En s’intéressant au traitement des Tsiganes sous l’occupation, Krrist Mirror a entrepris de réparer cette injustice depuis plusieurs années.
Animateur d’atelier BD et auteur d’une bonne dizaine d’ouvrages (Gospel Story chez Nocturnes, Cœur de Gorilles (édité aux 400 coups) Krrist Mirror a commencé à publier ses dessins dans Libération, Rock & Folk, etc... pour Métal Hurlant dans les années 1980 avec Akromégalie primé du Grand Prix de la ville de Paris en 1982. Plus récemment, il recut le Prix Tournesol à Angoulême en 2006 pour sa participation au collectif Amiante, chronique d’un crime social.
Suite à sa rencontre avec un historien, il se lance dans l’étude du camp de concentration situé à Montreuil-Bellay, près de chez lui, où étaient principalement enfermés des Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale. Kkrist Mirror en tirera des albums pour lesquels il obtiendra plusieurs prix. Un travail qui trouve avec ce livre Tsiganes, publié par Emmanuel Proust, un nouveau souffle et peut-être une conclusion définitive.
Cet album permet de découvrir l’épopée d’une communauté peu épargnée par l’histoire dont on sait encore peu de choses encore aujourd’hui.
L’auteur nous décrit par le menu le quotidien de ce camp de concentration installé « réservé » aux populations tsiganes dont le sort n’avait guère à envier à d’autres victimes de la barbarie nazie. Connaisseur du sujet et issu d’une famille marquée par ce conflit, l’auteur ne dissimule pas la complicité monstrueuse de l’administration française et tout particulièrement de la gendarmerie dont certains membres feront preuve, là comme ailleurs, d’un zèle indéfendable. À travers la figure flamboyante et quelque peu iconoclaste de l’abbé Jollec (parfois à la limite du crédible...) l’histoire bascule vers un héroïsme halluciné illustré par un graphisme rigide et torturé sans complaisance.
Associant démesure et réalisme froid et cru, le trait du dessinateur brosse un tableau peu séducteur pour le lecteur « non averti ». on saluera le courage de la démarche d’un auteur très personnel qui a le mérite d’attirer notre attention sur une des pages les plus noires de notre histoire.
Fort bien documenté, préfacé par Serge Klarsfeld et complété de documents rares et inédits, cette bande dessinée s’inscrit résolument dans la démarche de devoir de mémoire initiée par l’éditeur, depuis le Auschwitz de Pascal Croci.
Un ouvrage un peu passé inaperçu lors de sa publication mais qu’il est encore temps de (re-)découvrir.
(par Patrice Gentilhomme)
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