On se souvient que tout a commencé avec la promesse faite à Raphaël par la belle Marie, un ancien amour de jeunesse, de se retrouver à Rome, vingt ans après leur première rencontre.
Chacun de son côté avait déjà « fait sa vie » mais cette proposition d’escapade comme cadeau d’anniversaire avait quelque chose d’un peu irréel, d’un peu fou et de quoi séduire les deux quadras qui finalement, se retrouvaient pour une rencontre torride, sentimentale, émouvante décrite avec de sensibilité et émotion dans les deux tomes précédents.
Dix ans plus tard, les deux amants décident de remettre le couvert ! Ils ont certes la cinquantaine moderne et flamboyante mais leur vie a pris de nouveaux virages, le monde autour d’eux a changé. Raphaël a divorcé, il a deux grandes filles, des premiers soucis de santé pendant que Marie voit sa mère aller vers la fin de sa vie. Tiraillée entre des querelles familiales, le désir de revivre ce rituel, elle hésite, tarde à répondre à l’invitation de Raphaël qui lui, reste bien décidé à fêter son cinquantième anniversaire.
Essayer de faire comme si rien n’avait changé n’est plus aussi simple. Premières alertes cardiaques, décès des parents, conflits sociaux, peur de vieillir, vivre ou revivre ses rêves de jeunes adultes s’avère plus compliqué. Vivre des choses aussi fortes qu’avant est-il encore possible malgré les rides, la jeunesse qui fout le camp et les difficultés du quotidien ? Revivre cette nuit exceptionnelle, dix ans plus tard, dix ans plus âgé est-ce aussi facile et excitant ?
Les deux héros ne sont pas au bout de leur surprise ! Les lecteurs, non plus !
Pourtant le parti pris d’origine était bien audacieux. Entre crise de la quarantaine dont une certaine presse fait régulièrement ses gros titres et le risque de sombrer dans un mélo dégoulinant de bons sentiments et d’érotisme soft, les marges étaient, avouons-le, bien minces !
Malgré (ou à cause de) la réussite du premier opus (la série s’est déjà vendue à près de 100 000 exemplaires), cette suite passera au mieux pour une sacrée prise de risque, au pire pour de l’opportunisme visant à surfer sur le succès des premiers albums.
Pari réussi à l’arrivée, avec ce dernier tome où Jim relance l’intérêt d’une histoire peu ordinaire, au pitch minimaliste. En restant à la hauteur de ses personnages, il rend crédible et vraisemblable cette chronique amoureuse atypique. La difficulté des relations avec leurs propres parents est traitée avec beaucoup de justesse et d’authenticité.
En voulant encore vivre comme de grands ados, Raphaël et Marie se retrouvent plongés au cœur de leurs contradictions, de leurs angoisses face à un monde qui, malgré ou à cause d’eux... leur échappe. Nos deux tourtereaux cherchent à fuir le temps qui passe avec cette parenthèse enchantée. Aventure sans lendemain ? Pas si simple et peut-être pas si terrible, finalement ! En conclusion, Jim joue l’apaisement, sans se priver d’un ultime coup de théâtre fort bien amené.
Réduire cette histoire à une simple balade romantico-touristique serait passer à côté de la justesse du portrait que fait Jim d’une génération pour laquelle tout est permis et rien n’est simple !
En jouant de la séduction par la beauté des images d’un graphisme fluide et élégant, en privilégiant les lumières et les ambiances méditerranéennes (aidé au passage par Delphine sa compagne et coloriste) Jim pose néanmoins un regard aiguisé et amusé sur notre époque.
Derrière les couchers de soleil flamboyant, il trace le portrait juste et sincère d’une génération aux prises avec ses désillusions et ses propres contradictions. Derrière le glamour, une subtile étude de mœurs joyeuse et délicate.
(par Patrice Gentilhomme)
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