La ville de Neopolis possède une caractéristique qui la distingue de toutes les autres : ses habitants sont tous des surhommes, des êtres, de natures diverses, dotés de pouvoirs étranges et parfois proprement terrifiants. Pour réguler la vie dans ce lieu, les représentants de la loi ont donc affaire à forte partie. La série d’Alan Moore et de Gen Ha nous propose de suivre les enquêtes et le quotidien des membres d’un commissariat surnommé "Top 10".
Publiée sous le label "America’s Best Comics" de Wildstorm, la série rafla nombre de récompenses aux États-Unis : Eisner Award de la meilleure nouvelle série en 2000 et de la meilleure série en 2001, puis du meilleur album en 2005 pour le spin-off The Forty-Niners. Une reconnaissance critique évidente.
Considérée comme une œuvre majeure d’Alan Moore Top 10 a la particularité d’opérer une synthèse, d’autant plus réussie qu’elle ne va pas de soi, entre mainstream et production indépendante, permettant à deux types de lectures de cohabiter, de se superposer voire de s’intriquer pour peu qu’on soit curieux des champs référentiels que brasse le titre.
Nous vous avions parlé, il y a quelques années, de la série lors de son édition par Urban Comics. Mais les chroniqueurs changeant, les avis aussi, et nous profitons de cette intégrale particulièrement riche - outre la série elle-même, nous avons droit aux spin-offs Smax et The Forty-Niners - pour tenter de vous convaincre de ne pas passer à côté de cet univers ô combien important.
Il y a tout d’abord le jeu sur l’ambiance de commissariat travaillée par les deux auteurs. Le quotidien de flics, vécu au plus près, mais dans un univers totalement décalé, du fait du contexte particulier de Neopolis, constitue une source inépuisable pour un travail sur les codes du policier, sur les environnements urbains et sur la thématique des rapports entre nature humaine et super-pouvoirs. Car ce sont tout autant les personnages eux-mêmes que les enquêtes qui font vivre le récit.
L’immersion s’avère jouissive et si certaines références aux séries télé s’imposent effectivement, notamment Capitaine Furillo - Hill Street Blues en VO - on peut aussi songer à ce que Top 10 a pu inspirer à d’autres du côté des comics (quelques années plus tard, ce sont les hommes des Crimes Majeurs de Gotham Central qui devront penser leur rapport aux Super Vilains).
Ensuite, Top 10 devrait ravir tous les fans de comics, y compris les amateurs de super-héros et de mainstream tant Alan Moore inscrit son univers dans une démarche en quelque sorte métatextuelle vis-à-vis de la tradition super-héroïque, de ses figures et œuvres majeures. La dimension référentielle de Top 10 fait indubitablement partie du plaisir que peut ressentir le lecteur, et l’aspect foisonnant de cette ville et de ses habitants fait du titre un vaste et riche terrain de jeu.
Enfin, il ne faudrait pas négliger la dimension financière de cette édition sous forme d’intégrale proposée par Urban Comics. À 35 euros, soit le prix maximum que s’est fixé l’éditeur pour ses volumes, nous avons droit à plus de 650 pages de comics, de qualité qui plus est. Une démarche qu’il faut saluer et qui devrait inciter tous ceux qui ne connaissent pas encore le titre à tenter l’aventure. Les grincheux et les déçus ne devraient pas être si nombreux que cela.
(par Aurélien Pigeat)
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