Quel est le point commun entre une ouvrière, l’adjoint d’un maire FN, la 38e fortune de France, un SDF épris de Brassens et un petit dealer atteint de la « maladie des os de verre » ? Comme bien d’autres, ils ont été assassinés. Et les profils de leurs meurtriers étaient aussi hétéroclites que leurs mobiles.
Cette dimension de la psyché humaine, prompte à aller jusqu’à minutieusement préparer de tuer un autre être humain, Christophe Hondelatte l’étudie depuis plus de vingt ans, avec Faites entrer l’accusé, la célèbre émission criminelle qu’il a animée dès 2000 sur France 2, ou dans ses chroniques radiophoniques sur RTL et Europe 1.
Ce sont justement ces dernières qui sont ici adaptées au scénario par Jean-Louis Tripp (Magasin Général, Extases, et au dessin par Cyril Doisneau (31 jours de tournage. À première vue, le travail du dessinateur semble un peu malhabile (manque de proportions, flou dans les perspectives, etc.), mais rapidement, on se laisse entraîner par le découpage judicieusement réalisé par Tripp, pour se rendre compte que le dessin de Doisneau convient parfaitement à sa narration : il ne frappe pas trop le regard ce qui permet de supporter avec adéquation les hors-textes et les quelques dialogues qui impriment un rythme de lecture.
Chaque récit est mené tambour battant. En une dizaine de pages, les auteurs reprennent le contenu d’une chronique qu’Hondelatte racontait en près d’une heure sur les ondes. La dizaine de chroniques contenues dans cet ouvrage de 145 pages brosse différents types de narration : chronologique ou en flash-back, parfois on connaît le meurtrier dès la première page, parfois on tente de le découvrir au fur et à mesure du récit, lorsque ce n’est pas la personne assassinée dont on cherche à découvrir l’identité. De plus, chaque histoire comprend sa demi-douzaine de protagonistes, si bien qu’il faut parfois revenir deux pages en arrière pour se rappeler le rôle de l’un et de l’autre. Enfin, une petite conclusion termine chaque récit, expliquant les dénouements.
En dépit de ses quelques défauts, notamment le lettrage qui aurait pu être un peu plus lisible, on peut parler d’une réussite pour ce défi pas facile à relever. Il profite surtout du beau travail d’analyse et de découpage de Jean-Louis Tripp, qui déclarait d’ailleurs ceci : « Ce bouquin, non seulement je l’assume mais je le revendique. Je suis un fan de Christophe Hondelatte et je n’ai pas hésité une seconde lorsqu’il m’a demandé si je pensais qu’on pouvait l’adapter en bande dessinée. J’ai adoré faire cette adaptation et j’en suis fier. »
Si vous désirez en savoir plus, n’hésitez pas à visionner l’interview croisée de Tripp et Hondelatte sur TV5, elle permet de mieux comprendre ce qui nous attire dans ces récits et qui interroge comment et pourquoi on peut oser passer à l’acte.
Cet ouvrage paraî au parfait moment pour en profiter : le temps de l’été.
(par Charles-Louis Detournay)
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À propos de Jean-Louis Tripp, lire également nos précédentes interviews :
« Si je veux que cela ait un impact, il faut que je paye de ma personne » (2019)
"C’est la plus grande expo qui a été faite sur Magasin général !" (2018)
Avec Loisel : « Nous sommes complémentaires : l’un aime réaliser ce que l’autre n’apprécie pas » et « Parfois, les personnages se mettent eux-mêmes à faire des choses imprévues mais sympathiques » (2011)
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