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"Tony Chu - Détective cannibale" aligne les albums et les succès

Par Charles-Louis Detournay le 26 août 2014                      Lien  
Aussi soignée qu’ultra-charpentée, cette délirante série de John Layman & Rob Guillory, titulaire de deux Eisner Awards, continue sa publication francophone chez Delcourt. Si vous pensez avoir déjà lu tout ce que l'on pouvait attendre de neuf en termes de comics ou de bande dessinée, vous allez vous délecter !

Pour rappel, cette série nous situe quatre années après une pandémie de grippe aviaire qui a décimé une centaine de millions de Terriens. Plusieurs services gouvernementaux ont été créés et évoluent au-delà des lois pour protéger les citoyens.

Des pouvoirs alimentaires

Une galerie baroque de personnages évolue dans et aux alentours de ces services. Pour la plupart, ils possèdent des pouvoirs qui sont liés à la nourriture qu’ils ingèrent. Ainsi, Tony Chu, le héros de la série, est « cibopathe » : il apprend l’histoire des aliments… ou des hommes qu’il veut ou va arrêter. De ce pouvoir vient le sous-titre français Détective cannibale, une information peu ragoûtante et qui signale l’aspect majeur et malheureusement déjanté de la série.

"Tony Chu - Détective cannibale" aligne les albums et les succès
Encore sombre dans les premiers épisodes, le style déjanté du dessin de Guillory va s’affirmer progressivement, au diapason du scénario de Layman.

Les autres pouvoirs rencontrés le prouvent : certains peuvent voir l’avenir de ce qu’ils mangent (pour peu que cela soit encore vivant...), des privilégiés peuvent sculpter le chocolat jusqu’à lui donner des aspects fonctionnels, d’autres fabriquent des masques alimentaires capable de transformer les traits du visage, les aliments augmentent l’intelligence des “voresophes” et les capacités physiques des “ciboinvalesceurs”, etc.

Une trame multiple, mais rigoureuse

La série se développe sur deux axes principaux : la découverte de la famille de Tony Chu, aussi folle que douée de pouvoirs polymorphes, et l’affrontement entre “cibopathes”, dont Tony Chu et le mystérieux Vampire font également partie. Les cibopathes sont plus ou moins rapidement capables d’ingérer et de dominer les pouvoirs des personnes qu’ils croquent. On vous rassure : une petite bouchée ou une goutte de sang suffit...

Outre des méchants arrêtés fréquemment, un super-méchant machiavélique, des amis aussi tordus que sexuellement déviants, nous avons aussi droit à la présence des extra-terrestres, alors qu’un message en lettres de feu vient ceinturer la Terre : il était arrivé le même phénomène sur Altilis-738 (une exoplanète habitée à 24 années-lumière de la Terre), avec, à la clé, une conclusion tragique... Cet étonnant présage apocalyptique ravive la foi d’une secte bouffonne qui condamne tout consommateur de poulet : ils multiplient les actes terroristes pour faire respecter la sainteté de l’œuf. Heureusement, le super coq bionique Ponyo va pouvoir aider nos amis.

Deux auteurs qui ne faiblissent pas

Expliqué ainsi, Tony Chu semble un joyeux délire sans queue ni tête (de poulet). Il s’agit pourtant d’un univers cohérent et ultra-charpenté, où John Layman combine avec adresse building story, polar, espionnage et SF. Rebattant habilement les genres, dans la lignée d’un Alan Moore, il prend en dérision les comics et leurs super-héros omnipotents, tout autant que de sa propre création. C’est finalement cette jovialité iconoclaste, cette autodérision si rare aux États-Unis qui fait toute la saveur de la série : chaque page peut apporter un nouveau délire, chaque chapitre une autre facette d’un univers aussi surprenant que fantasque.

Bien entendu, une bonne part de cette réussite tient dans la qualité graphique de Rob Guillory : le jeune dessinateur se révèle véritablement dans cette série. Il parvient à alterner les moments sombres ou tristes, avec les délires psychédéliques les plus colorés. Au dessin et aux couleurs [1], chaque case rivalise de minutie, tant dans le soin apporté aux physionomies des personnages que dans les décors. Des parodies de couvertures de séries Z, parmi les milliers de petits détails, se trouvent disséminés dans les affiches et les journaux qui émaillent les cases de la série.

On peut regretter que la couverture du premier recueil francophone ait mis en avant un aspect morbide et sérieux alors que finalement, c’est bien l’humour et la dérision qui sont les piliers de Tony Chu.

Titulaires de deux Eisner Awards et d’un Harvey Award, Tony Chu - Détective cannibale réjouira autant les amateurs de comics et d’univers déjantés que les lecteurs expérimentés avides de scénarios ciselés toujours à la recherche de nouveautés. Tony Chu compte actuellement huit tomes parus en français, sur douze programmés pour terminer cette intrigue surréaliste. C’est le bon moment pour rattraper le temps perdu et profiter d’une ligne narratrice qui se réinvente perpétuellement sans jamais perdre en intérêt.

Et croyez-vous : vous ne mangerez plus jamais du poulet de la même façon !

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Tony Chu - Détective Cannibale – Par John Layman & Rob Guillory - Delcourt

Lire :
- notre chronique du troisième tome
- les articles revenant sur les Eisner Awards reçus par la série (Chew en anglais) :
> Comic Con’ 2011 : Tardi reçoit deux Eisner Awards pour « C’était la guerre des tranchées »
> “Le Photographe » sauve l’honneur de la France à San Diego 2010

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[1dans les premiers tomes

 
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