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Une Histoire populaire de la France, vol. 2 - Par Noiriel, Xavier, Lugrin et Rémy - Éd. Delcourt

Par David TAUGIS le 19 septembre 2022                      Lien  
Suite et fin de cette épaisse chronique des luttes populaires, ce tome s'avère bien plus militant, surtout dans l'analyse des mouvements sociaux des 30 dernières années. Difficile de suivre Noiriel dans sa vision fantasmée du mouvement des gilets jaunes, mais la vigueur de son argumentation laisse tout de même place à une réflexion salutaire, tant dans l'évolution des gauches en France que dans la critique de la société de consommation.

Fin du XIXème siécle : l’Europe s’industrialise au triple galop et les luttes ouvrières s’organisent. C’est à ce tournant politique que débute le second tome de l’histoire populaire de la France inspirée par les travaux de Gérard Noiriel.

Et c’est aussi un opus bien moins pertinent que le précédent. Si les faits historiques, toujours entrecoupés de saynètes valorisant sa personnalité, demeurent clairs et bien contextualisés, le cheminement intellectuel du récit dérive vers des interprétations douteuses. Plus on avance dans l’histoire récente, plus les propos des auteurs prêtent à contestation. Omnibulé par la notion de "peuple ouvrier", Noiriel replace systématiquement sa réflexion dans des schémas d’avant les conflits mondiaux. Moins de chiffres, moins de comparaisons avec d’autres pays : cette histoire devient purement militante, un cadeau de bienvenue pour adhérents LFI ou NPA.

Si l’engagement des auteurs apporte une vigueur intéressante à ce tome 2, la gêne augmente plus on s’approche des conflits sociaux récents, qu’il s’agisse de l’effondrement de la gauche, des manifestations de moins en moins populaires, et surtout du mouvement récent des gilets jaunes en France.

Le plaidoyer de Noiriel pour ces "activistes des rond-points" laisse réellement perplexe. Toujours sans données chiffrées, il idéalise ces militants en omettant l’essentiel : aucun ouvrier parmi eux, peu de précaires, et surtout quasiment pas d’immigrés ou minorités visibles. En gommant l’importance des comportements de consommation touchant les grandes banlieues, l’historien galvaude toute sa pensée critique.

Une Histoire populaire de la France, vol. 2 - Par Noiriel, Xavier, Lugrin et Rémy - Éd. Delcourt

Dans le même ordre d’idée, il balaie un peu vite l’embarras des communistes au moment du pacte germano-soviétique, mai 68 ou encore la force de l’extrême-droite dans les classes populaires. Car si les ouvriers disparaissent petit à petit face à la modernisation du monde industriel, les services ont bel et bien créé de nouveaux exploités : les petites mains des mastodontes du commerce en ligne, de la livraison de repas, ou des services à la personne. Autant de métiers méprisés, et en constant déficit de main d’œuvre. Et derrière, la menace grandissante sur le service public.

Reste une qualité constante de ce volumineux album : permettre un débat, souligner certaines luttes toujours pertinentes (les droits des femmes, en particulier) et peut-être aussi cette question universelle : que reste-t-il du marxisme aujourd’hui ?

(par David TAUGIS)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782413042563

- lire notre critique du volume 1

Une Histoire populaire de la France Delcourt ✍ Clément Xavier ✍ Lisa Lugrin ✏️ Alain Gaston Remy à partir de 13 ans Histoire France
 
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6 Messages :
  • Si l’auteur BD est omnibulé, est-ce que ça veut dire qu’à chaque fois qu’il monte dans un omnibus, il devient obsédé par la BD ?...

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    • Répondu par Michel Ferrandi le 20 septembre 2022 à  09:48 :

      Pas précaires les Gilet Jaunes ? Ça me parait un raccourci bien rapide. La sociologie de ce mouvement disparate n’a pas fini d’être encore totalement cernée. Il y a beaucoup de fantasmes et de projections trop rapides, aussi bien de la part de la gauche que de la droite, sans même parler de la mauvaise foi des extrêmes. Je recommande « Gilets Jaunes la révolte des budgets contraints » de Pierre Blavier, un des bouquins les plus sérieux sur le sujet.

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      • Répondu par Jacques le 21 septembre 2022 à  09:12 :

        Il en ressort que ces budgets contraints sont contraints par les gens eux-mêmes, en voulant avoir un niveau de vie qui dépasse leur budget (plusieurs voitures, vacances d’hiver, cours privés pour les enfants, tabacs, alcool, restaurants...). En gérant de façon raisonnable leur budget, la plupart des gilets jaunes ne sont absolument pas précaires, c’est juste qu’ils en veulent toujours plus, quitte à se mettre dans l’embarras.

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        • Répondu le 21 septembre 2022 à  09:47 :

          Visiblement les préjugés vont toujours bon train… les leçons de bonne gestion sont toujours assez comiques quand on regarde ça depuis ses propres certitudes. C’est très intéressant ce qui c’est passé à cette occasion. Même les médias de gauche n’ont pas su comment réagir face aux Gilets Jaunes, persuadés qu’ils étaient qu’il s’agissait probablement d’électeurs lepenistes et rien de plus. Libé a mis 3 semaines à prendre la mesure de ce mouvement. Et même au Monde, c’est encore une fois Florence Aubenas qui au bout de 15 jours a sorti la rédaction de sa torpeur en décidant d’aller enfin voir ce qui se passait sur les ronds-points.

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        • Répondu le 21 septembre 2022 à  09:50 :

          Quand vous vivez en dehors des villes, avec des réseaux de transports en commun sinistres et que vous travaillez tous les deux, vous êtes obligés d’avoir deux voitures.

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          • Répondu le 21 septembre 2022 à  13:41 :

            Sinistrés, pas sinistres, même s’ils sont sinistres aussi.

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