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YVES FRÉMION. Au quai Boumeurre (épisode 3) : Ramener Binet

Par Yves FREMION le 20 août 2020                      Lien  
(Flow de rap) : "Au quai Boumeurre - Où je demeure - Mes souvenirs s’y pressent - Comme pécheresse - À confesse - Ou à la messe..."

Aux débuts de Fluide glacial, nous étions rue Robert-Lindet, dans le Quinzième de Paris, juste à côté de Jean-Pierre Elkabbach. C’est assez près des portes Sud de la capitale. Christian Binet habitait Étampes, qui est quand même assez éloignée de Paris, et venait en voiture. La voiture, il n’en était pas fan. Il avait horreur des encombrements et, pour tout dire, il aurait préféré qu’aucun autre automobiliste n’emprunte une rue qu’il empruntait lui-même. Il détestait entrer en voiture dans Paris. Il se garait donc à la porte d’Orléans et continuait autrement.

YVES FRÉMION. Au quai Boumeurre (épisode 3) : Ramener Binet
Les célèbres marges de Fluide Glacial : ici le "marginal" Julien CDM en pleine action.
Photo : L. Audoin
Frémion découvrant sa gazette.
Photo : L. Audoin

Au bout de quelque temps, l’équipe prit l’habitude de dessiner et écrire dans les marges de ma ‘’Gazette’’ et, du coup, furent organisés pour réaliser ça tous ensemble, des repas mensuels, réguliers, où tous les collaborateurs venaient (pas nombreux au début). Avant ledit repas (et l’ouverture des bouteilles), chacun pondait sa petite impro, dessinée ou écrite, dans lesdites marges, créant ainsi une innovation inégalée dans la presse française. Ensuite, on mangeait et on buvait. Beaucoup parfois.

Venant par la nationale 20 comme Binet (j’habitais alors Antony), je le cueillais porte d’Orléans et le conduisais sur place, moi qui aimais me garer au contraire au plus proche du magazine. Mais surtout, ensuite, je le ramenai à sa voiture.

Repas de bouclage. Un oeil exercé reconnaît les yeux brillants de Gotlib, Binet, Gaudelette et Valérie Fruchart.
Photo : DR
Autour de la table : Ferri, Blutch, Clarke, Edika, Hugo, Julien CDM, Relom, Mo CDM, Plipo...
Photo DR
Bouclage sous les flashes , avec Frémion, Clarke, Pourquié et Edika.
Photo DR
Frémion, Tinlot et Binet considérant un photographe qui ne tient pas trop la gnôle....
Photo DR
Bon, il est temps de reprendre la bagnole...
Photo DR

Un soir, ayant abusé plus que de coutume des (di)vins que nous absorbions pour entretenir conversation et convivialité, je grimpai dans mon véhicule un peu plus gai que de coutume. Le démarrage fut sur les chapeaux de roues et, en tournant la rue susdite, j’estimai mal la distance nécessaire entre mon véhicule et ceux de la file garée le long de la rue adjacente. Ma carrosserie les frôla si amoureusement que j’ai dû rayer par inadvertance celles de quelques autres. En fait, toute la rue ou presque. Peu importe, nous étions en zone de résidences cossues, et puis la carrosserie, on s’en fout ! Non, pas vous ? Moi, si ! En tout cas, ce soir là, si.

Je redressai et ramenai en quelques minutes l’auteur des Bidochon à son char. Mon vieux camarade était blême. Pour tout dire, il était muet et au bord de la crise cardiaque. Lui qui refusait d’entrer dans Paris sur quatre roues, il venait d’avoir la démonstration qu’il avait raison : ceux qui y entrent sont des dangers publics !
Il ne voulut plus jamais monter dans ma voiture et préféra désormais commander des taxis pour retrouver la sienne. Ayant prévenu toute l’équipe que l’on risquait sa vie à monter avec moi, il communiqua à tous la même crainte. Ma réputation était faite ! La terreur urbaine, c’était moi ! Par la suite, je ne conduisis plus en état précaire, je fis attention. Je tiens à moi.

Mais, sur le moment, l’incident provoqua en mon fort intérieur une hilarité que, pour une fois, Binet ne partagea pas, lui qui riait la plupart du temps des mêmes choses que moi, et que nous tous, futurs fluidosaures et enfants de Marcel Gotlib. J’en ris encore : peut-être ai-je alors rayé la carrosserie d’Elkabbach !

(par Yves FREMION)

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