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Un "Tintin au pays des Soviets" colorisé annoncé pour début 2017 !

Par Frédéric HOJLO le 22 septembre 2016                      Lien  
Album longtemps "maudit", la première aventure de Tintin se voit offrir une nouvelle jeunesse par Moulinsart SA et Casterman. Une colorisation présentée comme respectueuse de l'oeuvre d'Hergé, mais qui risque de provoquer bien des débats...

Le journaliste Frédéric Potet l’annonce aujourd’hui même sur le site Internet du quotidien Le Monde : Casterman et Moulinsard SA ont prévu la sortie d’une nouvel album de Tintin le 11 janvier 2017 !

Un nouvel album, vraiment ? Hergé n’a-t-il pas exigé que ses personnages ne connaissent plus de nouvelles aventures après lui ? Les éditeurs de Tintin ont une imagination (presque) aussi débordante que Georges Remi... Ne pouvant confier Tintin, Milou, Haddock et leurs acolytes à un nouvel auteur, ils s’échinent à faire vivre l’oeuvre du maître. L’exposition de cet automne au Grand Palais ne suffisant apparemment pas, ils ont donc planifié la sortie du premier album des aventures de Tintin depuis le siècle dernier. Des "nouvelles aventures de Tintin" ? Pas tout à fait... Un Tintin au pays des Soviets en couleurs !

Un "Tintin au pays des Soviets" colorisé annoncé pour début 2017 !
© Hergé / Moulinsart / Casterman

Publié à l’origine dans Le Petit Vingtième en 1929 et 1930, fustigeant à juste titre mais pas toujours finement l’URSS de Staline, cet album a pourtant longtemps connu un statut à part. Il a en effet fallu attendre 1973 pour que cette aventure soit rééditée, puis le début des années 1980 pour avoir accès à une édition en fac-similé, et encore plus pour une édition classique en album, mais noir et blanc ! Il s’agit de la seule histoire qui n’a jamais été remaniée ni même colorisée par Hergé et son studio.

© Hergé / Moulinsart / Casterman

Ce que font pourtant Nick Rodwell pour Moulinsart, au nom de Fanny, la seconde épouse d’Hergé, Benoît Mouchart, le directeur éditorial de Casterman et Michel Bareau, directeur artistique des Studios Hergé, qui est l’initiateur du projet et l’artisan de cette colorisation. Travaillant sur les planches originales restaurées, celui-ci aurait effectué une mise en couleurs « respectueuse de l’œuvre d’origine » - aux dires des éditeurs - bien que risquée - Hergé n’ayant laissé aucune indication en ce domaine.

Peu nombreux seront ceux qui refuseront d’admettre que nous assistons là à un énième coup commercial. Bien plus nombreux seront ceux qui se poseront la question de la légitimité artistique d’une telle entreprise. Voici ce qu’en dit Benoît Mouchart, cité par Frédéric Potet :

L’histoire en noir et blanc est très peu contrastée, avec un trait uniforme : pour un lecteur habitué à la “ligne claire” d’Hergé et à son art de la profondeur de champ, les images peuvent apparaître plates. La mise en couleur donne de l’homogénéité à l’ensemble, et accroît en même temps le plaisir enfantin de lire un récit basé sur une course-poursuite.

De quoi lancer le débat... Car si la couleur - à condition d’être subtilement dosée - peut apporter vie et poésie à une œuvre, elle peut aussi dénaturer un trait. Or Tintin au pays des Soviets vaut davantage pour ce qu’il nous donne à observer - la genèse graphique d’un mythe du XXe siècle - que pour ce qu’il nous donne à lire - une longue course-poursuite prétexte à un anticommunisme, certes justifié après coup, mais assez caricatural.

Voir en ligne : L’article de Frédéric Potet

(par Frédéric HOJLO)

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15 Messages :
  • Mettre les Soviets en couleur, c’est comme faire un remake de Star Wars et que Vador survit à la fin...

    Il y a un truc qui colle pas...

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    • Répondu par bearboz le 26 septembre 2016 à  08:24 :

      C’est parce que Nick Rodwell est un personnage haut en couleurs ?

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    • Répondu le 28 septembre 2016 à  11:19 :

      Ou que Dark Vador et les stormtroopers soient multicolorisés. Ce serait gai !

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  • On colorise bien les films en N&B...
    Allons-y pour les ouvrages de BD.
    Tant qu’à faire.
    Si ça fait vendre, on va s’gêner !
    Mais sans moi.

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  • "De quoi lancer le débat... Car si la couleur - à condition d’être subtilement dosée - peut apporter vie et poésie à une œuvre, elle peut aussi dénaturer un trait. "

    Entièrement d’accord avec vous. Mais qui pourrait mettre en couleur subtilement une telle œuvre ? Seth ?

    Faut pas rêver, ils vont vouloir coller aux autres albums de Tintin et ça n’aura aucun intérêt.

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    • Répondu par Zot le 23 septembre 2016 à  15:39 :

      Un anti-communisme assez caricatural ? Je dirais plutôt que sous cette ére stalinienne où la population devait supporter la misère (suite à la désorganisation de l’économie) et les persécutions de la police politique, c’était le régime lui-même qui était une caricature. Car enfin, si les bourgeois, paysans, juifs et nobles y furent persécutés, même les prolètaires ont attendu longtemps l’avènement du Paradis promis. Et ce n’est pas l’ancien agent du KGB devenu Président qui va changer les choses !

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      • Répondu par Frédéric HOJLO le 24 septembre 2016 à  16:53 :

        A mon sens, l’anti-communisme d’Hergé est caricatural dans cet album car il reprend les clichés de l’époque (qui ne sont pas tous faux, bien au contraire) et qu’il les destine à faire rire ou sourire - la remarque de Milou dans le dessin ci-dessus en témoigne.

        Et l’Union soviétique, vous avez bien raison, les historiens l’ont montré (voir notamment les travaux de Nicolas Werth) : c’était un Etat totalitaire. La Russie de Vladimir Poutine en a sans doute conservé bien des tares... Mais ActuaBD n’est pas vraiment le site le plus approprié pour en débattre.

        Quant à l’intérêt de la colorisation dans tout ça...

        Cordialement.

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      • Répondu le 24 septembre 2016 à  17:11 :

        Quel rapport avec le commentaire précédent qui parle de mise en couleur subtile et ne voit pas que du rouge ?

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  • Deux pages ont pourtant fait l’objet par Hergé lui-même d’une mise en couleurs (bichromie), ce sont les pages avec le phonographe.

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    • Répondu par Frédéric HOJLO le 25 septembre 2016 à  10:24 :

      Effectivement, planches 100 & 101 de la parution de décembre 1929. Mais ce n’est pas allé plus loin, hormis la couverture de l’album, d’ailleurs très réussie graphiquement. Un passage à la bichromie se comprendrait à la rigueur, mais ce n’est sans doute pas ce qui a été fait. Cordialement.

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      • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 25 septembre 2016 à  16:18 :

        Elles sont d’ailleurs peu convaincantes. On ignore aussi exactement dans quelles circonstances ces couleurs ont été faites. Pas dans la perspective de remettre l’album en couleurs semble-t-il.

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        • Répondu le 25 septembre 2016 à  16:29 :

          A l’occasion du numéro de Noël il y avait une couleur en plus du noir habituel, ça faisait Fêtes à l’époque. Ce genre d’habitude perdure avec des magazines de programmes télé qui ajoutent la couleur dorée à leur numéro de Noël ou du jour de l’An.

          Une bd de cette époque, il faut la laisser dans son jus, lui ajouter artificiellement de la couleur c’est finalement la ringardiser, le contraste est trop grand, ou alors il faut parti-pris fort, comme des grosses trames Benday à l’ancienne, mais est-ce bien nécessaire ?

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  • Rappelons qu’une version colorisée de "Tintin au pays des Soviets" existe depuis longtemps (on peut en trouver le PDF un peu partout sur le net), que les couleurs sont d’ailleurs très réussies, à l’ancienne, en parfaite harmonie avec le graphisme, et que les responsables de cet album en couleur, Paul-Henry Lombard et Philippe-Alfred Castelman écrivent en exergue :
    ...Liberté totale est donc aux ayants droits d’y puiser une idée supplémentaire de s’enrichir légalement.

    Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd (ah pardon, moi je suis juste un peu dur d’oreille !)

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    • Répondu par Frédéric HOJLO le 6 octobre 2016 à  16:28 :

      Cette version existe effectivement... Bien sûr en dehors de tout cadre légal. C’est un travail en forme d’hommage et le résultat est correct. Reste que ces couleurs n’apportent pas énormément à l’album et parfois alourdissent un peu la lisibilité, je trouve.

      Surtout, la démarche n’est pas la même. Entre celle de "fans" et celles des ayants-droits, il y a des sommes importantes... qui font une nette différence.

      Au final, c’est bien l’exergue qui est à retenir, comme vous le soulignez. C’est ce que l’on nomme "l’ironie de l’histoire", j’imagine.

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      • Répondu par Richard (Teljem) le 7 octobre 2016 à  07:38 :

        Je crains que les couleurs orchestrées par Moulinsart soient moins heureuses... wait and see !
        Je dirais même plus sait and wee !

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