Wotan, ou le mal absolu. Appellation germanique du dieu nordique Odin, il évoque une puissance négative, destructrice. La saga d’Éric Liberge, calée sur les dates de la Seconde Guerre mondiale, évoque cette relation à la fois aux tentations de violence et aux quêtes personnelles de ses personnages.
Au centre de l’intrigue, au milieu de figures historiques réelles, nous suivons le destin du jeune Louison, recueilli en famille d’accueil, de Yin-Tsu, sino-japonaise exilée à Paris, et d’Étienne, étudiant en arts qui succombe à la fascination pour le fascisme.
Pour ces trois êtres perdus dans un brouillard psychologique presque aveuglant, la guerre aura la même conséquence : un passage entre les mains des autorités allemandes, et particulièrement au service de l’idéologie raciste.
Ils auront chacun, à des moments divers, une vision de l’épouvantable "Ahnenerbe", l’institut du renouveau de la race aryenne. Le jeune garçon, la jeune femme et l’artiste égaré auront aussi à faire des choix de courage et d’humanisme, participant finalement à une forme de résistance. Et durant toutes ces années, la guerre continue avec ses horreurs, ses morts et sa solution finale qui s’accélère en 1943, quand la défaite allemande devient probable.
Avec cet hommage à la mémoire des victimes du nazisme, mais aussi évocation des années d’occupation vécues par ses parents, Liberge a visiblement fourni un travail colossal pour ce pavé impressionnant. Chaque image se charge d’un grain particulier, tous les détails sont travaillés avec précision, avec des décors parfois photographiques aux couleurs toujours minutieuses.
Si l’auteur s’inscrit dans une tradition réaliste à la Servais, il recourt régulièrement à des scènes oniriques pour explorer les émois de ses personnages. Il n’hésite pas à montrer la réalité la plus crue, dans les scènes de camp d’extermination, qui risquent de heurter les lecteurs les plus sensibles.
Au-delà du sérieux et de l’engagement de l’œuvre, Liberge permet de s’intéresser à cet aspect moins connu de l’idéologie nazie : l’obsession -ridicule, cela va sans dire- d’une pureté de la race aryenne et ses corollaires : expérimentations humaines, torture, barbarie...
Au sens le plus fort du terme, une BD qui mérite le respect.
(par David TAUGIS)
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