Des bicyclettes volantes, des nuages en sucre, un étrange arc-en-ciel, un jeu d’échec original. Dans ce recueil de nouvelles à l’onirisme doux qui oscille entre émerveillement et délectation, Shin’Ya Komatsu, jeune auteur découvert dans la revue Ax, se place dans la lignée des grands surréalistes. Dans ces courts récits inventifs et libres de toute coercition, on découvre des contrées merveilleuses, véritable invitation au pays du lapin blanc et de l’orange bleue.
Avec une grande aisance et une grande maturité technique et narrative, l’auteur nous livre des contes sur le temps, l’enfance et le rêve. Amarrer dans un songe permanent, cet univers évolue au gré des divagations de ces enfants, personnages principaux de chaque saynète, dans lesquelles la maitrise du rythme invite au vagabondage.
L’enchaînement des histoires crée un univers complet peuplé de magie et comblé de poésie. Avec un sens de l’harmonie et dans une magnifique bichromie à la finition irréprochable, comme l’album dans son ensemble, on découvre une collection d’images ; véritable bric-à-brac dans lequel toutes choses que l’on pourrait considérer comme inutiles crée du sens. Tels des objets ramassés et assemblés, ce jeune conteur compile les histoires et les emboîte dans un monde fantasmagorique.
Le dessin à la fois simple et limpide, tout en rondeur, est particulièrement léché. On découvre de multiples détails dans chaque case, des myriades de petites touches qui révèlent la foisonnante activité de cette humanité fantasmée.
Muet ou parlant, chaque récit est graphiquement éloquent. L’immersion est immédiate tant l’ensemble est perceptible, palpable. Les cadrages et le dynamisme du découpage rendent une impression d’authentique vivacité comme dans l’Arc-en-ciel indéchiffrable. L’auteur s’amuse et joue avec le lecteur, ce qui se révèle particulièrement gratifiant. On se laisse guider par ces lignes qui se croisent et permettent à notre esprit de vagabonder. Aux côtés de ces mômes, on arpente cet environnement en retrouvant l’innocence propice à la méditation.
À la croisée de Borges et de Dali, Shin’Ya Komatsu nous livre un recueil des restes du monde, une histoire d’un temps qui fut et qui sera par l’intermédiaire de véritables nouvelles graphiques. Un petit bout de terre infini à la construction enchevêtrée et poétique où la Sieste devient un art. Un album foisonnant et joyeux comme une montgolfière qui nous annoncerait chaque matin la bonne journée à venir.
Sans aucune fausse note, impeccable, voici sûrement l’un des plus beaux de la rentrée qui offre de multiples angles de lecture pour tous, comme dit la formule consacrée, de sept à soixante-dix-sept ans.
(par Vincent GAUTHIER)
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