Une vie avec Alexandra David Neel - Par Campoy et Blanchot - Grand Angle Editions Bamboo

Digne, 1959.Marie Madeleine ne sait pas ce qu’il l’attend quand, à peine arrivée de son Algérie natale, elle est engagée par une certaine Alexandra David-Néel. Peu cultivée, plutôt timide et un peu gauche, la jeune femme n’a jamais entendu parler de cette philosophe intrépide première européenne a avoir pénétré à Lhassa capitale du Tibet en 1924.

Marie Madeleine va accompagner l’écrivain jusqu’à sa mort en 1969 à l’âge de 101 ans. Preuve que malgré ses nombreuses péripéties en Asie et son caractère bien trempé et assez peu conciliant, l’exploratrice gardera bon pied, bon œil !

Au fil des jours et des années, les deux femmes finiront sinon par s’apprécier au moins se tolérer, s’accepter et tisser des liens plus profonds qu’il n’y parait.

Scénariste, dessinateur et prof de dessin, Fred Campoy mêle huis-clos et grands espaces dans une biographie originale.

Isolée dans cette grande villa encombrée de tous les souvenirs rapportés des expéditions de sa maîtresse, la jeune gouvernante parvient à s’accommoder du caractère lunatique voire tyrannique de la célèbre orientaliste. Alexandra ouvre l’esprit de la jeune ingénue non seulement par le récit de ses voyages et d’anecdotes extraordinaires mais aussi par sa profonde érudition.

Peu à peu une certaine complicité s’installe entre les deux femmes. Tyrannique mais aussi bienveillante, la vieille dame exerce sur la jeune femme un mélange de fascination et de séduction. Issues de deux générations et de deux cultures différentes, ces deux êtres vont s’apprivoiser dans la solitude et le capharnaüm de la grande maison.

En choisissant de raconter la vie de l’exploratrice sous cet angle particulier, Fred Campoy introduit une théâtralisation dans ce qui se présente au départ comme un huis-clos un peu sombre mais qui sert de prétexte à une biographie attrayante s’éloignant des schémas classiques.

Les auteurs ont privilégié une navette entre la fin de la vie de la voyageuse et des flash back panoramiques alternant les pentes de haute Provence et les cîmes himalayennes. Le balancement du sépia à des couleurs plus lumineuses renforce ce mouvement de va-et-vient narratif.Le dialogue entre les deux personnages vient nourrir une narration à la fois théâtrale et très cinématographique.

Un premier album plutôt réussi pour Mathieu Blanchot.

En choisissant ce mode narratif, les auteurs dépassent la simple biographie pour nous offrir un portrait lucide, non complaisant d’une des voyageuses-philosophes les plus extraordinaires du XXe siècle. La confrontation (parfois violente) entre les deux personnalités, d’un côté l’érudite despotique et, de l’autre, la jeune femme modeste et un peu simple offre le fil rouge de cette chronique complétée d’un cahier documentaire en fin de volume.

Venu de Spirou où il a publié quelques histoires courtes avant d’entamer des séries chez différents éditeurs (Soleil, Dargaud ou Delcourt avec les séries Little Big Joe ou Arcanes ), Frédéric Campoy vient de rejoindre la Collection Grand Angle avec ce récit original et bien mené.

Mathieu Blanchot révèle son talent à travers un graphisme non dénué d’influences variées mais qui sert fort bien ce récit de voyage.
Ancien élève del’ESMI (École supérieure des métiers de l’image) de Bordeaux il connaît Frédéric Campoy depuis le Lycée. Avec cet album, les deux auteurs signent leur première collaboration chez Bamboo et font une entrée remarquée avec une œuvre sensible et singulière.