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Valérie Lemaire ("Les Cosaques d’Hitler") : "Mes deux héros représentent mes sentiments contradictoires vis-à-vis du peuple cosaque "

Par Christian MISSIA DIO le 19 juin 2013                      Lien  
Après les Quasi, leur première BD réalisée en commun, Valérie Lemaire et Olivier Neuray reviennent sur un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale qui interroge le choix des alliances dans une situation troublée.
Valérie Lemaire ("Les Cosaques d'Hitler") : "Mes deux héros représentent mes sentiments contradictoires vis-à-vis du peuple cosaque "
Les Cosaques d’Hitler T.1/2 : Macha
Par Valérie Lemaire & Olivier Neuray (c) Casterman

Comment vous est venue l’idée de faire une BD sur cette période de l’Histoire ?

Valérie Lemaire : En 2004, à Bruxelles, je m’étais rendu à une conférence d’un historien du nom de Nikolaï Tolstoï qui est l’arrière-petit-neveu du grand écrivain et qui avait abordé ce sujet-là. Au début, je n’avais pas d’empathie particulière pour ces gens qui avaient rallié Hitler. J’étais même complètement hermétique, car je trouvais leur choix odieux, mais en écoutant le récit de cet historien, je me suis rendu compte qu’il fallait nuancer les choses.

De plus, je vivais à Moscou à l’époque, j’étais juste de passage en Belgique. J’avais noué pas mal de relations avec des gens qui avaient vécu la répression stalinienne ou qui avaient eu des membres de leur famille ou des amis qui avaient vécu durant cette époque troublée. Cela m’a poussé à reconsidérer mon opinion vis-à-vis des Cosaques.

Il faut savoir que plus de deux millions de personnes ont été rapatriées de force par les Alliés, lesquels étaient associés avec les Soviétiques durant la Seconde Guerre mondiale. C’est un épisode pas très glorieux de l’histoire des Alliés dans la guerre contre le nazisme. La tragédie de ce peuple avait quelque chose de romanesque Je me suis dit que j’allais faire une BD sur ce thème.

Olivier Neuray, comment avez-vous abordé cette histoire graphiquement parlant ?

Olivier Neuray : Je me suis plongé dans toute la documentation que je trouvais sur le thème. C’est comme cela que je procède d’habitude lorsqu’il s’agit d’un univers que je ne connais pas. J’avais déjà été sensibilisé à cette thématique à l’époque ou j’avais réalisé Nuit Blanche, avec Yann, chez Glénat, mais ce n’était pas la même époque. Je n’avais encore jamais traité en BD la Seconde Guerre mondiale et ça m’intéressait de le faire, car j’ai toujours eu envie de traiter l’univers des Russes dans les années trente.

Les Cosaques d’Hitler
Quelques extraits de cette BD.
Lemaire & Neuray (c) Casterman

Parlez-nous des différents personnages, en particulier d’Eward et Nicolas, ces deux soldats britanniques qui sont au cœur de votre récit.

VL : À travers Edward et Nicolas, je voulais illustrer les deux points de vue par rapport au problème cosaque. Nicolas illustre l’empathie que l’on peut avoir vis-à-vis de ces gens. Au début, il est très choqué par leur choix de rallier Hitler, mais au fur et à mesure, il va comprendre leur position et surtout, ressentir leur détresse. Tandis qu’Edward demeure complètement insensible à leur sort. Il les considère comme des traitres à leur patrie, l’Union soviétique, et il estime qu’ils n’ont que ce qu’ils mérite. Edward représente cette petite part de moi qui reste convaincue que les Cosaques ont fait le mauvais choix en étant alliés d’Hitler, et que ce choix est impardonnable. Malheureusement pour eux, ils n’ont eu le choix qu’entre la peste et le choléra et, si j’étais à leur place, je ne peux pas exclure que je n’aurais pas fait la même chose, même si je sais pertinemment que ce choix signifie vendre mon âme au diable.

Ce diptyque est publié chez Casterman. Était-ce votre premier choix ?

VL : C’est surtout Olivier qui eu l’idée de contacter Reynold Leclercq , éditeur chez Casterman, car ils se connaissaient bien grâce à son passé de libraire [1]. Mais, il faut aussi stipuler que Reynold est russophone, car il a fait des études d’interprète. Olivier a donc pensé qu’il serait sensible à notre projet.

Pouvez-vous nous parler de la conception des couvertures des deux tomes de cette histoire ?

ON : Au départ, nous avions pensé intituler ce diptyque "les Cosaques de Lienz". Ayant un oncle féru d’histoire, celui-ci est tombé un jour sur mes travaux et il s’est exclamé :"- Tiens, les Cosaques d’Hitler" ! J’ai trouvé que c’était beaucoup plus parlant comme titre, d’autant plus que peu de personnes savent où est situé Lienz !

Ainsi, j’ai composé une couverture dans laquelle j’ai mis Hitler en fond. Macha, le personnage féminin principal, les Cosaques et les deux Anglais en avant plan, en gras. Là dessus, Reynold m’a suggéré de composer dans la foulée la couverture du tome deux. Je suis donc parti sur la même base graphique, en remplaçant Hitler par Staline car il fallait montrer le lien entre le peuple cosaque et les deux dictateurs.

Au centre, j’ai placé Macha, qui voit son destin basculer d’un tyran à un autre.

Valérie Lemaire, comment en êtes vous venue à faire de la BD, vous qui êtes juriste au départ ?

VL : J’ai toujours aimé raconter des histoires et cela faisait déjà un certain temps que j’écrivais de mon côté. Par ailleurs, Olivier et moi sommes des amis de longues date car j’ai partagé un studio avec son frère lorsque j’étais étudiante.

Concernant les Cosaques d’Hitler, au départ, je voulais en faire un scénario de film. Le problème c’est que je n’ai aucune expérience dans le cinéma. Un ami réalisateur m’a alors suggéré d’en faire plus tôt un scénario de BD. J’ai donc contacté Olivier, qui était très intéressé mais il dû décliner ma proposition car il était engagé à l’époque dans la série Makabi [2].

Olivier Neuray, vous avez passé la main sur Lloyd Singer. Que devient cette série ?

ON : C’est terminé. La série s’arrête définitivement car, malgré la reprise chez Bamboo et tout le travail de mise en avant qui été fait, les ventes ne sont pas satisfaisantes. Pourtant, cette série avait très bien démarré mais visiblement, nous avons joué de malchance.

Que retirez-vous de cette expérience avec Luc Brunschwig ?

ON : Je m’étais beaucoup identifié au personnage de Makabi, au point que ce fut un déchirement de le quitter. Concernant ma collaboration avec Luc, c’est un scénariste qui détaille la mise en scène d’une manière que je n’aurais jamais imaginée. Luc a beaucoup d’images dans sa tête. C’est très cinématographique, au point qu’il a changé ma manière de travailler, y compris sur les Cosaques d’Hitler !

(par Christian MISSIA DIO)

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[1Reynold est l’un des fondateur des librairies Brüsel, en Belgique.

[2Série rebaptisée Lloyd Singer lors de sa réédition chez Bamboo.

 
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