Que celui qui n’a jamais croisé une belle voyageuse solitaire dans la salle des pas perdus d’une grande gare jette la première pierre aux auteurs du nouvel opus de la collection Traffic !
Cette série réaliste qui utilise pour toile de fond l’univers des chemins de fer regroupe des récits d’auteurs venus de différents horizons. La thématique singulière, le parrainage de l’opération par Jean Giraud (avec une contribution pour les couvertures ), les maquettes et le visuel retenus pour chaque album constituent autant d’indices contribuant à l’unité d’un cycle peu conventionnel résolument inscrit dans un partenariat sinon financier au moins « culturel » avec la SNCF.
Dans ce nouvel épisode, le tandem Cothias et Ordas signe ici un scénario original, un peu décalé par rapport aux deux albums précédents mais qui, par l’adoption d’un ton très particulier, suscite curiosité et intérêt tout en restant fidèle à la thématique du voyage.
L’auteur des Sept vies de l’épervier qui vient tout juste d’arriver chez Bamboo (avec notamment le très remarqué Ambulance 13) nous invite à suivre l’itinéraire intime et particulier d’un personnage plutôt banal et ordinaire, perdu "volontairement" en gare de Lyon !
Pas de périple à grande vitesse ou d’intrigue menée à un train d’enfer dans ce récit peut-être plus profond qu’il n’y paraît et où l’univers ferroviaire reste fortement présent.
Doué d’extraordinaires capacités de calcul et de raisonnement mathématique, ce modeste employé va tirer un trait sur sa vie professionnelle et familiale dans l’espoir de retrouver la belle inconnue croisée sur le quai n°7 et bousculer le quotidien d’une grande gare parisienne.
Une sorte de fable à la fois simple, décalée, et finalement troublante par la minceur de son postulat et la poésie désenchantée et mélancolique qui sous-tend un récit très ancré dans une veine très réaliste et l’actualité du moment.
Malgré une intrigue aussi peu haletante et aussi peu dynamique (le héros se réfugie dans une longue attente et dans ses calculs de probabilité), cet étrange récit fonctionne assez bien en s’attachant au portrait de ce gentil rebelle romantique et lunaire. Il finira peut-être par séduire les plus sceptiques grâce à un dénouement nourri de rebondissements, sinon inattendus, au mieux fidèles à l’esprit de ce récit original et sensible.
Le dessin précis et appliqué de Winoc sert avec justesse le propos de cette histoire tout en restant sur un registre très réaliste et...crédible.
Cette « histoire immobile » et atypique risque de surprendre les lecteurs de Masquerouge, mais ne les laissera surement pas indifférents.
(par Patrice Gentilhomme)
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© Bamboo Edition - Illustrations Winoc & Cothias,Ordas
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