Que Tintin au Congo soit un album aux relents colonialistes, cela ne fait aucun doute. C’est une histoire suggérée en 1930 à Hergé par l’abbé Wallez, le directeur du XXe Siècle, un quotidien belge catholique, à la suite du très anticommuniste Tintin au Pays des Soviets.
En 1930, la Belgique est une grande puissance coloniale, l’une des économies les plus prospères au monde, et l’intention claire du Petit XXe, supplément de ce quotidien conservateur, était de donner au petits Belges une image positive du Congo afin de les amener à devenir les futurs cadres de cette colonie très rentable. Alors les Noirs sont présentés comme des braves gars un peu simplets, "civilisés" par des curés joviaux et bienveillants, en butte à l’obscurantisme de sectes animistes et à d’affreux Américains venus faire la concurrence dans le pré-carré belge.
Une œuvre colonialiste
Oui, Tintin au Congo raconte cela, personne ne l’a jamais nié, à commencer par Hergé qui déclara à Bernard Pivot dans Apostrophes en 1973, qu’il s’agissait là d’une œuvre de jeunesse, commandée par un "journal d’extrême droite" (c’est lui qui le qualifie ainsi, faisant allusion aux sympathies de son patron pour le fasciste Benito Mussolini).
Cela a été documenté mille et mille fois. Un procès a été instruit en Belgique en 2007 qui aboutit en 2012 à un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles qui souligne dans ses attendus qu’Hergé ne "pouvait avoir en 1930 le même état d’esprit que celui qui allait inspirer, un demi-siècle plus tard, la loi de 1981."[Loi belge qui réprime les propos racistes. NDLR].
En 2009, le Ministre de la culture français, M. Frédéric Mitterrand, répondit à ces questions à l’Assemblée Nationale, appelant à "ne pas banaliser la censure" : « ...l’album d’Hergé ne révèle ni virulence idéologique ni caractère haineux. Les limites consenties par le cadre législatif français au principe de liberté d’expression sont définies de manière stricte et ne sauraient justifier une systématisation des demandes d’interdiction. Une telle évolution serait contraire tant à l’esprit qu’à la lettre de la loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer les actes racistes, antisémites ou xénophobes. Le cas spécifique des publications à destination de la jeunesse, réglementé par la loi de 1949 qui confère des compétences en la matière à l’autorité administrative, n’autorise pas davantage à banaliser la censure. L’application de ces dispositions appelle une extrême vigilance et un discernement particulier, afin de parvenir à combiner en toute rigueur la préservation de la liberté de création, les sanctions aux atteintes à la dignité humaine et le respect de la pluralité des identités. »
Le CRAN monte d’un cran
Qui sont les gens de ce "collectif antiraciste" ? Nul ne sait, mais le CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France ) en est le porte-parole par la voix de son président M. Louis-Georges Tin, qui réclame aux éditions Casterman une mention d’avertissement dans l’album, "comme cela existe au Royaume-Uni.". Exactement la même revendication qu’en 2009 et en 2012, contre un ouvrage, précise M. Tin "que nous estimons être raciste et même subtilement négationniste" [sic].
Un groupe antiraciste dénonce « Tintin au Congo » par 20Minutes
La légende noire de Tintin
Qu’est-ce qui fait que le CRAN revienne faire campagne, une fois encore, en décembre 2014 ? M. Tin le dit lui-même : c’est la période des cadeaux. Et l’occasion de se faire pour pas cher un peu de pub sur le dos de Tintin. Avec cet élément en plus : cette fois, un libraire voit, contre son gré, sa marchandise vandalisée par un autocollant portant la mention "produit toxique".
Le CRAN n’a-t-il pas mieux à faire que de s’attaquer à un album de 1930 alors qu’il y a mille et une action racistes à dénoncer aujourd’hui, tous les jours en France ? Quel sens cela aurait de mettre un tel avertissement que l’on devrait apposer aussi bien sur les œuvres de Jules Verne, de la Comtesse de Ségur, sur le Robinson Crusoé de Daniel Defoë, voire sur La Bible ?
Il semble bien que les services de communication du CRAN manquent un peu d’imagination. Il faut donc s’attendre à ce type d’action pendant quelques années encore car Hergé n’en a pas fini avec sa "légende noire" : il lui faudra bientôt aussi s’excuser auprès des Juifs pour L’Étoile mystérieuse, des Japonais pour Le Lotus bleu, des Américains pour Tintin en Amérique, des Russes pour Tintin au Pays des Soviets...
Avec pour chacun à la clé une action dans les FNAC avec un sticker dédié, collectors appréciables... Qui a dit que Tintin n’intéressait plus personne ?
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
LIRE AUSSI SUR ACTUABD.COM :
Tintin au Congo : Que veut réellement le CRAN ? - 1/03/2012.
Tintin au Congo - "Pas raciste", dit la Cour d’appel de Bruxelles - 6/1/2012.
Tintin va être jugé pour « racisme » - 6/4/2011
Affaire Tintin au Congo : "Le Soir" instruit le dossier - 5/07/2010.
« Tintin au Congo » : L’ambassadeur du Congo à Bruxelles demande à son tour l’insertion d’un avertissement. - 31/05/2010.
L’Affaire Tintin au Congo tourne à la farce judiciaire - 27/04/2010.
Affaire « Tintin au Congo » : Frédéric Mitterrand appelle à « ne pas banaliser la censure » - 24/12/2009.
Affaire « Tintin au Congo » : la CRAN prend position ! - 4/9/2009.
Bienvenu Mbutu Mondondo : « Cette bande dessinée est raciste » - 31/08/2007.
« Tintin au Congo » : La crispation des Belges - 31/08/2007.
Tintin doit-il demander pardon ? - 17/08/2007.
L’Affaire « Tintin au Congo » prend un tour judiciaire - 7/07/2007.
Participez à la discussion