Faire d’un héros du quotidien celui d’une bande dessinée passionnante est un exercice risqué. De nombreux exemples d’adaptations au cinéma ou en télévision de destins exemplaires ou héroïques se sont souvent soldés par de somptueux ratages. La BD n’échappe pas à la règle.
À la suite des cérémonies du débarquement en Normandie de juin 1944, voici un album qui entend travailler autour du notre mémoire collective en s’intéressant aux péripéties de l’accueil (et du camouflage) d’un aviateur américain en terre paysanne.
Au cours des combats qui suivent le débarquement un P47 Thunderbolt de l’US Air Force s’écrase non loin de la ferme d’Auguste Briant, paisible père de famille de Vernix, en Normandie. Indemne le pilote Weston Lennox va trouver refuge dans une grange de la propriété. Entre le paysan et l’aviateur vont se créer, sinon des liens d’amitié, tout au moins une complicité et une union face à l’adversité nazie. Auguste va s’efforcer de protéger et d’améliorer les conditions de vie du pilote américain, traqué et recherché par les soldats allemands, tout en dissimulant les faits à ses proches.
Fort d’une volonté pédagogique très affirmée (la première édition contient un dossier historique de plusieurs pages en préface), cette histoire décrit de l’intérieur la vie passablement compliquée de ces résistants anonymes sans qui, il est vrai, le débarquement aurait sans doute connu un autre dénouement.
Olivier Merle, dont c’est l’une des toutes premières publications, a tiré cette histoire de souvenirs personnels et familiaux. Il entend les mettre en scène dans deux albums. Le découpage et la mise en images de ces souvenirs n’est pas si facile, surtout si l’on veut donner à ce récit rythmé un tour captivant pour le lecteur. La volonté de peindre au plus juste la France rurale de cette époque est très perceptible mais fait vite sombrer le récit dans une chronique soignée et bien sage (trop peut-être ?) du quotidien de ces héros modestes et ordinaires dont l’histoire de la Résistance est remplie.
Qu’apporte donc de plus ce récit qu’on n’aie déjà entendu, lu ou vu dans le plus quelconque des téléfilms ? Ce premier tome peine à nous convaincre de l’intérêt d’une histoire ordinaire racontée de manière…bien ordinaire Alexandre Tefenkgi a encore peu publié et cette première production laisse percevoir un talent qui souffre encore d’un manque d’assurance. On passera sur un certain nombre de maladresses techniques qu’une mise en couleur habile et d’une esthétique “sépia“ parvient néanmoins à amoindrir.
La sortie de cet album coïncide avec le 65ème anniversaire du Débarquement, et s’inscrit dans une catégorie de produits régionalistes usant du devoir de mémoire. Dans le prolongement du succès de l’Envolée sauvage de Monin et Galandon (chez le même éditeur) dont on ne retrouve ici, ni l’émotion, ni la force du propos, cette histoire laisse un peu le lecteur amateur d’Histoire, comme d’histoires, sur sa faim.
Le second tome annoncé parviendra-t-il à bousculer ce “tranquille courage“ ? Tout le suspense est là !
(par Patrice Gentilhomme)
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