Romans Graphiques

Une rainette en automne (et plus encore…) – Par Linnea Sterte – Éditions de la Cerise

Par Thomas FIGUERES le 15 décembre 2022                      Lien  
Sélectionnée à Angoulême, "Une Rainette en automne (et plus encore…)", la nouvelle bande dessinée de l’artiste suédoise Linnea Sterte, met en scène un road trip animalier fantastique onirique traitant tant du rapport au vivant que du passage du temps. Une bande dessinée d’aventure d’une infinie douceur qui ne manquera pas de vous surprendre tout en vous invitant à la méditation.

Ce second album traduit en français, fait suite à In-Humus, déjà publié aux Éditions de la Cerise en 2018. Récit de science-fiction écologique, il s’était vu récompensé par le Prix Artemisia du dessin en 2019, ex aequo avec l’époustouflant Bezimena de Nina Bunjevac (Éd. Ici même). Une autre de ces bandes dessinées, Stages of rot, a quant à elle réussi avec brio sa traversée transatlantique jusqu’à se retrouver nominée aux Eisner Awards en 2018, rien que ça !

Des débuts plus que prometteurs donc pour la jeune artiste qu’il s’agit désormais de confirmer pour parvenir à s’inscrire dans la durée. Et ne vous faisons pas languir chers lecteurs, c’est chose faite avec cette rainette.

Une rainette en automne (et plus encore…) – Par Linnea Sterte – Éditions de la Cerise
© Éditions de la Cerise

Jeune et ingénu, le principal protagoniste est le petit batracien éponyme de l’album. La rainette vit paisiblement avec une grenouille, vieux sage de quatre ans son ainé, farouchement ancrée dans sa hutte et ses alentours que l’expérience de l’ailleurs n’attire pas pour un sou. Alors qu’ils ramassent des calebasses à l’approche de l’hiver, deux crapauds vagabonds viennent à leur rencontre.

C’est à leur contact que la petite grenouille qui n’a pas encore un an, et s’émerveille des mutations environnementales liées au passage des saisons, se rend compte de l’immensité du monde. Curieuse et avide de nouvelles découvertes, elle ne résistera pas au souffle de l’aventure lorsque, sans crier gare, les deux voyageurs reprennent leur route direction les tropiques, chapardant quelques provisions au passage.

© Éditions de la Cerise

Voilà notre rainette, en plein automne, partie sur les routes avec pour compagnons deux voleurs dont la bienveillance à son égard n’est conditionnée que par l’assouvissement de leurs intérêts propres. Il s’agirait pour elle de ne pas trop tarder à rentrer car, la rainette le sait, bien qu’elle ne l’ait pas encore vécu elle-même, l’hiver approche à pas de géant, colosse inarrêtable dont l’ombre plane et l’arrivée sonnera, tel le glas, l’arrêt du temps, tout au moins l’espace d’un instant.

Et le temps justement, fil tout du long de ce cheminement dont le format à l’italienne participe à l’impression de distance parcourue. La nature envahit les pages et se meut à mesure que le lecteur progresse dans ce road trip teinté d’onirisme imaginé par Linnea Sterte. Après la mutation d’un écosystème suite à l’irruption d’un élément perturbateur (une baleine morte) dans In-Humus, l’artiste suédoise poursuit sa représentation des changements en s’intéressant cette fois à l’inévitable cycle naturel. En s’intéressant au temps long, celui des saisons, c’est l’instant que choisit d’imager l’artiste.

Éléments caractéristiques de ce type de récit, de nombreuses rencontres jalonnent le parcours de la grenouille et rythment la narration. Celles des arbres viennent par exemple ponctuer le récit. Ils communiquent entre eux et semblent veiller sur elle. Ils sont eux aussi personnifiés et prennent la forme de jeunes humanoïdes dont la caractérisation se rapporte à l’espèce d’arbre en question.

© Éditions de la Cerise

Relevant de la mystique, ces arbres, comme d’autres rencontres faites par la rainette, la tortue en pantalon notamment, sont l’occasion de riches échanges. Si ces dialogues mettent en avant l’innocence et la méconnaissance du monde de notre personnage, ils témoignent du même temps de son inextinguible soif d’apprendre et de la relativité du temps naturel.

Ce dernier point rend d’ailleurs notre rainette nostalgique, voire triste, et ce, dès les premières planches de la bande dessinée lorsqu’elle :

© Éditions de la Cerise
© Éditions de la Cerise
© Éditions de la Cerise

Ainsi, la bienveillance de l’atmosphère est contrebalancée par les attitudes des personnages et la dureté des révélations faites à la rainette.

Fin et élégant, précis et maîtrisé, le trait de Linnea Sterte resplendit tout du long de cette épopée. À chaque page sa case, Une rainette en automne (et plus encore...) pourrait presque se lire dans un défilé continu horizontale, à la façon d’un webtoon renversé. Il n’en est toutefois rien, et nous devons une nouvelle fois saluer le soin apporté à la conception de l’objet par les Éditions de la Cerise qui subliment les planches toutes en nuances d’un bleu moucheté, inspirées par l’estampe japonaise et la peinture traditionnelle chinoise.

Une rainette en automne (et plus encore…) voit donc le propos de Linnea Sterte évolué comparativement à In-Humus. Une évolution faites de micro-ruptures que nous appellerons continuité. Cette dernière est portée par la cohérence d’une réflexion artistique à propos du vivant entamée il y a plusieurs années déjà. Est-ce là l’aboutissement d’un cycle créatif consacré à la poésie du vivant ou la nouvelle pièce d’une œuvre plus grande encore ? À la façon des saisons, seul le temps nous portera réponse.

(par Thomas FIGUERES)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782918596264

Une rainette en automne (et plus encore…) – Par Linnea Sterte – Éditions de la Cerise – Traduit de l’anglais par Astrid Boitel – 24 x 14 à l’italienne - 336 pages – sortie le 04 novembre – 24 euros.

Les Éditions de la Cerise ✏️ Linnea Sterte Suède Angoulême 2023
 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Thomas FIGUERES  
A LIRE AUSSI  
Romans Graphiques  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD