Vésale - Par LF Bollée & Fawzi - Passés composés

Aborder la vie en bande dessinée d’un anatomiste du XVIe siècle, fut-il l’un des plus célèbres de l’Histoire, ce n’est sans doute pas le programme le plus folichon que vous vous étiez dressé pour passer une bonne soirée... Mais pour transformer cette lecture apparemment rébarbative en un passionnant récit, le coup de maître de LF Bollée est double. Tout d’abord, il nous fait entrer dans la tête de Vésale par des visions déformées de la réalité. Puis surtout il place tout son récit lors d’un épisode très particulier de l’Histoire de France, à savoir la lente agonie de Henri II.

Rappelez-vous, le 30 juin 1559, à Paris, le roi participe au grand tournoi organisé pour célébrer le mariage de sa sœur. Lors d’une joute, une lance se brise puis transperce profondément le heaume du roi. L’oeil est crevé, le cerveau est touché. Ambroise Paré, le chirurgien royal, est au chevet du souverain inconscient. La reine fait pourtant appeler André Vésale, médecin du roi d’Espagne, le plus grand anatomiste de son temps. Les deux médecins se livrent alors un duel scientifique, car tout les oppose : le caractère, la façon de procéder. Ils sont rivaux, ils se détestent même s’ils se connaissent bien. Quel est finalement leur but : sauver le roi, ou triompher de son adversaire ?

Des pratiques d’un autre temps, pour Vésale

Je vous le concède, la couverture ressemble plus à un tatouage de Hells Angels qu’à une BD historique. Le graphisme du dessinateur algérien Fawzi convient pourtant parfaitement à l’évocation de duel médical du XVIe siècle car il réussit à poser le cadre historique de l’ensemble. Surtout, il compose d’impressionnantes splash pages qui font office d’entame de chapitre, à mi-chemin entre rêves éveillés et tableaux de Jérôme Bosch.

Un des débuts de chapitre

Un procédé qui convient idéalement au récit, car il scande les dix jours de cette lutte médicale et permet surtout de montrer Vésale dans un état de désorientation. Bollée a effectivement choisi de passer par les yeux de Vésale pour livrer sa vision du monde. Le médecin-anatomiste avait-il tendance à ne voir que la physiologie de l’être humain ? C’est en tout cas ce que le scénariste imagine lorsqu’il demande à Fawzi de ne dessiner dans certaines scènes que des squelettes à la place des protagonistes du récit. Des astuces qui lui permettent également de placer habilement dans le récit l’écrivain Rabelais ou d’autres éléments qui sortent d’un cadre purement authentique, mais qui dépeignent au mieux le personnage qu’était Vésale et l’atmosphère de méfiance qu’il inspirait auprès des autres médecins.

Si vous appréciez les récits qui sortent de l’ordinaire, laissez-vous donc tenter par ce Vésale, car les auteurs (assistés de Victor Chassel aux couleurs) ont su composer un étonnant et saisissant portait de cet homme dont les connaissances apportées à la communauté scientifique font encore référence aujourd’hui. Tout en s’autorisant une incursion dans les coulisses d’une des plus glorieuses cours d’Europe de l’époque.