The Pink Album – Par Shindo L – NihoNiba

En cette Rentrée 2022, ce nouvel album était attendu : chaque nouvelle sortie signée par l’artiste Shindo L est un événement en soi, ce dernier étant très probablement l’auteur le plus globalement connu de l’industrie du Hentai. Nous ne pouvons vous cacher que nous apprécions l’exubérante œuvre de cet artiste et qu’en conséquence, nous attendions aussi de pied ferme ce quatrième album traduit en langue française pour découvrir de quoi il en retournait.

The Pink Album a originellement été publié en 2018 par l’éditeur nippon WaniMagazine. Il s’agit d’un recueil de quatre histoires indépendantes parues dans des magazines de prépublication entre 2010 et 2017 ; leur longueur peut varier de la vingtaine de pages à une soixantaine.

© Shindo L/WaniMagazine Co.,Ltd/NihoNiba

Suivant la tradition éditoriale de ce que peut proposer d’ordinaire WaniMagazine, l’histoire qui inaugure cet album est relativement proche des canons du Vanilla ; un récit sage pour Shindo L, mais déjà bien lubrique comparé aux modèles du genre. On y suit la romance, assez classique pour une telle publication, d’une jeune bibliothécaire qui connaît de l’amour charnel uniquement ce qu’elle en a lu dans ses livres. Un cours d’éducation sexuelle qui fait monter plutôt efficacement la température.

Une fois passée cette histoire inaugurale, le contenu de The Pink Album est résolument hardcore. Celui-ci rappelle, si besoin est, que la marque de fabrique de Shindo L pour raconter ses fantaisies érotiques est de le faire de manière très délurée. Un contenu tellement clivant qu’il a fallu pour l’éditeur NihoNiba mettre le holà : afin de respecter la législation française, l’éditeur a expliqué sur le Net avoir dû retirer deux histoires par rapport à l’édition originale. Comme nous avions pris l’habitude avec Shindo L de parcourir des albums généreux qui dépassent les 200 pages, c’est ici une cinquantaine de pages qui ont ainsi été retirées pour de solides raisons (en parcourant son interview en fin d’album, vous aurez une petite idée de ses thèmes qui posent problème). À nouveau, on peut constater que ce n’est pas de tout repos de traduire et d’adapter des Hentai dans les territoires étrangers.

© Shindo L/WaniMagazine Co.,Ltd/NihoNiba

La deuxième histoire, intitulée « Au Secours ! Demoiselle en détresse... », a un propos des plus inattendus : on y suit les aventures érotiques d’une jeune femme issue d’une famille très huppée qui souhaite s’éveiller à une vie sexuelle active. Le hic, c’est qu’elle a été mentalement conditionnée au fil des ans par une importante consommation de produits pornographiques et de ses représentations du sexe ! Un très bon récit où Shindo L s’aventure loin, bien loin dans ses fantaisies et suggère à nouveau à travers son intrigue que le plus glauque dans nos sociétés contemporaines n’est pas forcément celui ou celle qui exprime de façon ingénue ses fantasmes ou ses envies.

Notre coup de cœur de cet album est l’excellente troisième histoire, intitulée « Incubus ». Vous vous en êtes peut-être doutés, mais l’artiste fraye de nouveau vers le genre fantastique : ici, c’est la figure selon les anciennes croyances du démon violeur de femmes durant leur sommeil qui est convoquée. Le récit se déroule dans un monastère au Japon. Sa particularité ? Accueillir des orphelins étrangers. Des sœurs disparaissent plus ou moins régulièrement du monastère, sans que cela inquiète outre mesure celles qui demeurent, comme l’héroïne Kate. Nous n’en écrirons pas plus à propos du synopsis de cette histoire, mais sachez seulement que Shindo L sait y manier le mystère et les faux-semblants… Exubérante et originale, cette histoire nous a rappelé le sentiment qu’on a pu avoir lors de la découverte de l’excellent Shindo L’s Cultural Anthropology : Shindo L et le surnaturel, c’est assurément un combo gagnant.

© Shindo L/WaniMagazine Co.,Ltd/NihoNiba

La quatrième et dernière histoire semble destinée en priorité aux amateurs de récits hardcore. On y suit les déboires de deux jeunes femmes en vacances estivales à la plage, missionnées par leur groupes de camarades pour chercher des glaces. Une fois arrivées chez le glacier, elles se rendent compte qu’aucune d’entre elle n’a pris la monnaie nécessaire. C’est alors que le vieux gérant de la boutique a, pour régler ce problème, un libidineux marché à leur proposer… Un court récit qu’on retiendra avant tout pour le talent graphique de son auteur.

À l’image du contenu de ce recueil qui est résolument hardcore, The Pink Album démontre une nouvelle fois la capacité de Shindo L de secouer ses lecteurs. Il sait situer efficacement le curseur de l’érotisme grâce à ses très jolis dessins, tout comme il peut sciemment provoquer une nausée le temps d’une case. Relevons aussi ici que l’artiste continue de servir avec déférence les amateurs d’Ahegao [1] avec cet album.

Accompagné d’une chouette et instructive interview de l’artiste sur cinq pages, The Pink Album n’est peut-être pas notre album préféré de Shindo L (on le préfère sur des récits longs), mais il témoigne des qualités évidentes de son auteur. Son contenu hardcore détournera peut-être une partie des lecteurs, mais l’excellent récit « Incubus » vaut de tenter le coup d’œil… Quant aux lecteurs convaincus par les précédents albums de Shindo L, ils peuvent espérer retrouver avec cet album une formule qui leur convient.