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YVES FRÉMION : Au quai Boumeurre (épisode 4) : Le séducteur de ces dames

Par Yves FREMION le 4 septembre 2020                      Lien  
(Flow de rap) : "Au quai Boumeurre - Où je demeure - Mes souvenirs s’y pressent - Comme pécheresse - À confesse - Ou à la messe..."
YVES FRÉMION : Au quai Boumeurre (épisode 4) : Le séducteur de ces dames
Bouclage montrant que cet article raconte n’importe quoi.
Photo Dr

Comme dit dans ma précédente chronique, la grande époque de Fluide glacial, celle de Gotlib et Diament, largement continuée par leurs premiers successeurs, était marquée tous les mois par une grande bouffe de l’équipe. L’occasion était de garnir les fameuses « marges » de ma Gazette. Ceux qui devaient devenir plus tard les « fluidosaures » (en gros, ceux arrivés dans les 50 premiers numéros) en étaient le cœur et participaient à toutes ces agapes. Se retrouver était un plaisir.

Au début, quand ce journal avait l’intelligence de conserver la même équipe dans chaque numéro (et que donc, le public, sachant qui il y avait dedans, achetait les yeux fermés), nous étions peu nombreux. Les amitiés étaient donc aisées à entretenir. Au bout de quelque temps, il fut décidé qu’on pouvait y amener nos compagnes. Fluide étant un journal de garçons, fortement hétéros au début, ça changeait agréablement l’ambiance.

Certaines se lassèrent vite, car ne travaillant pas forcément dans ce milieu, si replié sur lui-même il faut dire. En ce qui me concerne, je m’amusais vite à amener, chaque mois, une dame différente. Fréquentant des milieux divers, c’était facile : « - T’as pas envie de dîner avec les mecs de Fluide  ? » amenait inexorablement la réponse : « -Ouahouh ! Super ! Tu m’emmènes ? T’es un chou ! » Et chaque repas de Fluide voyait rayonner une nouvelle créature de rêve assise à côté de Frémion, dont chacun pensait alors qu’il s’était trouvé encore une nouvelle petite amie canon. Il arrivait bien entendu que ce fut le cas, mais souvent, même pas. Juste des bonnes copines, comédiennes, chanteuses, dessinatrices, ou n’importe quoi d’autre. Inconnues d’eux (sauf une ou deux fois où elles bénéficiaient d’un brin de célébrité), elles n’avaient pas de mal à être un des pôles d’attraction de la soirée.

Paru dans Fluide glacial. On comprend mieux les filles !
Photo : C. Poutout

« - Mais comment il fait, ce salaud, pour se trouver toujours de nouvelles copines ? » se demandaient mes camarades, pourtant plus célèbres, plus talentueux, plus drôles et même plus mignons parfois. (Si si, je vous assure – Comment ? – vous êtes vraiment trop gentils, fallait pas ). « - Où est-ce qu’il les déniche ? Il a une agence ? Quand trouve-t-il le temps de draguer ? Il ne peut pas se les taper toutes, c’est pas possible !  »... Ces phrases résonnaient dans leurs têtes, je les entendais. Les copines n’étaient pas dupes, mais jouaient le jeu, en s’amusant parfois beaucoup. Les compagnes légitimes tordaient parfois le nez : des fois que ce mauvais exemple donne des idées à leur mec ! Il leur en donnait évidemment, mais la BD est un métier ingrat : pas le temps, toujours sur sa planche à dessin, il ne restait pour draguer que les fessetivals : c’est pour ça que, même si ça les gonfle, les épouses adorent y accompagner leur jules !

Ce petit jeu dura quelques années, faisant le désespoir de Diament, qui espérait toujours qu’il y ait moins d’accompagnatrices, ce qui allègerait son chèque final. Le comble furent ces quelques repas où je vins avec… deux amies, en expliquant que désormais j’étais en couple à trois et que je ne pouvais faire autrement, réduire eut été commettre une injustice pour celle qui ne venait pas.

Alors là, ma réputation (usurpée, vous l’avez compris) de super-séducteur, déjà largement propagée par mes camarades dans tout le milieu, fit un bond dont je ne suis jamais redescendu, malgré mon grand âge. Dans la profession, les dames me jaugeaient en se demandant par quel détail de mon anatomie je pouvais mériter cette réputation, les hommes ne laissaient pas leurs amies m’approcher plus de dix secondes dans les fessetivals, tandis que les homos se demandaient vraiment comment les femmes pouvaient avoir de pareils goûts de chiotte en matière de mec.

En réalité, Frémion est un ange de chasteté.
Photo : DR

Plus tard, la génération nouvelle augmenta le nombre des participants, les compagnes disparurent des agapes et même il se trouva quelqu’un pour supprimer les marges, la Gazette et les bouffes. Les ventes firent un plongeon dont le journal ne s’est pas remis. Aujourd’hui, il se trouve encore quelques dames grisonnantes pour me regarder d’un air coquin, voire empli de regret. Elles sont grands-mères et moi, toujours frétillant, je songe que ma vie amoureuse aurait été encore plus bandante si j’avais réellement été l’amant de ces belles, passées éphémèrement dans ma vie sans passer forcément par mes draps. C’est que le métier d’écrivain, aussi est ingrat : toujours derrière sa machine à imaginer des histoires, dont on se dit qu’en les lisant, toutes ces lectrices, séduites à mort par la puissance de notre imagination et de notre talent, vont tomber comme des mouches. Mais beaucoup sont des fines mouches et se contentent d’illuminer de leurs sourires des réunions de vieux mâles coincés, qui cependant les ont fait bien rigoler quand même.

(par Yves FREMION)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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