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Védécé, le carabin masqué

Par Vincent SAVI le 15 décembre 2018                      Lien  
Nul ne connaît son identité, sur les réseaux sociaux il se compare à Batman... Interne en médecine le jour, auteur de bande dessinée la nuit (et le week-end), il se fait connaître sous le nom de Védécé, et raconte en BD son quotidien d'étudiant en médecine avec sa série "Vie de Carabin", dont le troisième tome vient de sortir chez Hachette.

Pourquoi Védécé ?

Il fallait se trouver un pseudonyme et je trouvais chouette la manière dont Hergé s’était trouvé un pseudo avec ses initiales. J’ai donc fait pareil avec Vie de Carabin, et si jamais, un jour, je fais d’autres séries, cela sera un reste de ce qui m’a permis d’entrer dans le monde de la BD, alors que ce n’était initialement pas ma voie.

Védécé, le carabin masqué
Après avoir enfilé sa tenue, Védécé se prépare à affronter sa journée de travail
© Hachette Comics

Comment est né Vie de Carabin ?

J’ai commencé à dessiner en 2011, c’était vraiment pour me défouler, il n’y avait pas de vocation à faire passer un message politique. C’est un moyen de coucher sur papier ce que je vivais et de repartir le lendemain sereinement sur de bonnes bases. Au début je montrais ce que je faisais à mes potes et ils m’ont dit que je devrais le mettre sur Internet. On m’a ensuite proposé de faire un album fin 2012 et il est sorti fin 2013. J’étais au début publié chez S Éditions, un éditeur axé sur la médecine, puis Hachette m’a contacté et le troisième tome est paru chez eux. Je n’avais pas envie de faire un recueil de ce que je publiais sur Internet et j’ai donc essayé de faire une histoire qui se réponde sur trois tomes.

Quel est votre lien avec la bande dessinée  ?

Depuis tout petit, la BD est une passion. Je dessine depuis que j’ai 11 ans. J’avais gagné quelques prix dans des festivals jeunesse, donc cela m’encourageait. Mais au bout d’un moment, il fallait être un peu pragmatique. C’est finalement la précarité du métier qui m’y a fait renoncer, et comme j’aimais aussi la médecine, j’ai donc choisi la voie de la raison avec un emploi qui m’assure une sécurité. Mais c’est sympa de revenir par la petite porte alors que ce n’était pas prévu. Au début, quand j’ai commencé à réaliser mes dessins, je n’avais absolument pas comme vocation d’en faire un album.

L’auteur nous présente son lieu de travail, non sans une touche d’humour.
© Hachette Comics

Comment s’est passé le fait d’être confronté à un public plus large ?

Quand je vois les réactions des lecteurs, je me dis que je ne raconte pas trop n’importe quoi, qu’ils s’y retrouvent et que le message que je porte est a priori le bon. Mais ce n’est pas la vocation initiale, c’est surtout une catharsis, un moyen de trouver mon équilibre, c’est personnel, j’ai fait un travail sur moi-même. Le but n’est pas d’être fédérateur, d’être un livre "coup de gueule", pour alerter les politiques. Quand on peut passer un petit message dans le registre de la blague, c’est l’idéal.

Tout est vrai ?

Oui ! On a l’impression que ce sont des journées de dingue à la lecture, mais ce sont des anecdotes qui se sont passées sur plusieurs mois et je les regroupe. Ça passe aussi par une étape où je maquille la réalité pour ne pas qu’on puisse reconnaître les patients et les situations. J’essaye de donner le moins d’informations personnelles possibles. Il y a tout un travail sur l’anonymat.

Comment gères-vous cet anonymat dans votre métier ?

À part venir masqué, c’est compliqué ! (rires). Mais j’ai aussi mon emploi du temps qui bloque : les deux métiers se nourrissent mais il faut les faire se cohabiter. On a essayé de faire quelques plateaux télé pour la sortie de l’album mais quand ils ont su que je voulais venir masqué, ils ont refusé. Je tiens à préserver mon anonymat.

Védécé maquille les personnes, mais pas les propos
© Hachette Comics

Vous avez déjà eu des problèmes ?

Pour le moment non, mais j’ai déjà eu des menaces sur Internet. Des directeurs d’hôpitaux qui m’ont menacé, moi et mes partenaires, de boycott. J’ai aussi eu un chef de service qui disait cash devant ses étudiants dont je faisais partie : « Ah lala, c’est comme l’autre dessinateur Védécé, c’est n’importe quoi ce qu’il raconte ! Comment il ose dire que les étudiants sont exploités, quel con celui-là ! ». Donc ce n’est pas plus mal de pas être connu... Par ailleurs, j’ai déjà eu un chef de service chez qui, quand je suis rentré dans son bureau, il y avait un de mes dessins affiché sur le mur. Dans le milieu hospitalier, on n’aime pas trop les fortes têtes et les gens qui parlent. C’est un milieu très fermé, il y a un peu une omerta là-dessus, j’ai l’exemple d’un interne qui a dû changer de région à la fin de son internat parce qu’il était le chieur qui se battait pour le droit des étudiants et qu’il se trouvait blacklisté partout. Soigne et tais-toi et ne remets pas trop le système en cause !...

L’avatar de Védécé.
© Hachette Comics

Y aura-t-il des suites ?

Je veux concilier les deux, je ne veux pas lâcher ma vie de médecin, ni mon envie d’écrire. Je voudrais collaborer avec un dessinateur, car clairement, au niveau graphique, je n’ai pas le niveau par rapport à ce que je veux réaliser, et je veux le mieux pour mes bouquins.

À la fin de ce tome, c’est un cycle qui se termine. J’ai répondu aux questions que je pouvais me poser dans les premiers albums. Mais j’ai de la matière pour faire la suite, je repartirai sur un autre cycle et j’ai déjà une idée pour le tome 4. J’aimerais bien faire une série jeunesse. Il faut que je monte le dossier et que je trouve un éditeur. Mais en ce qui concerne Védécé, c’est très personnel, c’est bien que ce soit moi qui le dessine.

(par Vincent SAVI)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782012905399

"Vie de Carabin, catharsis d’un médecin débutant". Par Védécé. Hachette Comics. 104 pages. Sortie le 21 novembre 2018. 14,95 euros.

 
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