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« Vegvisir » : la nouvelle série "young adult" qui déchire !

Par Charles-Louis Detournay le 2 septembre 2022                      Lien  
Associer une scénariste connue pour ses univers familiaux à un dessinateur italien d'animés, afin de réaliser une nouvelle série post-apocalyptique... Il faut s'appeler Thierry Joor pour générer, avec de tels ingrédients, une alchimie à la fois innovante et convaincante et opérer l'un des lancements de séries immanquables ce mois-ci !

2052. La société des hommes n’est plus, la nature a repris ses droits. Enfin, pas tout-à-fait… La nature est souveraine, mais certaines franges de l’humanité ont survécu. Ils ont échappé aux radiations et se sont organisés pour survivre de différentes manières dans cette région du globe qui s’appelait autrefois la France.

Les Lutéciens tentent de conserver les acquis d’antan. Retranchés sur un barrage hydroélectrique, ils sont encore habillés à l’européenne, roulent en voiture et surtout imposent leur loi par la force de leurs mitraillettes. Ils tirent et ils tuent, plus par plaisir que par nécessité.

D’un autre côté, les Skolls ont au contraire décidé de ne pas répéter les erreurs du passé et ils sont volontairement revenus à la nature. Organisés en clans, ils chassent, élèvent, cultivent et cueillent, uniquement pour satisfaire leurs besoins, à l’aide de lances, d’arcs et de couteaux.

C’est avec trois jeunes Skolls que débute notre histoire. Ces jeunes adultes essaient de parfaire leur technique de chasse pour subvenir aux attentes de leur clan. Cette vie en communauté n’empêche pas d’avoir des secrets. Et le plus âgé des trois voit rouge lorsqu’il apprend que les Lutéciens ont tué la fille dont il était amoureux. Aussi décide-t-il de se venger, en dépit des conséquences, qu’il s’agisse de son propre bannissement…, voire d’une guerre ouverte entre les Skolls et les Lutéciens !

« Vegvisir » : la nouvelle série "young adult" qui déchire !

Aux lecteurs amateurs du genre, nous conseillons d’oublier rapidement cette sombre couverture pour vous immerger dans l’univers dynamique et coloré de Vegvisir. Même si l’on est intrigué en début de lecture par ce monde en reconstruction, ces voitures dans les arbres et ces ruines dévorées par la verdure, les trois personnages principaux du récit s’imposent d’eux-mêmes, par leurs différences, leurs personnalités et une caractérisation physique ultra-reconnaissable, notamment grâce à leurs tatouages de couleurs.

Ce n’est d’ailleurs pas la seule fois où les couleurs narratives de Silvia Fabris contribuent à la réussite du récit. Elles se marient au dessin d’Igor Chimisso, cet auteur italien qui a longtemps œuvré dans le dessin animé, remarquable dans ce récit. Ses scènes d’actions sont dynamiques, empruntant allégrement au codes du Comics, une industrie pour laquelle il a également travaillé. Mais alors que d’autres de ses compatriotes usent à foison de cadrages acrobatiques pour maintenir le tempo, Chimisso préfère laisser sa créativité s’exprimer dans l’exploitation de cette société postapocalyptique. Après une première lecture, on n’a de cesse de fouiller dans les arrière-plans ou dans les avant-plans assombris pour y trouver toute la vie qu’il a su retranscrire.

Car loin d’un long et perpétuel affrontement entre survivants rivaux, la scénariste Séverine de la Croix est parvenue à imaginer une société crédible. Et c’est avant tout par ce biais que Vegvisir se démarque avantageusement. Comprendre comment les divers clans des Skolls sont organisés, comment ils se reconnaissent entre eux par leurs tatouages, quelles sont leurs légendes, leurs règles, leurs lois, comment ils se retrouvent lors de chaque solstice d’été, les jeux qu’ils organisent alors pour amicalement se défier, le commerce, les échanges, les naissances, les transferts de tribus, etc. : c’est passionnant. Bien sûr, on ressent une grande inspiration auprès des cultures nord-amérindiennes, mais l’ensemble est réalisé avec suffisamment de talent et de passion pour convaincre indubitablement.

Et est-ce dû aux précédents récits que la scénariste a écrits, dont les scénarios de Lila ? Elle a truffé le récit de petits éléments qui renforcent le vécu de ses personnages et la crédibilité de leur société reconstruite. Il y a une école où il faut rendre des devoirs. Les jeunes adultes continuent à gentiment s’opposer à leurs parents pour grandir. De petits éléments qui permettent aux lecteurs de s’identifier aux personnages. Et la différence est également un des facteurs évoqués, car même les personnes handicapées sont intégrées dans ces villages où rien n’est parfait et tout semble crédible à la fois.

Outre la description de cette société si naturelle et vivante, le second atout scénaristique de ce récit est la nuance. Il n’est pas question ici d’opposer les méchants Lutéciens aux gentils Skolls. Certes les premiers semblent plus ombrageux que les seconds, mais ils ne représentent pas non plus le mal incarné : dans les tribus Skolls, il existe également des tensions et des rivalités entre clans qui sont sources d’intérêt. Une nuance qui s’illustre dans bien d’autres éléments. Par exemple, les Skolls ne sont pas systématiquement opposés à la technologie : ils utilisent des moyens de communication plus modernes et toutes leurs maisons sont équipées en panneaux solaires. Pas question donc d’en faire des intégristes de la nature.

Ces différents points forts, parmi lesquels en particulier le dessin de Chimisso, sont sublimées par quelques pleines pages et une double page que nous avons choisi de ne volontairement pas vous montrer pour vous en laisser la surprise. Des prouesses graphiques qui ne desservent heureusement pas la longueur du récit, car ce premier tome dispose de 72 pages, c’est dire l’ambition de l’éditeur Thierry Joor pour offrir un premier tome dense et complet à ses lecteurs. Celui-ci se termine sur un cliffhanger plein de suspense, qui permet d’attendre le second tome avec autant d’envie que d’impatience. De notre côté, le rendez-vous est pris !

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782413037866

Vegvisir T. 1 : Le Clan de Sif - Par Séverine de la Croix, Igor Chimisso & Silvia Fabris - Delcourt

De la même scénariste : Lila : Pommes, poires, abricots - Par Séverine de la Croix et Pauline Roland - Delcourt

Visuels : © Éditions Delcourt, 2022 — De La Croix, Chimisso

à partir de 13 ans Anticipation
 
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