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Trois renaissances et un enterrement

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 avril 2008                      Lien  
Décidément, la presse BD bouge ces temps-ci : L’Écho des Savanes revient ; Mai 68 justifie le retour de Pilote ; Spirou change de rédacteur en chef, tandis que La Lettre de Dargaud s’autodétruit au centième numéro une fois sa mission accomplie.
Trois renaissances et un enterrement
L’Echo des Savanes renaît chez Glénat

Ces dernières semaines, la presse BD est une fois de plus en mutation. On nous balance trois titres qui refusent de s’éteindre et un autre qui milite pour le droit de mourir dans la dignité.

L’Écho, tel un phénix, réussit son retour. Né en 1972, relancé en 1982, devenu brièvement hebdomadaire en 1984, il avait interrompu sa parution en décembre 2006 avant d’être finalement repris par Glénat en mars dernier. Au sommaire, quelques habitués : Vuillemin (excellente couverture), Wolinski, Jul, Fred Neidhardt et ses impostures (il a réussi à piéger la Panafieu)… mais aussi des nouveaux venus comme Ralf Koenig, Pedrosa, Ivan Brun ou Fabcaro. Un rédactionnel distrayant et plutôt bien ficelé, privilégiant l’investigation et l’humour. On retrouve même le strip-tease des copines mais, signe des temps, c’est désormais devant le téléphone portable que se fait l’effeuillage.

Mai 68, thème du dernier Pilote, le mort-vivant de la presse BD (Dargaud)

Que le slogan soit «  le journal qui s’amuse à revenir  » (2003), «  le journal qui s’amuse à lancer un pavé  » ou encore «  le journal qui s’amuse à renaître de ses cendres », revoici Pilote qui célèbre Mai 68, alors que Goscinny n’avait pas caché sa colère contre l’exubérance qu’elle avait apporté au sein de la rédaction. Le numéro comporte quelques belles embardées, réunissant aussi bien le canal historique (Fred, Giraud, Christin, Mézières, Gotlib, Marie-Ange Guillaume…), les arrivés d’après 1968 (qui n’ont donc pas le statut d’ « ancien combattant ») comme Lauzier, Druillet, Veyron, Goetzinger, Rodolphe…, les petits « nouveaux » (Blutch, Blain avec un « morceau de bravoure » qui rend hommage au Jodelle de Pellaert, Sattouf, Menu, Chauzy, Bourhis, Larcenet et Lindingre…), que la bande à Charlie Hebdo (Jul, Catherine, Riss, Charb…). Remarquons aussi la présence d’illustres graphistes comme Mattotti, Loustal ou Muňoz. Un copieux numéro qui est une espèce de synthèse de Pilote, (À Suivre), Charlie Hebdo et L’Écho des Savanes, bref de la BD de ces quarante dernières années, où l’on voit la « patte » de l’éditrice Gisèle De Haan, ancienne d’Albin Michel. On serait heureux de revoir l’expérience se renouveler plus souvent avec la même « timonière ».

Valérian a été l’une de ces séries qui ont fait bouger la BD dans Pilote en Mai 1968. Pierre Christin, assistant à la fac de Bordeaux (dans Pilote, il signait Linus) et Jean-Claude Mézières faisaient entrer dans un magazine pour la jeunesse des personnages sexués dans un univers de Science-Fiction. L’horreur absolue pour les censeurs.
Hier soir, à l’inauguration de l’exposition "Pilote Mai 68" à la Fnac Montparnasse. Photo : Didier Pasamonik.
Spirou change de rédacteur en chef (Dupuis)

Je passe rapidement sur la nouvelle formule de Spirou qui sort en kiosque le jeudi 17 avril 2008, car nous y reviendrons. Cette fois, c’est l’éditeur Frédéric Niffle qui prend les manettes de Doisy, Delporte, Martens, De Kuyssche, Pinchard, Tinlot et consorts et ainsi de suite, comme disait l’autre dans un Natacha. La maquette est claire, élégante, les informations simplement hiérarchisées. L’ensemble est référentiel au possible : on a intérêt à posséder une solide culture du journal au groom pour en saisir tout le sel. Ainsi, dans « les coulisses secrètes d’une nouvelle formule », une BD signé Yann, Léturgie et Borev, on peut lire un scénario d’une impertinence rarement atteinte depuis les célèbres « hauts de page » qui avaient défrayé la chronique dans les années 1980 au point d’indisposer M. Dupuis lui-même. Dans une fable animalière, les responsables des éditions Darpuis-Longkanard (un parodie à peine transparente de Dargaud-Dupuis-Lombard-Kana, alias Média-Participations), constatent le déclin du journal et choisissent de désigner Frédéric Niffle comme rédacteur en chef, non sans l’avoir fait mariner dans la salle d’attente « pour lui apprendre l’humilité ». Ils sont réunis autour de la table et portent la cagoule d’une mystérieuse confrérie secrète, s’interpellant l’un et l’autre d’un très sentencieux « Frère » (l’un d’entre eux s’appelle même Frère Albert…). Sous leur masque, on devine leur profil d’oiseau de proie. Arrive Niffle, ici représenté en paon prêt à faire la roue : « Je vais exiger les pleins pouvoirs, se dit-il. […] J’exige Larcenet, Zep, Trondheim, Sfar et Franquin ! J’ai des millions d’idées géniales ! » On le voit ensuite rejoindre son équipe éditoriale dans l’hospice « Le Wallon joyeux » où l’on découvre Alain De Kuyssche dessiné en goret, Yann en volatile gâteux affecté d’Alzheimer, tandis que le jeune dessinateur Simon Léturgie, auteur de cette parodie, se représente en Ratatouille sous les ponts de Paris. La parodie est acide au possible, du grand Yann assurément ! Ambitionne-t-il de se faire virer une nouvelle fois ?

Dans le dernier Spirou, les impertinences de Yann font l’évènement. Dessins de Simon Léturgie. (C) Dupuis
La Lettre de Dargaud meurt centenaire

Ce n’est pas sans une certaine nostalgie que nous voyons s’arrêter La Lettre de Dargaud, un gratuit distribué en librairie depuis 17 ans, un peu abusivement sous-titré « l’officiel de la bande dessinée ». Il a été en 100 numéros comme une vigie du catalogue Dargaud qui lui permettait de se situer dans la production globale, tout en permettant à ses éditeurs quelques pages d’hommages et de congratulations et quelques appels du pied aux talents d’en face. Rodolphe constate qu’entre-temps, les auteurs ont appris le marketing se mettant au diapason avec leur éditeur et en arrive à regretter le temps du drapeau noir. La raison de cet arrêt ? « L’information se trouve désormais plus rapidement (Internet !) et plus facilement  », l’offre éditoriale se trouvant plus facilement en kiosque et en librairie aujourd’hui que naguère. On peut supposer aussi que ces efforts se reporteront effectivement sur le Web où les lecteurs et les auteurs se donnent régulièrement rendez-vous depuis un certain temps.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN :

En médaillon : La couverture du dernier numéro de Spirou (extrait) . Dessin de Hugo Piette. (C) Dupuis

 
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7 Messages :
  • et le trou de spirou se creuse ....
    15 avril 2008 17:32, par jojo dannecy

    J’ai reçu ce fameux spirou des 70 ans plus nouvelle formule ! snif la déprime me guette et je suis pas le seul (voir la mail box de spirou.com) c’est plat, vide et incipide ! malgré le retour de seul (et encore je ne lis pas car l’album sort début juin) donc vraiment pas grand chose à lire dans un soi- disant numéro spécial de 70 ans plus nouvelle formule ! moins de pages même pas de numéro double rien à part deux histoires courtes de spirou et fantasio par... Rien de plus, vraiment il est temps ou d’arreter ou de se désabonner (pourtant ca fait 21 ans que je suis abonné et que j’ai pas grand chose à redire) a par la sortie trop rapprochée des albums par rapport au prépublication ! (d’ailleur je pense que la clé de sortie se porte en partie sur ce problème) à bon entendeur à bientôt ! la rédak réagissez !!!!

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  • Merci pour ta délicatesse
    15 avril 2008 21:41, par Chacma

    j’en profite pour féliciter Larcenet qui dans ce dernier numéro de la Lettre, compare gentillement Grégory Lemarchal à Hitler, en évoquant leur départ de ce monde terreste. Je sais que c’est de la provoc’ gratuite, mais même la lourdeur a ses limites ...

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  • effet Nifluril ?!
    17 avril 2008 11:44, par Paul Dupré

    Rendez nous la Balise à cartoon !
    Rendez nous nos 16 pages !
    Rendez nous l’esprit Spirou !

    L’anti-inflammatoire ne fonctionne pas...j’ai mal à mon Spirou !!!!

    Paul.

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    • Répondu le 17 avril 2008 à  19:45 :

      Moi aussi je suis hyper déçu !
      J’était revenu à Spirou au passage à 68 pages, et la... c’est du vol !

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  • Pauvre Spirou !
    18 avril 2008 12:25, par Jeanjean

    Je me faisais une joie de tenir en main le numéro spécial de Spirou et j’ai été très très déçu. Hier, à notre librairie de bd, on a tous confronté nos points de vue sur le numéro anniversaire et la nouvelle formule. Nous avons été unanimes : nul ! Affligeant ! etc.

    Pour ma part, je n’ai pas eu l’impression de vieillir car j’ai retrouvé mon Spirou des années 70-80.

    Le contenu est à la hauteur de la nouvelle formule : vide. Autant nous avions aimé la reprise de Spirou par Bravo que le récit publié dans ce numéro est lamentable... Alors que le journal de Spirou nous faisait miroiter un numéro vraiment hors du commun, depuis des semaines, nous avons un numéro sans imagination, sans âme avec une pagination ridicule. Ce n’est pas l’encart qui remonte le niveau, Spirou dessiné par différents dessinateurs : c’est du vue et revue. Là, où je m’attendais un Spirou avec une pagination augmentée, de nouvelles séries, des hommages aux anciens dessinateurs qui ont fait Spirou, aux Dupuis, et bien rien ! Les quelques planches de gag, avec en haut de pages l’annonce du dernier album sorti, me fait penser aux mauvaises pub que l’on voit tous les jours.

    On se pose vraiment la question qui nous angoisse tous : Est-ce la fin de notre beau journal ?

    Le concurrent direct : le journal de Mickey tient la bonne forme. D’ailleurs, il n’y a pas photo quand je vois les jeunes se précipiter dessus le jour de sa parution chez mon marchand de journaux. Il est vrai, que parfois, j’ai l’impression d’avoir entre les mains un journal de Spirou bis. De très nombreuses séries paraissent, en même temps, dans les deux journaux, parfois avec très peu de décalage. Si si, voyez en ce moment Parker et Badger et parfois même, cette bd parait avant même sa publication dans Spirou.

    Quand au contenu même du journal de Spirou, c’est lamentable quand on voit que les albums paraissent avant même la fin de la publication dans Spirou. De nombreux séries courtes sont, au niveau du dessin et du scénario, particulièrement pitoyables et nuisent à la qualité général du journal.

    On se demande vraiment si il y a quelqu’un à la direction de Spirou. Les séries, qui sont publiées, le sont n’importe comment. A certaines periodes, on lit des séries pour des tout petits et à d’autre pour adulte. Le rédactionnel est très pauvre. On a le sentiment que Spirou n’est plus un journal mais un support publicitaire pour faire vendre des albums à tout prix.

    Je pense que l’équipe ne connait pas son lectorat. Je trouve cela très grave !

    Je crois qu’ils ont oublié certains fondamentaux. Les lecteurs veulent des séries régulières, avec des héros récurrents. Hors, hormis les grands anciens (Spirou, les tuniques bleus, Papyrus, etc.), il n’y a plus de création de séries régulières (hormis les gags courts)dans Spirou depuis plusieurs années.

    Voilà, j’arrête là, sinon, je ne vais plus m’arrêter...

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  • Grosse déception
    18 avril 2008 15:37, par Un vieux lecteur de Spirou...

    Moi aussi très déçu, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, comment continuer à l’acheter dans ces conditions ? on a l’impression que les gens qui s’occupent de Spirou (s’il y a vraiment quelqu’un !) ne savent pas du tout ou ils vont, qu’ils sont paumés, qu’ils essayent tout et n’importe quoi ; alors que Tchô par ex. sait très bien où il va, il a une cohérence etc.
    Bref, je pense qu’il serait temps de jeter l’éponge ou de rénover vraiment le magazine et d’en faire quelque chose de moins médiocre, voire nul selon les numéros !

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  • M Boulier fait ses comptes (Mémo)
    18 avril 2008 17:32, par Chacma

    Très chers actionnaires de Média Participations, je peux vous assurer que notre stratégie en deux temps pour renflouer les caisses du journal appelé Sphirou (Mlle, veuillez l’orthographe de cette publication)remplit parfaitement son office.
    Après avoir augmenté le nombre de pages et donc le prix, nous arrivons au second mouvement, où nous revenons à l’ancien format, tout en maintenant bien entendu le prix actuel, à savoir 2,30 €. Nous avons bien entendu évité d’en expliquer la raison aux lecteurs, ces données économiques devant sûrement dépasser l’esprit des personne lisant ces illustrés !

    Cérise sur le gâteau (ou moisi sur le roquefort, c’est selon votre tradition), nous avons proposé 4 couvertures différentes afin de rentabiliser au mieux notre public de collectionneur (évalué à 17 %, un des plus haut taux de notre secteur de marché), ceci dû à l’incroyable longévité (paraît-il) du produit : 60 ans (aussi à vérifier, Mlle Sonia) !

    Grâce à des projets de qualité (de l’avis des auteurs) évoquant les sciences et techniques vulgarisées à notre lectorat, nous comptons gagner également des parts de marchés sur d’autres secteurs de presse.

    Enfin, nous avons fait appel à un bureau d’études basé à Taïwan pour continuer à établir la stratégie afin d’arriver à notre but : un feuillet de 8 pages, composé de best-of des meilleures ventes, en somme un retour aux origines mais actualisé.

    Financièrement vôtre,

    M Boulier

    PS : merci de revoir mon salaire avec le boni prévu sur les bénéfices des ventes

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