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Une Vie : Winston Smith (1903-1984). La biographie retrouvée - Par G. Martinez et C. Perrissin - Futuropolis

Par Tristan MARTINE le 12 octobre 2015                      Lien  
L’adaptation fictive en bande dessinée de ce qui est présenté comme l’autobiographie posthume de Winston Smith, un écrivain, aujourd’hui oublié, à la vie romanesque. Un bel album, aux ambiances très réussies.

Les bouquinistes seraient-ils les meilleurs amis des scénaristes français ? C’est en flânant dans les allées de l’un d’entre eux que Pascal Rabaté était tombé par hasard sur Ibicus d’Alexis Tolstoï, dont il avait tiré son chef-d’œuvre du même nom, permettant au monde de découvrir ce roman oublié d’un auteur généralement confondu avec Léon Tolstoï. Quelques années plus tard, Christian Perrissin aurait, à son tour, déniché au hasard d’une discussion avec un vieux bouquiniste à la retraite, un ouvrage autobiographique, dont il entamerait ici l’adaptation en bande dessinée.

Une Vie : Winston Smith (1903-1984). La biographie retrouvée - Par G. Martinez et C. Perrissin - Futuropolis

En réalité, il s’agit ici d’un exercice littéraire, Winston Smith n’ayant pas existé. Le procédé est extrêmement efficace, et, sans l’aide de nos lecteurs, nous aurions continué à prendre pour argent comptant cette histoire bien ficelée. L’autobiographie présentée est d’un genre particulier, puisqu’il s’agit d’une publication posthume.

En 1984, à sa disparition en montagne, Winston Smith laissait dans la chambre d’hôtel, qu’il occupait depuis des années dans les Alpes, une malle contenant différentes affaires, dont un manuscrit autobiographique intitulé Life. Confessions d’un imposteur. L’hôtelier avait pour consigne, si quelque chose arrivait à Smith, de contacter Alice Laurens, l’un des amours de jeunesse de Smith. Alice Laurens étant elle-même décédée, c’est sa fille, Anna, qui vient ouvrir la malle et découvre, en même temps que le lecteur, la teneur de cette autobiographie. Le procédé est habile, car le lecteur, plutôt que de plonger directement dans la vie de Smith, l’approche ainsi par paliers, découvrant sa fin de vie avant d’entamer son commencement, et se laissant guider par l’étonnement d’Alice Laurens.

Cette transposition est prévue en six volumes et ce premier volume ne traite que l’adolescence de William Smith, en 1916, dans un collège anglais. On y découvre un jeune homme peu sympathique, ni spécialement intelligent, ni spécialement gâté par la nature, vivant dans un collège dont la cuisinière, allemande, est en réalité sa mère, ce que personne ne sait. En cette période de germanophobie exacerbée, elle est en butte à l’hostilité générale, tandis que le petit Winston est protégé, sans que l’on comprenne bien pourquoi, par le directeur du collège.

Il ne se passe pas grand-chose dans ce premier volume, car le récit se met en place, les différents protagonistes sont progressivement présentés, et l’on commence à peine à cerner la personnalité complexe de l’écrivain anglais. Mais cela n’empêche pas cet album d’être très agréable à lire. Bien sûr, on pourra lui reprocher, comme on le fait souvent aux adaptations littéraires, d’être très bavard. Mais Christian Perrissin arrive à trouver le ton juste pour rythmer son récit, tout comme il avait su le faire avec son Martha Jane Cannary, qui racontait la vie de Calamity Jane en s’appuyant principalement sur les Lettres de Calamity Jane à sa fille, un autre matériau à teneur autobiographique. On commence notamment à comprendre la sévérité de la vision qu’avait Winston Smith de lui-même : « derrière [mon] apparente innocence enfantine se dissimulaient déjà les traits de l’homme en devenir, un être égoïste, comploteur, fourbe, perfide et menteur. »

Surtout, Guillaume Martinez arrive à donner une véritable chair à ce récit qui aurait pu être trop « littéraire » dans la puissance de son dessin, expressif et intimiste à la fois. Les cadrages sont globalement très bien pensés, et la mise en couleur d’Isabelle Merlet et de Jean-Jacques Rouger est absolument somptueuse. De ce récit, ce sont finalement des ambiances que l’on retient : ambiance tamisée du collège anglais, ambiance sèche de la montagne française, et cela principalement grâce à cette mise en couleur qui donne profondeur et chaleur au dessin.

Les prochains volumes devraient être hauts-en-couleurs et encore plus romanesques puisque les auteurs ont prévu de faire vivre leur héros dans la Chine impériale en plein remous révolutionnaire de 1925, puis de le faire combattre dans les rangs républicains aux côtés de George Orwell (C’est d’ailleurs d’après le nom du héros de 1984 qu’ils ont nommé à leur héros, Winston Smith), et de le faire devenir espion par Churchill sous la couverture de son métier de journaliste. Après-guerre, ce vrai-faux personnage habitera en Afrique équatoriale puis deviendra scénariste à Hollywood, côtoyant le gratin du cinéma américain, sympathisant avec Humphrey Bogart et séduisant Katharine Hepburn… Vivement la suite !

(par Tristan MARTINE)

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