C’est un beau et fort volume que celui-là, qui reprend au travers de quelque deux cents originaux reproduits avec minutie la carrière de François Walthéry, débutée dans l’ombre d’un géant : Peyo, le créateur des Schtroumpfs, puis dans une carrière solo avec Natacha, la première héroïne sexy du Journal de Spirou, et une collection de personnages attachants comme Le Vieux Bleu ou Le P’tit Bout de chique.
Ce n’était pas une mince affaire pour un jeune dessinateur que de se confronter à l’équipe de talents exceptionnels qui, dans l’après-guerre, porta au pinacle l’école belge de bande dessinée : Jijé, Franquin, Morris, Tillieux, Will, Sirius… Il eut la chance de se trouver dans le sillage de celui qui s’en distinguait par sa clarté et surtout son sens aigu du storytelling : Pierre Culliford, dit Peyo, un génie qui racontait des histoires simples, évidentes comme des contes venus du fond des âges, aux personnages parfaitement caractérisés. L’album passe en revue les planches des Schtroumpfs, de Benoît Brisefer et de Johan et Pirlouit sur lesquelles Walthéry a collaboré, le plus souvent aux décors.
Ce qui frappe, c’est que l’on reconnaît très vite la sûreté de trait, la mâle autorité de ses dessins à l’encrage et à la composition impeccables. Leur force surtout. Walthéry excelle dans ces scènes d’action éminemment complexes, à l’opposé de l’assurance tranquille de son mentor. C’est dans Natacha que l’on retrouve les plus beaux de ces morceaux de bravoure incomparables dont l’agrandissement des détails montre à la fois la justesse et la puissance. Certains dessins sont carrément époustouflants. On comprend aussi au passage que le génie de Peyo a aussi été celui de s’entourer de collaborateurs talentueux qu’il accompagnait efficacement. Walthéry a pu croître pendant vingt-neuf ans dans l’ombre de ce géant qui ne dévorait pas ses enfants.
Ce qui distingue cet ouvrage, outre une excellente introduction des « spiroulogues » Bertrand & Christelle Pissavy-Yvernault, c’est que la plupart de ces documents sont commentés par François Walthéry lui-même. On y retrouve son habituelle humilité et surtout la pertinence d’un dessinateur qui pouvait se mesurer sans peine aux meilleurs créateurs de son époque, qu’ils soient italiens, américains ou japonais.
Un bel ouvrage mettant en valeur l’art de la bande dessinée, un peu dans la lignée de ceux initiés par Daniel Maghen dans la même perspective.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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« François Walthéry – Une vie en dessins », Éditions Dupuis - Collection Champaka Brussels
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