On l’apprend par une dépêche de l’AFP, l’éditeur Arconsil qui a publié une série de romans intitulés « Saint-Tin » parodiant les aventures du célèbre reporter à la houppe, a été assigné jeudi dernier à Evry (Région parisienne) pour contrefaçon de l’œuvre d‘Hergé. Rien d’étonnant à cela : l’auteur de ces ouvrages étant venu jusque dans nos colonnes défier la société bruxelloise.
Dans sa plaidoirie, l’avocate de Moulinsart, Me Florence Watrin, a logiquement reproché à l’éditeur d’avoir « exploité les éléments qui font la notoriété de l’œuvre », et contrefait les titres et les personnages. C’était un peu notre opinion : « les couvertures ont tout l’air d’être des contrefaçons de l’œuvre d’Hergé » écrivions–nous en novembre dernier. L’éditeur se défendait en opposant le droit de parodie : « Si une parodie ne ressemble pas à l’original, ce n’est plus une parodie. Une parodie peut être satirique, elle peut se moquer, elle peut magnifier. En l’occurrence, c’est vraiment une parodie-hommage. […] C’est important : il s’agit vraiment d’une re-création. La parodie ne peut pas être moins bonne que l’original, surtout que l’on a pas le soutien du dessin. »
Une argumentation tangente
À la barre, Me Florence Watrin dénonce un « coup éditorial », s’arrogeant le droit, « d’une prétention inouïe », de se saisir des albums d’Hergé pour en faire « des ouvrages assez médiocres ». Elle réclame en conséquence 160.000 euros de dommages et intérêts, demande l’interdiction de la distribution et de l’impression des livres, et la publication du jugement.
En face, l’avocate de l’éditeur Me Bénédicte Azzopard s’étonne de la virulence marquée par « l’agressivité et la méchanceté », de l’attaque de sa consœur. Elle souligne qu’il n’y a pas eu d’atteinte à l’œuvre parodiée qui rend hommage à Hergé mais aussi à ses précurseurs, comme Rouletabille. Elle ajoute qu’il ne saurait y avoir de confusion entre une bande dessinée et un roman. La décision a été mise en délibéré au 9 juillet. « D’ici là, nous dit l’AFP, l’éditeur, dont le stock a été saisi, risque le dépôt de bilan. ».
Nous ne sommes pas plus étonnés de la suite qui est donnée à cette affaire par Moulinsart. Dans le contexte du lancement, le 2 juin prochain, du Musée Hergé et surtout du lancement en 2010 du film adapté de Tintin dont les réalisateurs, Steven Spielberg et Peter Jackson ont annoncé le début du tournage ces dernières semaines, Moulinsart ne pouvait que radicaliser la défense de ses intérêts, d’autant que, l’année prochaine, ce sera sans doute la Paramount qui gèrera le merchandising du personnage.
Si la contrefaçon nous semble patente, il est intéressant de voir dans quel sens le tribunal rendra son jugement. Une affaire récente, Moulinsart contre Bob Garcia, toujours frappée d’appel, avait rendu un premier jugement assez décevant pour l’ayant-droit d’Hergé. Dans cette affaire qui devra juger si la contrefaçon de l’éditeur peut se justifier par le droit de parodie, les argumentations sont tangentes. La conviction des juges pèsera d’autant plus sur la sentence. Il n’est pas sûr qu’elle donne raison à Moulinsart…
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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