À cette occasion, plus de 200 originaux issus des archives des dessinateurs (qui, c’est bien connu, conservent leurs plus belles réalisations) et de collections privées européennes et américaines seront exposées.
Le scénariste anglais Alan Moore est certainement l’un des plus grands créateurs de BD de son temps. Les Gardiens (Watchmen), V pour Vendetta, sa version de Swamp Thing, de Batman, From Hell... restent parmi les albums qui ont marqué ces deux dernières décennies et révolutionné le genre. Il est considéré comme l’un des scénaristes anglo-saxons les plus importants. Ses ouvrages les plus reconnus ont tous été gratifiés des plus hautes distinctions du secteur, dont les deux Prix du Meilleur Album étranger (en 1989 pour Watchmen et en 1990 pour V pour Vendetta) et un Prix de la Critique au Festival d’Angoulême (en 2001 pour From Hell).
Watchmen égratigne le mythe des super-héros en les décrivant déchus, la cinquantaine bedonnante, et même devenus dangereux pour le monde, une fois mis à la retraite. Une véritable réflexion sur la superpuissance dont la valeur subversive, toujours malheureusement actuelle dans un monde post-Guerre Froide, n’échappe pas à la frange la plus éclairée de la société américaine.
V pour Vendetta décrit une Angleterre sous le joug d’un régime fasciste qui s’inscrit dans la droite ligne de la libéralisation à outrance impulsée par le gouvernement Tory de Margaret Thatcher. Comme dans un drame shakespearien, on y voit un personnage mystérieux sortir de l’ombre pour venger le peuple des exactions d’un état totalitaire, cruel et corrompu. Un récit qui, comme souvent chez Moore, porte une forte charge symbolique.
The League of Extraordinary Gentlemen est une idée brillante : mélanger dans une seule histoire les plus grands héros du XIXe siècle romanesque. Ainsi, réunit-il dans des aventures communes Allan Quatermain, l’aventurier des Mines du Roi Salomon de H. Rider Haggard, le Capitaine Nemo de Jules Verne, l’Homme Invisible de H.G. Wells, Mina Harker, un personnage féminin du Dracula de Bram Stoker et enfin le Docteur Jekyll et Mister Hyde de Robert-Louis Stevenson, sans compter les allusions à Conan Doyle ou Edgar Allan Poe. Tout ce beau monde est convoqué par un certain M (qui devrait rappeler quelque chose aux amateurs de James Bond) pour servir l’Empire britannique et combattre ses ennemis, que ce soit le Fu Manchu de Sax Rohmer ou les Martiens de H.G. Wells.
Mais c’est en particulier From Hell, un pavé de 500 pages d’une érudition sans égale, où Moore ne s’intéresse pas tant à l’identité de Jack l’Éventreur qu’à ses effets sur la société, qui est son chef-d’œuvre et qui le porte au firmament des créateurs de BD. Dans ce volume, qui décrit la sclérose de l’Empire britannique sous le règne de la reine Victoria, il reprend la légende de l’Éventreur et avance l’idée que celui-ci est en quelque sorte l’accoucheur du XXe siècle, annonciateur des holocaustes à venir. Une œuvre subtile, difficile, d’une grande tenue intellectuelle et d’une grande modernité.
Ce ne sont là que quelques exemples dans une production abondante.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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