Avec plus de dix-sept millions d’albums vendus (sans compter les traductions), Zep est un des grands auteurs populaires de la nouvelle génération. Si son héros à la mèche blonde a conquis depuis longtemps les cours de récréation, il a également su toucher le public adulte avec son récent Happy sex écoulé à plus de 400.000 exemplaires.
Lui restait-il encore des défis à relever quand on brille ainsi par la réussite, et que les dessins animés tirés de sa série fétiche continuent en boucle de ravir les têtes blondes sur le petit écran ? Oui ! Passer à la vitesse supérieure en écrivant et en réalisant soi-même un long métrage. Deux années de travail et des milliers de dessins plus tard, Titeuf débarque donc en trois dimensions dans toutes les salles obscures du pays.
Les clés de la réussite
Avouons-le, c’est avec une pointe d’appréhension que nous nous sommes calés dans le fauteuil moelleux destiné à améliorer le confort de ce visionnage. En effet, si Zep n’a pas son pareil pour réaliser de somptueux gags en mettant en avant les turpitudes de notre vie quotidienne (au lit ou dans la cour de récréation), le passage au long récit de 46 planches n’avait pas été réellement transformé. Le tome 10 de Titeuf, Nadia se marie, présentait beaucoup de lenteurs et l’intérêt de quelques situations cocasses se diluait dans le lent rythme de leur mise en place. Quand on sait que le film traite justement de la boum que Nadia organise pour son anniversaire et que notre héros n’y est pas convié, on craignait de tomber dans les mêmes clichés et les mêmes erreurs.
Heureusement, cette appréhension se dissipe très rapidement dès la scène d’intro du film, une préhistoire imaginaire mettant en scène les différents protagonistes, histoire que les adultes ayant fait l’impasse sur les albums, puissent raccrocher les wagons. D’emblée, le ton est donné : le dessin est fidèle et coloré, la 3D intéressante sans être réellement utilisée de manière suffisamment bluffante, mais l’écriture est bien présente, jouant de dérision sans oublier un certain côté graveleux qui a fait le succès du personnage.
Quant à la thématique du film, dont on craignait la monotonie et le faible intérêt pour les plus de quinze ans, il prend tout sa valeur lorsque la séparation des parents de Titeuf se greffe à cette boum-anniversaire qu’il ne faut pas rater. Zep joue alors en permanence sur les deux tableaux, passant du ‘divorce’ à la recherche du cadeau pour Nadia, de la visite aux grands-parents accueillant provisoirement les ‘filles’ de la maison aux réflexions de la cour d’école. Chaque trame vient progressivement enrichir l’autre, et l’on profite alors de savoureuses et imaginaires explications de Titeuf sur le genre humain, en particulier concernant l’amour et ses déboires.
Le film peut d’ailleurs se voir comme une série d’une quarantaine de gags, reliés entre eux par quelques ponts narratifs. Zep est donc parvenu à écrire un très bon récit, fort de son expérience sur les albums de Titeuf. L’ensemble est donc drôle et parfois touchant. N’allez tout de même pas vous attendre à un éclat de rire toutes les 30 secondes ! Le film est écrit pour garder toute sa cohérence, sans forcer le trait, ce qui n’aurait pas pu convenir au thème plus ‘dramatique’ de la séparation parentale.
Pour ces diverses raisons, Zep a particulièrement réussi son film : la prime jeunesse profitera des facéties du héros (la scène préférée de ma fille de 6 ans est celle de la guitare-caleçon), les adolescents riront de ses difficultés amoureuses tout en percevant la situation des enfants séparés, tandis les adultes apprécieront en particulier ce regard décalé sur les difficultés de couple.
Paroles et musiques
Le dessin joue bien entendu une place déterminante dans la réussite du film. On appréciera d’ailleurs quelques clins d’œil comme le détournement de certaines publicités, ainsi que le bref moment où Zep qui se croque lui-même dans une séquence de course-poursuite orientée Turner and Hooch.
Mais dans un dessin animé tel que celui-là, le choix des voix revêt également sa part d’importance. Donald Reignoux qui incarne déjà Titeuf dans le dessin animé a été confirmé pour le film. Il est vrai que sa voix colle fort bien au caractère du blondinet, et que les enfants qui regardent leur héros à la télévision auraient mal compris qu’il perde ce ton de voix si caractéristique. Pourtant, certaines phrases sont parfois dites si vite, avec cette prononciation si spéciale, qu’il faut réellement tendre l’oreille pour saisir les subtilités que Zep a voulu y glisser.
Pas de souci pour toutes les autres voix, en particulier celle de Maria Pacôme et Jean Rochefort, sublimes grands-parents du blondinet, ou Michael Lonsdale qui incarne un savoureux pédopsychologue.. La palme revient sans doute à Johnny Hallyday qui interprète ‘son’ propre rôle dans le film. La scène est à la fois drôle et sincère, pour se transformer en une merveille de réussite lors que la chanson vient apporter son élément de fantaisie.
Deux ou trois scènes sont ainsi exclusivement musicales, sans doute en hommage à certains films de Goscinny-Tchernia, mais aussi parce que Zep est également un grand fan de musique. C’est d’ailleurs lui qui a écrit le titre principal de cette bande sonore Les Filles, à quoi ça sert ?, dans un style qui rappelle fort celui que J.J. Goldman dans la chanson qu’il avait écrite pour Garou en 2003. C’est tout naturellement que Zep a été trouvé le pseudo-retraité de la chanson française pour lui demander d’interpréter ce titre. Petit retour à l’envoyeur, car c’est Goldman qui l’avait approché le premier pour réaliser graphiquement le livret de son dernier album.
Pourtant, Goldman n’est pas seul à y donner de la voix, car il est accompagné de Souchon, Cabrel et Bénabar. Si l’on rajoute qu’un autre titre de cette bande originale résolument people a été écrit et interprété par Grégoire tandis que James Blunt en chante une autre, vous comprendrez qu’au-delà de Johnny, l’accent a été particulièrement mis sur cet aspect.
Livres en tous genres
Avec la sortie du film, toute une série d’albums et d’objets envahissent donc les étals des grands magasins et libraires plus ou moins spécialisées : livres-puzzle, livre du film avec lunettes 3D (un comble alors que la réalisation profite fort peu de cet aspect dans le film lui-même), puzzle, album du film en version longue, nouvelle maquette des douze tomes de Titeuf, livres de coloriages et j’en passe.
Notre attention s’est pourtant portée sur deux éléments émergeant du lot : l’album de la BO, mais aussi un très bel artbook reprenant les étapes de la réalisation du long métrage. Les photos sont superbes, l’impression est d’un excellent niveau et le contenu est à la hauteur de ce qu’on peut attendre après avoir été touché par le film. De plus, on retrouve tous les détails cachés dans les arrière-plans, en particulier les affiches musicales mettant en avant les passions de Zep.
Cette première sortie ciné BD de l’année est donc à conseiller, avec ou sans enfant. Le succès populaire sera sûrement au rendez-vous, ce qui sera amplement mérité vu l’investissement du dessinateur et le soin apporté à l’écriture.
Faudra-t-il en faire un second ? Si les entrées établissent un record et que l’idée est là, pourquoi pas ? Mais gageons qu’après s’être autant investi dans le film, Zep voudra sans doute retrouver le plaisir de la planche… et nous de le lire, tout simplement.
(par Charles-Louis Detournay)
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En salle depuis le 6 avril.
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