Le lancement de cet ouvrage somptueux ouvre une saison très chargée pour Albert Uderzo, qui culminera ce mois-ci avec un nouveau film d’Astérix et qui se conclura par une rétrospective de son œuvre à Angoulême 2013.
Imaginez la bête : 424 pages, bourrée jusqu’à la gueule de dessins rares et d’inédits, consacrée à la production d’Uderzo avant 1951.
De ses débuts où son frère le traînait à la Société Parisienne d’Édition des frères Offenstadt, les éditeurs de Bibi Fricotin et des Pieds Nickelés, juste avant qu’ils se fassent "aryaniser" par les nazis, la période de la guerre où Uderzo est caché en Bretagne, parce qu’on y mangeait à sa faim et pour échapper au STO (Service de Travail Obligatoire). La Bretagne où Uderzo choisit de placer un certain village gaulois parce que René Goscinny lui avait recommandé de le placer "n’importe où, au bord de la mer", et que la seule mer qu’il connaissait était celle de la côte bretonne.
L’ouvrage s’ouvre sur des photos d’enfance, la maison natale d’Uderzo à Fismes, ses lectures de jeunesse : le Journal de Mickey, ses premiers dessins : des copies de dessins de Walt Disney. Walt Disney, la référence ! Avec son disciple français : Edmond-François Calvo, sa Bête est morte et sa multitude de personnages tantôt ronds et dynamiques, tantôt réalistes, influencés par la manière de Gustave Doré...
Albert rêve de faire des dessins animés et intègre après avoir vu une petite annonce, un studio, le Comptoir Français du Film fondé par un Bolivien à Belleville où il effectue un travail d’intervalliste. Puis ce sont les premiers travaux d’édition : Flamberge (1945) dont cette intégrale reproduit les planches.
En 1946, sur concours, Uderzo est engagé aux éditions du Chêne. Le jeune garçon qui habite encore chez ses parents obtient un contrat payé 5000 francs -la planche, une fortune qui convainc son père que la BD n’était peut-être pas un métier de tocard. C’est l’album Clopinard. Le scénario est écrit sur un cahier d’écolier. On sent l’influence des grands Américains : Floyd Gottfredson, le dessinateur de Mickey, Segar...
Suivent mille et un autres personnages : Clodo et son oie (1947), les partitions musicales illustrées, ses premières BD dans OK, Arys Buck et son épée magique, un colosse blond aux méplats taillés comme ceux de Jean Marais, ses premiers casques ailés, ancêtres de ceux du Gaulois, en 1947, le fils d’Arys Buck, le Prince Rollin, qui soulève des automobiles comme Superman, Belloy l’invulnérable (1948) que l’on verra 15 ans plus tard dans Pilote et où l’on sent l’influence de Milton Caniff, Zidore (1947), Watoki le valeureux, sorte d’ancêtre d’Oumpah Pah (1947), des récits de super-héros : Superatomic Z (1950) proches de Frank Robbins, Capitaine Marvel Jr, digne de la production d’un Bill Everett d’outre-Atlantique...
Il y a la longue collaboration, comme "reporter", à France Dimanche, où Uderzo suit faits divers et exploits sportifs, puis à France Soir où il égrène des aventures sentimentales à la Juliette de mon cœur...
Un travail colossal
Que retenir de cette profusion ? Qu’Uderzo est un dessinateur puissant et travailleur, un titan qui se serait imposé dans la bande dessinée française, quel que soit son registre ou quel qu’ait été son destin.
"On ne peut pas caractériser le dessin d’Uderzo de ces années-là, nous dit l’un des deux auteurs du livre, Alain Duchêne, collectionneur du travail d’Uderzo depuis son enfance. À la base, il y a Walt Disney, en réalité Floyd Gottfredson mais à l’époque il ignore même son nom, Edmond-François Calvo, et puis il a mis au point ce style unique que personne n’a jamais pu copier. Franquin a beaucoup été copié mais pas Uderzo, parce que c’est impossible : tous les dessinateurs qui s’y sont essayé n’ont pas pu retrouver ce trait, ce mouvement qui est en fait celui du dessin animé."
Quoiqu’il en soit, Philippe Cauvin & Alain Duchêne nous offrent un ouvrage qui rend justice à ce grand dessinateur qu’est Albert Uderzo. Une intégrale immanquable qui devrait voir défiler d’autres grand héros d’Uderzo, notamment Luc Junior paru dans La Libre Belgique, une création signée Uderzo & Goscinny qui précède la création d’Astérix.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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L’ouvrage paraît le 11 octobre 2012.
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Tous ces travaux sont visibles sur les cimaises de la Galerie Oblique jusqu’au 28 octobre 2012.
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