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Warnauts & Raives : "Cette intégrale des Suites vénitiennes, c’est comme un nouvel album pour nous"

Par Christian MISSIA DIO le 19 octobre 2016                      Lien  
Ce dernier trimestre 2016 est particulièrement chargé en sorties BD. Néanmoins, le duo Warnauts & Raives marque la saison en nous proposant la fin "Des Jours heureux" mais surtout, la réédition en intégrale de leur série mythique "Les Suites Vénitiennes". Rencontre.
Warnauts & Raives : "Cette intégrale des Suites vénitiennes, c'est comme un nouvel album pour nous"
Deuxième version d’un projet de couverture de l’intégral des suites vénitiennes.
Warnauts & Raives © Le Lombard

Vous proposez la réédition en intégrale des Suites Vénitiennes mais sous le label du Lombard, votre éditeur depuis six ans. Il s’agit là d’une série qui était d’abord publiée par Casterman...

Raives : Oui et j’en suis très content, car j’ai réalisé un gros boulot. J’ai re-scanné tous mes dessins. Le lecteur lambda ne s’en rendra peut-être pas compte mais j’ai repris tous les bleus originaux et j’ai tout scanné, tout réintégré parce qu’à l’époque où j’ai réalisé ces planches, la couleur était séparée du trait. Et il faut tout réintégrer case par case, puis j’ai complètement refait tous les lettrages. Donc pour moi, c’est comme si je venais de réaliser un nouvel album et enfin, le résultat ressemble vraiment à ce que l’on voulait faire il y a vingt ans.

Il y a une chose qui interpelle c’est que le format de cette intégrale est assez grand. Est-ce vous ou l’éditeur qui avez fait ce choix de format ?

Raives : Les deux. C’est une proposition de l’éditeur mais qui nous convenait bien. Les bleus originaux étaient plus grands que les livres parus à l’époque, car ceux-ci était publiés dans une collection des éditions Casterman qui était conçue dans un format beaucoup plus petit, ce qui avait obligé l’éditeur à réduire d’1,50 centimètre la taille des bleus originaux, ce qui au final, avait une répercussion sur le rendu des dessins dans les livres.

Warnauts : Les dessins sont faits à l’aquarelle et il faut que les livres soient dans un grand format pour que les lecteurs puissent apprécier à sa juste valeur le travail fait sur les couleurs, d’autant plus que Les Suites vénitiennes ont duré dix ans.

Raives : Durant toutes ces années, j’ai évolué en tant qu’artiste, j’ai évolué dans ma technique, et cela se verra mieux dans cette série d’intégrales.

Warnauts & Raives © Le Lombard

Quel en sera le rythme de publication ?

Raives : Je suis en train de terminer le lettrage de la seconde intégrale et celle-ci paraîtra début janvier 2017 et la dernière intégrale sortira au mois de mai. Ce qui est bien aussi c’est que nous avons regroupé chaque intégrale par cycles de trois albums : la première est composée des albums se passant à Venise, la seconde proposera les albums consacrés au commerce triangulaire de la traite négrière entre l’Europe, l’Afrique et les Antilles. Enfin pour la dernière intégrale, nous reviendrons à Venise. Il y a une logique de narration que nous avions prévue au départ et qui se matérialisera mieux grâce à ces rééditions car à l’époque où Casterman éditait la série, celle-ci fut publiée de manière un peu anarchique dans des collections différentes, ce qui a un peu nuit à la compréhension générale de l’univers que nous avions créé.

Warnauts & Raives © Le Lombard

Pouvons-nous nous attendre à ce que tout votre catalogue paru chez Casterman, ainsi que certaines séries que vous aviez publiée chez d’autres éditeurs, je pense à la série L’Orfèvre qui était éditée chez Glénat, soient rééditées au Lombard ?

Warnauts : Oui, c’est tout à fait envisageable puisque nous sommes en train de récupérer nos droits d’auteur et que Casterman ne défend plus les albums. Nous avions déjà commencé en republiant L’Innocente dans la collection Signé du Lombard.

En ce qui concerne L’Orfèvre, Glénat continue à le sortir d’une manière ou d’une autre, alors que Casterman a complètement laissé tomber nos anciens albums. Nous nous disons « tant mieux » car ainsi, nous récupérons plus facilement nos droits. Après, nous verrons avec Le Lombard quel livre ou quelle série rééditer. On ne va pas tout ressortir, ce sera au cas par cas.

Raives : En effet, c’est une vraie question. Il ne serait pas pertinent de tout rééditer.

L’Innocente
Warnauts & Raives © Coll. Signé/Le Lombard

Votre autre actualité c’est aussi la publication du tome 2 Des Jours heureux, qui est en fait le troisième cycle du diptyque Les Temps nouveaux. Dans les deux premiers diptyques, vous abordiez les grands sujets d’actualité. Dans le premier c’était la Seconde Guerre mondiale et le rexisme, un mouvement politique belge d’extrême droite et collaborateur de l’Allemagne nazie, créé par Léon Degrelle ; dans le second, vous abordiez la Guerre froide. Et dans ce dernier volume, c’est l’indépendance du Congo belge, la période des Trente glorieuses et l’expo universelle de 1958. Pourquoi avez-vous retenu ces événements-là ?

Warnauts : Parce que c’est la fin d’un monde et le début d’un nouveau. C’est une période charnière de l’histoire du XXe siècle. Les grandes puissances doivent accorder leur indépendance aux peuples colonisés et ils se recentrent alors sur autre chose. Il y a la Guerre froide qui sera utilisée par les dictateurs et par les grandes puissances dont l’Europe. C’était une bonne période pour clôturer notre cycle. Nous avions débuté avec Les Temps nouveaux en 1938 à la veille de la guerre contre l’Allemagne nazie, puis dans Les Jours heureux, nous terminons le diptyque en 1961. Cette date correspond aux accords de coopération signés entre la France et la RFA (l’Allemagne). Au niveau des colonies, nous sommes aussi à la fin de quelque chose, c’est la fin d’une puissance.

Les Jours Heureux T1 : Expo 58
Warnauts & Raives © Coll. Signé/Le Lombard

Dans cette série, vous parlez des grandes questions qui traversent le XXe siècle mais avec la Belgique comme point central. Hors, vous abordez aussi la question de la décolonisation de l’Algérie, qui est une problématique française. Pourquoi ?

Raives : Parce qu’à l’époque, la Belgique était la base arrière du FLN…

Warnauts : Comme l’Allemagne aussi. Il faut savoir que les passeurs de valises, les armes et le pognon transitaient entre l’Allemagne, la Belgique et la Suisse. La Belgique était une sorte de pivot.

Raives : Et puis, ça nous rappelle certaines choses plus contemporaines comme le terrorisme djihadiste actuel, qui a ses bases arrières chez nous en Belgique. Nous aimons bien faire des liens entre les événements de l’Histoire et ce qui se passe aujourd’hui. Par exemple, l’attentat le plus meurtrier en France était celui commis par l’OAS dans le train Strasbourg-Paris, avant qu’il ne soit « détrôné » par celui du 13 novembre 2015.

Raives : On nous parle de l’état de guerre actuel mais quand on se replonge dans le passé, on se rend compte qu’il y avait beaucoup plus d’attentats en France qu’actuellement. À l’époque, ces attentats n’étaient pas vécus comme un état de guerre mais comme des événements malheureux.

Mais les morts violentes étaient beaucoup mieux acceptées qu’aujourd’hui. Par exemple l’assassinat, même en politique, était monnaie courante. C’était la mentalité de l’époque.

Raives : Oui, mais aujourd’hui, il y a une politique de la terreur qui n’était pas présente à l’époque. Alors que les attentats, il y en avait tout le temps. Dans les années 1970, il y avait la bande à Baader, les Brigades rouges, il y avait l’attentat de la gare de Bologne, etc. On a tendance à l’oublier, comme s’il n’y avait qu’aujourd’hui que tout va mal. Nous trouvions que c’était bien de rappeler toutes ces tragédies. Rien n’arrive de manière fortuite.

Warnauts : Malheureusement, la fin d’un problème est le début d’un autre. La chute du Mur de Berlin a provoqué la fin de l’URSS, ce qui était une bonne chose. Mais derrière, nous avons eu la guerre en Yougoslavie, par exemple. Les Américains, quant à eux, ont provoqué d’autres problèmes dans d’autres régions du monde. Tout ça n’est pas fortuit...

Les Jours Heureux T2 : Nouvelle vague
Warnauts & Raives © Coll. Signé/Le Lombard

À l’époque, dans le cadre de cette saga des Temps nouveaux, vous aviez confié que vous ambitionnez de proposer des cycles de deux albums qui iraient jusqu’aux années 1980. Est-ce que c’est toujours d’actualité ?

Raives : Le problème c’est que nous nous sommes rendus compte que ce n’était pas évident. Les événements se déplacent de plus en plus. Les personnages vieillissent, ce qui est intéressant parce qu’ils prennent du corps et gagnent en caractère mais ils n’ont plus la même santé. Là, nous sommes dans les années soixante et notre héros, Thomas Deschamps, a 50 ans. Dans les seventies, il aura 60 ans et un homme de 60 ans à cette époque-là, c’est un vieillard de 80 ans aujourd’hui. Là, nous travaillons sur un nouvel album qui se déroulera en 1968 et il nous paraît illogique de mettre en scène un sexagénaire dans les manifs parisiennes de mai 68. Il y a des logiques qui font qu’il valait mieux arrêter maintenant, terminer une boucle, quitte à reprendre un nouveau cycle après, mais au moins essayer de proposer aux lecteurs une fin à notre histoire.

Les Jours Heureux T2 : Nouvelle vague
Crayonné page 54.
Warnauts & Raives © Le Lombard

Warnauts : Maintenant, rien ne nous empêche de revenir dans le passé afin de proposer de nouvelles histoires. Par exemple, dans le premier cycle, nous avions fait une ellipse entre les albums un et deux, qui fait que l’on n’a pas vu les années de guerre. Ce serait une bonne idée de raconter cette période-là. Actuellement, avec le nouvel album sur lequel nous travaillons, nous sommes en 1968 et nous mettons en scène des personnages plus jeunes. C’est pas mal aussi parce que ça nous permet de changer.

Raives : Et puis, il faut garder une logique. Cela n’aurait pas de sens que tous les personnages vivent tous les grands événements historiques. Donc à un moment donné, on ne va pas faire intervenir nos personnages récurrents dans une histoire se déroulant durant la guerre du Viêt Nam. Mais si nous écrivons une histoire dans laquelle nous mettons en scène les Brigades noires, là ça pourrait être intéressant d’utiliser certains de nos personnages parce que l’Histoire est plus proche d’eux.

Un extrait Des Jours Heureux T2 : Nouvelle vague
Warnauts & Raives © Coll. Signé/Le Lombard

Voir en ligne : Découvrez la série "Suites Vénitiennes" sur le site des éditions du Lombard

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782803670123

logo : Eric Warnauts et Guy Raives
Photo : Christian MISSIA DIO

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Le Lombard ✍ Eric Warnauts ✏️ Eric Warnauts ✏️ Guy Raives
 
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4 Messages :
  • L’ultima ratio de la pensée politique : "Warnauts : Tu vois, à un moment donné il y a la fin du mur mais après, on découvre un autre problème. Les Américains vont foutre la merde ailleurs et tu vois quoi, d’autre pays suivent et puis voilà. Tout ça n’est pas fortuit. J’ai le sentiment que tout ça c’est vachement utilisé"

    Si le scénario est du même tonneau que ce genre de lamentable logorrhée, alors mieux vaut se passer de la lecture de la série "les jours heureux". Et se consoler avec les "Suites vénitiennes" !

    Répondre à ce message

    • Répondu le 24 octobre 2016 à  15:03 :

      Et puis ils n’utilisent pas assez de "ne". Gloire au ne ! Patydoc président !

      Répondre à ce message

      • Répondu par patydoc le 3 novembre 2016 à  12:13 :

        Pouvez vous cesser vos messages de haine ?

        Répondre à ce message

  • Je suis enchanté de voir Le Lombard reprendre la réédition de livres qui étaient devenus indisponibles chez un précédent éditeur, qui pourtant était l’éditeur historique de ces auteurs, dont nous pouvions suivre les prépublications, avec délice, dans "A suivre"... Il était regrettable de ne plus pouvoir se procurer tel ou tel album, excepté à vil prix chez des marchands d’occasion.
    Ces rééditions et ces nouveautés sont donc bienvenues.

    J’aurais une pensée pour les albums réalisés avec Marc-Rénier, dont certains n’ont même jamais connu l’édition en albums, et coécrits avec ces auteurs... Le Lombard pourrait également les rééditer.

    Répondre à ce message

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