Le tome précédent, "Nouvel ordre mondial !", nous avait permis de découvrir la "Communauté", gigantesque organisation humaine de près de 50000 individus. Après quelques tensions liées à la prise de contact entre les envoyés de Rick et leurs nouveaux hôtes, ce fut l’enthousiasme du côté de nos héros emmenés par Michonne.
Pensez-donc : outre les émouvantes retrouvailles avec sa fille, Michonne découvre un lieu où la normalité semble restaurée, avec commerces, restaurants, appartements, emplois... Mais aussi des divertissements, comme des concerts ou des saisons de différents sports, et même une zone de villégiature. Et pour l’ancienne avocate se présentent rapidement des opportunités à saisir puisqu’on lui propose de retrouver son ancien métier et le niveau de vie que va avec.
"Pourri jusqu’à l’os", le tome 31, dans un mouvement de balancier éprouvé, nous expose l’envers du décor, que l’on pressentait déjà. L’utopie se révèle dystopie, l’ordre salvateur le produit d’un état policier féroce et la société restaurée un système de castes verrouillé aux privilèges injustes criants.
Bref, la révolte gronde au sein de la Communauté et la visite de Rick pour négocier les modalités des échanges entre celle-ci et les siens constitue l’étincelle qui met le feu aux poudres. Il faut dire que le modèle politique de notre héros, faisant table rase du passé et instaurant une égalité de droits et de devoirs entre les individus ne peut que heurter de plein fouet celui, hiérarchique et hérité de l’ancien monde, de la Communauté.
Une fois encore, Walking Dead parvient à prolonger l’aventure de manière renouvelée et pertinente. La réflexion sur la société offerte par ce monde post-apocalyptique paraît sans fin et Robert Kirkman continue à nous proposer un reflet déformé et grinçant de notre propre monde.
Comment en effet ne pas voir dans ce "Nouvel Ordre Mondial" de la Communauté, tenu par des héritiers aussi puants que tout puissants, ne reposant que sur le pouvoir d’une surveillance de tous les instants de ses propres citoyens, une image lointaine mais interpellante des nos sociétés occidentales ? Une fiction autour des apories auxquelles nos mondes se trouvent confrontés ?
Il y a quelque chose de parlant, quelque chose de l’ordre de l’écho, entre ces mouvements de protestation réprimées dans la violence au sein de la Communauté et ces grandes marches de protestation que se sont manifestées outre-atlantique depuis l’élection de Donald Trump. Sans parler de notre propre actualité française : ce tome 31 de Walking Dead peut offrir matière à réflexion sur le mouvement des Gilets Jaunes et la réponse politique qui lui est donnée depuis plusieurs mois.
Voilà qui confirme, si besoin était, la qualité et l’ancrage dans notre temps et dans notre réel de ce monde en ruines peuplé de zombies inventé par Robert Kirkman. D’autant que le scénariste ne perd pas la main non plus du côté de la dramatisation de son intrigue : la fin du tome recèle un nouveau terrible coup de théâtre comme sait les ménager Kirkman. Un événement qui risque de laisser, une fois encore, le lecteur abasourdi.
(par Aurélien Pigeat)
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Walking Dead T. 31 : "Pourri jusqu’à l’os". Par Robert Kirkman (scénario), Charlie Adlard (dessin), Stefano Gaudiano (encrage) et Cliff Rathburn (trames et niveaux de gris). Traduction Edmond Tourriol. Delcourt, collection "Contrebande". Sortie le 13 mars 2019. 144 pages. 14,95 euros.
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