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Un monument pour Albert Uderzo

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 5 octobre 2012                      Lien  
Albert Uderzo les appelle ses "fans fous" et les couve d'un regard paternel. Il reçoit comme "un immense honneur" la parution, chez Hors Collection, du premier volume d'une "Intégrale" de son travail (hors ses collections régulières) qui devrait comporter "5 ou 6" tomes, un travail de titan signé Philippe Cauvin et Alain Duchêne.

Le lancement de cet ouvrage somptueux ouvre une saison très chargée pour Albert Uderzo, qui culminera ce mois-ci avec un nouveau film d’Astérix et qui se conclura par une rétrospective de son œuvre à Angoulême 2013.

Imaginez la bête : 424 pages, bourrée jusqu’à la gueule de dessins rares et d’inédits, consacrée à la production d’Uderzo avant 1951.

De ses débuts où son frère le traînait à la Société Parisienne d’Édition des frères Offenstadt, les éditeurs de Bibi Fricotin et des Pieds Nickelés, juste avant qu’ils se fassent "aryaniser" par les nazis, la période de la guerre où Uderzo est caché en Bretagne, parce qu’on y mangeait à sa faim et pour échapper au STO (Service de Travail Obligatoire). La Bretagne où Uderzo choisit de placer un certain village gaulois parce que René Goscinny lui avait recommandé de le placer "n’importe où, au bord de la mer", et que la seule mer qu’il connaissait était celle de la côte bretonne.

Un monument pour Albert Uderzo
Albert Uderzo visitant l’expo.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

L’ouvrage s’ouvre sur des photos d’enfance, la maison natale d’Uderzo à Fismes, ses lectures de jeunesse : le Journal de Mickey, ses premiers dessins : des copies de dessins de Walt Disney. Walt Disney, la référence ! Avec son disciple français : Edmond-François Calvo, sa Bête est morte et sa multitude de personnages tantôt ronds et dynamiques, tantôt réalistes, influencés par la manière de Gustave Doré...

Albert rêve de faire des dessins animés et intègre après avoir vu une petite annonce, un studio, le Comptoir Français du Film fondé par un Bolivien à Belleville où il effectue un travail d’intervalliste. Puis ce sont les premiers travaux d’édition : Flamberge (1945) dont cette intégrale reproduit les planches.

En 1946, sur concours, Uderzo est engagé aux éditions du Chêne. Le jeune garçon qui habite encore chez ses parents obtient un contrat payé 5000 francs -la planche, une fortune qui convainc son père que la BD n’était peut-être pas un métier de tocard. C’est l’album Clopinard. Le scénario est écrit sur un cahier d’écolier. On sent l’influence des grands Américains : Floyd Gottfredson, le dessinateur de Mickey, Segar...

Suivent mille et un autres personnages : Clodo et son oie (1947), les partitions musicales illustrées, ses premières BD dans OK, Arys Buck et son épée magique, un colosse blond aux méplats taillés comme ceux de Jean Marais, ses premiers casques ailés, ancêtres de ceux du Gaulois, en 1947, le fils d’Arys Buck, le Prince Rollin, qui soulève des automobiles comme Superman, Belloy l’invulnérable (1948) que l’on verra 15 ans plus tard dans Pilote et où l’on sent l’influence de Milton Caniff, Zidore (1947), Watoki le valeureux, sorte d’ancêtre d’Oumpah Pah (1947), des récits de super-héros : Superatomic Z (1950) proches de Frank Robbins, Capitaine Marvel Jr, digne de la production d’un Bill Everett d’outre-Atlantique...

Une planche de Belloy (1947). Depuis, Uderzo a appris les vertus de la lisibilité...
(C) Hors Collection

Il y a la longue collaboration, comme "reporter", à France Dimanche, où Uderzo suit faits divers et exploits sportifs, puis à France Soir où il égrène des aventures sentimentales à la Juliette de mon cœur...

Un travail colossal

Que retenir de cette profusion ? Qu’Uderzo est un dessinateur puissant et travailleur, un titan qui se serait imposé dans la bande dessinée française, quel que soit son registre ou quel qu’ait été son destin.

"On ne peut pas caractériser le dessin d’Uderzo de ces années-là, nous dit l’un des deux auteurs du livre, Alain Duchêne, collectionneur du travail d’Uderzo depuis son enfance. À la base, il y a Walt Disney, en réalité Floyd Gottfredson mais à l’époque il ignore même son nom, Edmond-François Calvo, et puis il a mis au point ce style unique que personne n’a jamais pu copier. Franquin a beaucoup été copié mais pas Uderzo, parce que c’est impossible : tous les dessinateurs qui s’y sont essayé n’ont pas pu retrouver ce trait, ce mouvement qui est en fait celui du dessin animé."

Albert Uderzo encadré par les deux auteurs de l’Intégrale : Alain Duchêne et Philippe Cauvin
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Quoiqu’il en soit, Philippe Cauvin & Alain Duchêne nous offrent un ouvrage qui rend justice à ce grand dessinateur qu’est Albert Uderzo. Une intégrale immanquable qui devrait voir défiler d’autres grand héros d’Uderzo, notamment Luc Junior paru dans La Libre Belgique, une création signée Uderzo & Goscinny qui précède la création d’Astérix.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

L’ouvrage paraît le 11 octobre 2012.

Lire l’interview d’Albert Uderzo à propos de cet ouvrage

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Tous ces travaux sont visibles sur les cimaises de la Galerie Oblique jusqu’au 28 octobre 2012.

Galerie Oblique

Village Saint-Paul - 17 rue Saint-Paul

75004 Paris

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7 Messages :
  • Un monument pour Albert Uderzo
    5 octobre 2012 09:43

    Capitaine Marvel Jr, digne de la production d’un Bill Everett d’outre-Atlantique...

    Vous confondez un peu je crois -ce qui n’est pas étonnant. Mais rapidement : Bill Everett dessinait pour Timely/Atlas, futur Marvel Comics. Il travailla entre autre sur le personnage de Marvel Boy. Ce sur quoi travailla Uderzo c’est le Captain Marvel(Jr) de la Marvel Family des éditions Fawcett et plus tard DC. Ce serait donc plutôt de Kurt Schaffenberger (qui travailla sur cette série mais aussi sur Lois Lane) qu’il faudrait rapprocher Uderzo.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 5 octobre 2012 à  12:51 :

      Votre obsession de spécialiste vous égare. Je parle là du dessin de Bill Everett et je ne fais aucune allusion à cette histoire Marvel / DC qui s’est d’ailleurs soldée par un procès, si je me souviens bien. Reportez-vous à l’ouvrage de Cauvin et Duchêne pour plus de précision.

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      • Répondu le 5 octobre 2012 à  19:38 :

        Pas d’obsession ici, le rapprochement Everett/Uderzo étant pour le moins surprenant j’ai cru à une confusion de votre part.

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  • Un monument pour Albert Uderzo
    5 octobre 2012 13:11, par philippe capart

    J’ai hâte de lire ce livre.C’est une excellente idée de remettre en valeur les débuts d’Albert Uderzo.

    Concernant cet entretien, il est dit que personne n’a suivi Uderzo dans sa graphie. Je pense que c’est inexacte :
    Daan Jippes, Dick Matena, Luc Warnant,voilà déjà 3 excellents auteurs qui ont été influencés très directement par le style d’Albert Uderzo. Sans compter les auteurs influencés de manière moins directe comme François Walthery et jean-Claude Mézières.Pour ériger un monument, il n’est pas nécessaire de faire table rase autour de l’auteur.

    Et dans les graphies qui ont influencées Uderzo à ses débuts, il y a André Rigal et ses bandes dessinées et dessins animés de "Capitaine Sabord", les bandes de Popeye de Segar (animé par les frères Fleischer) et peut-être l’indien "Patoruzu" de l’argentin Dante Quinterno (également présent en bandes dessinées (replacées après guerre en France) et dessins animés). "Popeye" et "Patoruzu" ont tous les deux une potion magique. Dans ses contemporains, le dessinateur /animateur "Erik" et Mouminoux étaient alors aussi très proche de son style.

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    • Répondu par Michel Grant de Montréal le 5 octobre 2012 à  18:17 :

      Je signale l’excellent dessinateur québécois Makoello, une patte pas piquée des vers lui non plus, très vivante, influencée aussi par Uderzo. Plusieurs bons exemples sous son nom dans Google Image.

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    • Répondu le 5 octobre 2012 à  18:46 :

      Excellent commentaire de Philippe Capart, et la comparaison avec Patoruzu est tout à fait pertinente ; la parenté graphique entre cette série et certaines œuvres de jeunesse d’Uderzo saute aux yeux.

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  • Un monument pour Albert Uderzo
    5 octobre 2012 15:34, par fab

    Un très beau livre réalisé par des passionnés !!!
    Chose que l’on aimerait voir un peu plus souvent...

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