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Xavier Guilbert, commissaire de Mangapolis : « J’apprécie beaucoup de retrouver, grâce aux mangas, les sensations vécues là-bas. »

Par Florian Rubis le 16 juin 2012                      Lien  
Xavier Guilbert présente l’exposition [{Mangapolis, la ville japonaise contemporaine dans le manga}->13360] dotn il est le commissaire et qui se tient du 30 juin au 7 octobre 2012, à la Cité internationale de la Bande Dessinée et de l’Image d’Angoulême.

Pouvez-vous vous présenter et expliquer, en quelques mots, comment à démarré votre projet d’exposition ?

Suite à l’envie de faire quelque chose autour du manga ensemble, Stéphane Duval, du Lézard Noir, m’a donné l’occasion de bâtir avec lui ce projet autour du manga et de l’architecture.

Car, en plus d’être éditeur de mangas, celui-ci se trouve être le directeur de la Maison de l’Architecture de Poitou-Charentes à Poitiers...

Oui, c’est de là qu’est venue l’étincelle concernant ce projet. Mais il faut dire que s’y sont ajoutés d’autres partenaires, comme la Maison de l’Architecture et la Ville du Nord-Pas-de-Calais de Lille, ainsi que la Cité internationale de la Bande Dessinée et de l’Image d’Angoulême. C’est sur cette base que l’exposition a pu se monter.

Xavier Guilbert, commissaire de Mangapolis : « J'apprécie beaucoup de retrouver, grâce aux mangas, les sensations vécues là-bas. »
Mitsuru Adashi, ville, shônen et base-ball…
© 2012 Florian Rubis

Hormis le manga, aviez-vous des connaissances en architecture ou vous êtes-vous adapté au sujet, afin de le traiter ?

Je n’ai pas de connaissances pointues en architecture. Cela m’intéresse, sans que je puisse me prétendre un expert en la matière. Par contre, j’ai vécu cinq ans à Tôkyô et j’ai des affinités avec le manga. Je souhaitais parler du regard sur la ville. Parce que l’on tend à se focaliser beaucoup sur l’action ou les personnages. En revanche, c’est un aspect que l’on néglige. On oublie souvent de relever, je trouve, que les décors dans lesquels cela se passe sont japonais, sont ancrés dans la ville japonaise d’aujourd’hui. C’est quelque chose qui m’avait beaucoup frappé en lisant, notamment, Mitsuru Adachi quand j’étais au Japon. J’étais en train de lire mon manga, je lève les yeux de la page et je me retrouve dans la même rue ! Ou, si ce n’est pas la même, quelque chose qui y ressemblait énormément…

J’apprécie toujours de retrouver dans les mangas le voyage que cela me permet de faire, de me sentir à nouveau là-bas : tous ces éléments qui sont, très précisément et très intensément, le Japon !

Au niveau des auteurs et des titres choisis, comment avez-vous procédé ?

Dès le départ, le parti-pris consistait à éviter de nous focaliser seulement à ce qui nous concerne souvent en priorité, que ce soit Stéphane Duval en tant qu’éditeur, ou chez du9 : le manga dit d’auteur. Nous ne voulions pas traiter uniquement des mangas alternatifs. Donc, très vite, nous nous sommes orientés vers le mainstream. C’est seulement en cours, n’ayant pu obtenir certaines autorisations, que nous nous sommes tournés, par exemple, vers du Yoshiharu Tsuge ou le Masahiko Matsumato de La Fille du bureau de tabac (Cambourakis). La première idée était donc de viser large et de toucher à tous les types de mangas.

Il est vrai que le shôjo est peu représenté. Nous avons un peu de Fruits Basket et du jôsei, pour un public féminin plus adulte. D’abord parce que je suis moins lecteur de ces titres, même si j’ai regardé des planches du côté de Nana ou de Nodame Cantabile et autres gros succès du shôjo.

Cependant, d’un point de vue narratif, on s’y focalise plus sur les personnages et, éventuellement, plutôt des intérieurs, tandis que la ville est moins présente.

Florent Chavouet (« Tôkyô Sanpo », Picquier) et Stéphane Duval (Le Lézard Noir)
© 2012 Florian Rubis

En outre, vous avez choisi d’intégrer à l’exposition quelques auteurs occidentaux connus pour leur traitement de ce sujet au Japon, comme Florent Chavouet, par exemple…

Ce qui était intéressant, c’était de voir quel était le regard développé parmi les auteurs qui étaient allés au Japon et si cela correspondait à une partie de ce que l’on essayait de faire passer, en particulier la première partie, avec l’anatomie de la rue japonaise ou l’aspect pédagogique. Celui qui consiste à faire comprendre aux gens en quoi, à certaines caractéristiques particulières, l’endroit représenté ne pouvait que se situer au Japon. Quels étaient les éléments qui permettaient de reconnaître cette rue japonaise. Et de faire remarquer qu’on les retrouvait fortement dans le travail de Florent Chavouet, Lars Martinson ou dans le travail de Frédéric Boilet, bien sûr, mais aussi d’Emmanuel Guibert. En allant même plus loin, nous pouvons retrouver cela dans le travail de Fabrice Neaud dans le recueil Japon (Casterman, Sakka). On retrouve bien ces éléments ! En outre, je trouvais intéressant de mettre en parallèle leurs parcours. Puisqu’il est aussi question d’un parcours effectué par moi-même en allant au Japon. Et on sent chez eux le besoin d’expliquer ce qui se passe.

Juste pour revenir sur la sélection des auteurs, il était important pour nous de n’exposer que des choses disponibles en français. Grâce aux regards des auteurs, nous voulions insister en plus sur le fait que la ville est un personnage, au travers de la narration, en évitant de se cantonner à l’illustration. D’où la mise en avant de séquences de planches et pas seulement des planches isolées : des séquences de trois planches ou plus, qui montrent comment elles s’enchaînent et la ville est présente. Ensuite, pour prolonger le voyage, il était important pour nous que les gens puissent lire les versions françaises.

D’autres auteurs occidentaux sont aussi concernés par l’exposition © 2012 Florian Rubis
© 2012 Florian Rubis

Comment est-ce que cela va se combiner avec les autres expositions prévues cet été à la Cité d’Angoulême, avec des sujets d’abord plus populaires, Jirô Taniguchi et autres ?

L’idée consistera à montrer plusieurs facettes. Le projet d’exposition a débuté depuis deux ans maintenant, en avril 2010, le partenariat tripartite s’est monté il y a un an. L’idée était de se servir de notre exposition comme première partie et d’en adjoindre d’autres, comme celle sur Taniguchi. Il est vraiment question de ne pas être sectaire et de mettre en avant la diversité, à l’intention des plus jeunes, tel du shônen sur le base-ball avec Mitsuru Adachi, sport en faveur au Japon, ou toucher par d’autres aspects un public plus âgé, avec des planches de 20th Century Boys de Naoki Urasawa. Nous avons également des choses plus iconoclastes, comme The World is Mine par Hideki Arai (Casterman, Sakka). Nous avons donc essayé de viser large !

Harold Sakuishi et « Beck », dans une présentation évoquant les panneaux coulissants des maisons japonaises
© 2012 Florian Rubis

Quid de la dualité ville-campagne, forte au Japon ?

C’est vrai que la campagne reste très présente au Japon. Cependant, un énorme exode rural est intervenu dans les années 1950. Nous nous sommes focalisés sur la ville, déjà un « gros morceau ». Nous avions aussi pensé un moment traiter de la ville traditionnelle, puis finalement mise de côté, même si elle est présente de temps en temps, chez Daisuke Igarashi dans Petite Forêt (Casterman, Sakka) ou Les Enfants de la mer (Sarbacane), qui parlent de cela.

Après, ce qu’il faut voir, c’est que tous les grands éditeurs ou auteurs habitent de gros centres urbains et parlent de ce qu’ils connaissent, une forme de centralisation très forte attirant tout vers Tôkyô.

(par Florian Rubis)

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Code EAN :

En médaillon : Xavier Guilbert près d’une photo de la statue de Tetsujin 28, robot géant de Mitsuteru Yokoyama (extrait) © 2012 Stéphane Duval

Mangapolis, la ville japonaise contemporaine dans le manga – Par Xavier Guilbert & d’autres auteurs – Le Lézard Noir – 144 pages, 22 euros

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Renseignements : www.citebd.org ou 05 45 38 65 65

L’exposition Mangapolis était à découvrir auparavant à la Maison de l’Architecture de Poitou-Charentes à Poitiers (jusqu’au 17 juin) et sera visible, après Angoulême, à la Maison de l’Architecture et de la Ville du Nord-Pas-de-Calais à Lille.

 
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