Les aventures de Doc Horror et de sa fille Evelyn, dit Halloween Girl, se déroulent dans notre monde, au grès des rues et souterrains de la ville bien nommée, Peril City. L’ouvrage s’ouvre sur la fuite d’un hybride du nom de Komodo. Pourchassé pour s’être évadé de l’Usine à monstres, haut lieu d’expériences scientifiques, il ne doit son salut qu’à l’intervention de membres des Nocturnes. Au même moment, les familles mafieuses qui contrôlent la ville connaissent un bouleversement. Un certain M. Fane prend le contrôle au nom d’un conglomérat dénommé Narn K, alors que le raton-laveur anthropomorphe, Bandit, exécute leur chef. Quand des tensions entre familles mafieuses laissent place à une chasse à l’homme menée par M. Fane, qui semble vouer à Doc Horror une haine tenace, elle a lieu à l’abri du regard des humains.
Le style graphique flamboyant de Dan Brereton : entre photoréalisme pictural et pulp art façon horreur
La première chose qui ne peut que convaincre de découvrir Dan Brereton est son graphisme. Le style, flamboyant et immersif, impressionne. Son esthétique picturale relève pour une bonne part de la technique du photoréalisme. Un mouvement artistique qui étudie la photographie avant de la reproduire le plus fidèlement possible ; un rare et obsessionnel souci du détail. Pour Dan Brereton, cette approche artistique a donné lieu à de nombreuses séances photo. Aussi bien de ses enfants, de ses frères et sœurs, que de ses parents et amis. Ces clichés ont été une source d’inspiration pour créer les personnages de The Nocturnal. Cette technique du photoréalisme s’applique dans divers arts plastiques tels que la sculpture, le dessin ou la peinture.
Aux États-Unis, Dan Brereton est justement connu pour ses talents de peintre. Les décors, les visages et les corps reflètent cette pratique artistique, troublante de réalisme. Néanmoins, ce n’est qu’une dimension de son travail qui repose sur un paradoxe. La part picturale de son œuvre tend à jouer un va-et-vient entre effet vaporeux et précision. Ce trait suscite une fascination à un point tel qu’il est possible de s’attarder sur chaque case de cette belle intégrale. Chaque case donne à voir tout le talent déployé par Dan Brereton.
La couleur au service de l’intrigue et des personnages
La couleur est partie prenante de ce succès graphique. Les nuances, les atmosphères, les identités graphiques tirent leur puissance du choix des couleurs. Plusieurs personnages du groupe de Doc Horror existent même aux yeux du lecteur à travers leur "charte graphique". Polychrome, une femme spectre, est aisément reconnaissable à sa couleur glauque (bleu/vert pâle). Le pyrokinésique Firelion est, sans surprise, déterminé par le rouge feu. Starfish, une tueuse d’élite, est déterminée par l’omniprésence de la couleur verte, celle de son corps de femme-poisson. Que dire d’Evelyn, une sorcière, régulièrement mise en avant par la couleur violette, deux éléments symboliques associés au féminisme moderne ("les petites filles héroïques n’étaient pas légion dans les comics en 1994" Dan Brereton).
Au fondement de l’univers de Dan Brereton : Le monstre
Aux États-Unis, pays d’Edgar Allan Poe et de H.P. Lovecraft, du zombi moderne de Georges Romero aux célébrissimes films de monstres d’Universal, des célébrations d’Halloween aux films de genre de Tim Burton, il n’est pas chose aisée que de passer à côté de la figure du monstre. Et Dan Brereton en fut profondément marqué. Par ailleurs, un ouvrage qui rassemble nombre de ses travaux a pour couverture une représentation de Frankenstein et de sa fiancée (The Goddess & The Monster).
Il n’est, par conséquent, pas davantage étonnant que les premières publications de The Nocturnals aient eu lieu sous le label Malibu Comics, maison d’édition aujourd’hui disparue, qui s’était fait connaître par des reprises et adaptations de nouvelles d’Edgar Allan Poe et du vampire Dracula. Sur ses autres travaux, Dan Brereton est également connu et apprécié pour son travail sur Batman : Thrillkiller (où l’on retrouve nombre de ses obsessions graphiques) au côté d’Howard Chaykin. Parmi d’autres travaux, on pourra également citer sa participation à Buffy contre les vampires ou Vampirella.
Dan Brereton, ne faisant pas les choses à moitié, a même travaillé à l’élaboration d’illustrations pour des couvertures d’albums comme celui du chanteur de métal Rob Zombie intitulé Hellbilly Deluxe.
En ce sens, The Nocturnals, inaugurée en 1995, est une composition toute personnelle de Dan Brereton, bien qu’amalgamant de nombreuses influences à travers un style graphique unique. Dans cette intégrale, le folklore d’Halloween, merveilleusement incarné par Halloween girl et les secrets maléfiques de sa tête de citrouille, imprègne l’histoire de ses ambiances.
A cet égard, les nouvelles Têtes de citrouille et Le pont du troll sont des petits bijoux graphiques rendant scénaristiquement hommage aux contes anciens (tel Hansel et Gretel). Pour que la galerie soit complète, ajoutez des monstres lovecraftiens et ceux des studios Universal ou de la Hammer. Enfin, à noter que des auteurs aussi prestigieux que Bruce Timm (Batman la série animée), Arthur Adams (X-men) ou Stan Sakai (Usagi Yojimbo) ont illustré certains de ces contes d’Halloween, donnant à lire un mille-feuille graphique bluffant d’imagination et à voir la considération de ces auteurs pour les personnages de Dan Brereton.
Les comics chez Huginn & Muninn : Un éditeur des monstres ?
Si la collection Signatures USA, et plus généralement le catalogue de comics publiés (en dehors des séries dans l’univers de Dune, Iron Maiden ou Motorhead), mettent à disposition du public français le patrimoine états-uniens de la bande dessinée, c’est un patrimoine qui semble sélectionné au prisme du monstre et de l’horrifique. Après Doc Frankenstein : Le Prométhée post-moderne (où les soeurs Wachowski, Geof Darrow et Steve Skroce livraient leur vision du mythe de Mary Shelley) et Madman de Michael Allred et Laura Allred (invention d’un super-héros ressuscité et recousu du nom de Frank Enstein), la galerie lovecraftienne, folklorique et Universal de monstres par Dan Brereton nous poussent à envisager le tropisme des éditeurs pour un genre en particulier. Les publications à venir de la maison d’édition Huginn & Muninn le confirment avec la présence de :
Ice Cream Man (tome 1) de Maxwell Prince
Killadelphia (tome 1) de Barnes Rodney, J. Alexander et Luis Nct
The Silver Coin (tome 1) de Michael Walsh, Chip Zdarsky, Kelly Thompson et Jeff Lemire.
Toutes ces publications, qu’ActuaBD ne manquera pas de vous chroniquer, seront tournées vers l’horrifique et le surnaturel. Les monstres du passé ont de l’avenir...
(par Romain GARNIER)
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Pour découvrir d’autres comics des éditions Huginn & Muninn :
Doc Frankenstein : Le Prométhée post-moderne - Par les soeurs Wachowski, Geof Darrow et Steve Skroce
Pour découvrir d’autres comics des éditions Huginn & Muninn, de la collection "Signatures USA" :