Fin du XIXème siécle : l’Europe s’industrialise au triple galop et les luttes ouvrières s’organisent. C’est à ce tournant politique que débute le second tome de l’histoire populaire de la France inspirée par les travaux de Gérard Noiriel.
Et c’est aussi un opus bien moins pertinent que le précédent. Si les faits historiques, toujours entrecoupés de saynètes valorisant sa personnalité, demeurent clairs et bien contextualisés, le cheminement intellectuel du récit dérive vers des interprétations douteuses. Plus on avance dans l’histoire récente, plus les propos des auteurs prêtent à contestation. Omnibulé par la notion de "peuple ouvrier", Noiriel replace systématiquement sa réflexion dans des schémas d’avant les conflits mondiaux. Moins de chiffres, moins de comparaisons avec d’autres pays : cette histoire devient purement militante, un cadeau de bienvenue pour adhérents LFI ou NPA.
Si l’engagement des auteurs apporte une vigueur intéressante à ce tome 2, la gêne augmente plus on s’approche des conflits sociaux récents, qu’il s’agisse de l’effondrement de la gauche, des manifestations de moins en moins populaires, et surtout du mouvement récent des gilets jaunes en France.
Le plaidoyer de Noiriel pour ces "activistes des rond-points" laisse réellement perplexe. Toujours sans données chiffrées, il idéalise ces militants en omettant l’essentiel : aucun ouvrier parmi eux, peu de précaires, et surtout quasiment pas d’immigrés ou minorités visibles. En gommant l’importance des comportements de consommation touchant les grandes banlieues, l’historien galvaude toute sa pensée critique.
Dans le même ordre d’idée, il balaie un peu vite l’embarras des communistes au moment du pacte germano-soviétique, mai 68 ou encore la force de l’extrême-droite dans les classes populaires. Car si les ouvriers disparaissent petit à petit face à la modernisation du monde industriel, les services ont bel et bien créé de nouveaux exploités : les petites mains des mastodontes du commerce en ligne, de la livraison de repas, ou des services à la personne. Autant de métiers méprisés, et en constant déficit de main d’œuvre. Et derrière, la menace grandissante sur le service public.
Reste une qualité constante de ce volumineux album : permettre un débat, souligner certaines luttes toujours pertinentes (les droits des femmes, en particulier) et peut-être aussi cette question universelle : que reste-t-il du marxisme aujourd’hui ?
(par David TAUGIS)
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