Car, comme le dit avec un enthousiasme suspect le préfacier de cet ouvrage : « Les bandes dessinées, les formes artistiques séquentielles, sont aussi anciennes que les peintures rupestres. Elles précèdent l’histoire écrite et, comme l’histoire orale, elles se prêtent le mieux au fait de raconter. » C’est un peu alambiqué, mais c’est assez clair : On part du principe que vous qui ne savez rien, tas d’ignares, il faut qu’on vous enseigne la bonne parole par la BD, la culture des imbéciles.
Drôle d’Histoire ?
Au passage, on vous place le récit au même niveau que les mythes du début de l’humanité, ces contes destinés aux peuples crédules. Et là, on ne se trompe pas car cette « histoire » gauchiste des États-Unis tient davantage de l’incantation que de l’exposé scientifique. Pour faire « vrai », un dessin médiocre, mais tellement pétri d’« authenticité » n’est-ce pas ?, est mélangé à de vrais documents, des photos d’époque.
Concrètement, nous sommes dans une thèse à charge qui commence le 11 Septembre. Si nos Yankees ont reçu leurs avions dans les tours jumelles de Manhattan en pleine gueule, c’est parce qu’ils « n’ont rien appris ». Rien appris des innombrables exactions qu’ils ont faites au reste du monde, à commencer par les Indiens qui vivaient sur leur territoire, mais aussi des répressions ouvrières des années 1920, Sacco et Vanzetti, la Guerre du Viêt-Nam, les coups tordus de la CIA en Amérique du Sud ou en Iran, enfin les derniers exploits du gouvernement Bush en Afghanistan et en Irak… Le tout bouclé en 288 petites pages.
Un discours anti-américain que l’on pouvait attendre un peu plus nuancé depuis la chute du mur de Berlin, mais non : cet album n’est pas un livre d’histoire, mais une suite d’arguments à charge pour démontrer que les États-Unis sont, à n’en pas douter, la seule incarnation du capitalisme malfaisant existant sur cette planète.
Le problème, c’est que les auteurs et l’éditeur pensent que le monde n’a pas évolué, que n’importe qui est prêt à avaler ces chromos archéo-gauchistes. Ceux qui se réclament de la « gauche » et qui ont un minimum de sens critique doivent être contents d’être pris pour des niais éduqués à la BD.
Un chef-d’œuvre ?
L’autre souci, c’est de retrouver cette bande dessinée sans qualité retenue parmi les 58 titres sélectionnés par le Festival d’Angoulême. Alors quoi ? Nous voici devant un des 58 chef-d’œuvres de l’année ? Combien de bons albums ont été écartés pour lui faire place ? On sait qu’il est difficile de bâtir une sélection qui puisse satisfaire tout le monde, mais comment justifier cette présence alors que son éditeur a d’autres perles dans son catalogue ?
Oserait-on le mot « complaisance » ?
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Une histoire populaire de l’empire américain - Par Howard Zinn, Paul Buhle et Mike Konopacki - Traduction française de Barbara Helly. Éditions Vertige Graphic.
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