomi » nous dit-on du côté de chez Dupuis/Vega.
Mais cette convergence n’est possible que grâce à la mutation de la création graphique de la bande dessinée européenne, sevrée aux mangas/animes et aux comics depuis des décennies maintenant, pour tendre vers un « style international » susceptible de plaire aux différents marchés et donc d’amortir la création sur une assiette plus large. Voilà qui explique a posteriori l’acquisition surprise de Vega par Dupuis.
Kenny Ruiz est de cette trempe-là. « Fan absolu de Gunnm », il avait déjà lancé avec succès dans Spirou les séries Magic 7 et Télémaque dans un style « japonisant » : mises en pages éclatées et personnages « kawaï » avec des grands yeux.
Le pitch est tézuquesque à souhait : une guerre entre les robots et les espèces vivantes (bonjour Isaac Azimov) aboutit à la victoire robotique qui installe un régime totalitaire dirigé par l’omnipotent Atlas qui accorde à ses sujets un « permis de vivre » aux seules créatures « utiles. » Évidemment, une poignée de rebelles résiste à cette situation apocalyptique : la Team Phoenix.
Vega en a tiré deux versions : une au format (et au prix : 8€) manga et une autre au format « album » (202 x 280 mm) à 45€. Une expérience intéressante et une lecture passionnante.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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