Goscinny avait cet instinct unique : il savait typer des personnages. Iznougoud le cratophile (un néologisme créé par son cousin germain, l’écrivain et philosophe Daniel Beresniak) est un type littéraire devenu éternel, comme l’Avare de Molière, le Don Quichotte de Cervantès, le Don Juan de Shakespeare ou le Pascal Brutal de Riad Sattouf.
Son vagabond Valentin est un improbable réprouvé à l’optimisme inaltérable comme leurs cousins Spaghetti et Prosciutto, autres créations de l’inventeur d’Astérix dessinées par Dino Attanasio. Ils sont l’un et l’autre des vagabonds, cherchant emploi et opportunités, comme le jeune Goscinny à ses débuts. Valentin est un avatar moderne du Luftmensch de Sholem Aleichem vivant de l’air du temps, éternellement rêveur et optimiste.
L’autre talent de Goscinny est d’avoir su choisir ses partenaires : Uderzo, Gotlib, Morris, Sempé et puis Jean Tabary. Le dessin de Tabary est unique. Il n’a ni la virtuosité plastique du dessinateur d’Astérix, ni le swing élégant de celui de Lucky Luke, ni l’exacerbation slapstick de celui de la Rubrique à Brac, ou le détachement musical de celui du Petit Nicolas… Tabary développe un inimitable art de la grimace. Même dans une séquence triste, son dessin sourit.
Goscinny a scénarisé juste une poignée d’histoires du vagabond Valentin. Mais Tabary a admirablement endossé son costume d’épouvantail. Il scénarise seul presque toutes les dernières histoires toutes reproduites ici.
On découvre, grâce au dossier érudit qui accompagne ce volume, une autre plume derrière le dessin : celle d’un certain Peter Glay qui n’est autre que Pierre Tabary, le frère du dessinateur, illustrateur pour Pilote, puis pour le cinéma et la publicité. Le mimétisme est confondant, le « sourire » graphique est le même. Un air de famille...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Exposition Valentin le Vagabond, inaugurée le 13 février 2019.
Participez à la discussion