Elle est arrivée, comme ça, un soir de Noël, en 1968, véritable cadeau pour son créateur qui cherchait à quitter le studio Hergé, celui du créateur de Tintin, pour enfin voler de ses propres ailes après plusieurs fructueuses années d’apprentissage aux côtés du maître de l’école de Bruxelles. Qui ? Mais Yoko Tsuno !
Hergé accorde de bonne grâce à Roger Leloup son congé, tout en émettant quelques doutes au sujet du succès d’une BD avec une héroïne en figure de proue. Mauvaise pioche pour le maestro de la ligne claire, comme va le prouver le méticuleux et très imaginatif Leloup. Le reste appartient à l’Histoire de la BD franco-belge.
Puisqu’on était une nuit de Noël, forcément, le cadeau a été aussi pour les lecteurs. Ainsi, si Yoko Tsuno la vaillante et intrépide électronicienne japonaise naissait sous le crayon de Roger Leloup, entêtée, elle n’allait plus jamais le laisser tranquille, à la plus grande joie des amateurs de BD de science-fiction et d’aventure !
Mais tout n’a pas été aussi simple, pas du tout, au départ Yoko n’était même pas un second couteau ; celui d’un trio avec deux mecs qui bossaient pour la télé sur des reportages qui sortent de l’ordinaire : Le Trio de l’étrange.
Pire, au début elle était même destinée à une autre série, Jacky et Célestin de Peyo le créateur des Schtroumpfs.
Cependant, elle va pas se laisser faire, pas le genre, c’est comme ça qu’après quelques aventures en histoires courtes dans le Journal de Spirou"avec le personnages le moins important du Trio de l’étrange, pour se faire la main à moindre conséquences" dixit le conseil prodigué par ce bon monsieur Dupuis à la tête du magazine et, surtout, pour patienter en attendant un accord de coédition qui ne viendra pas : Yoko Tsuno va prendre les rênes de la série et ne plus les lâcher. Prière de suivre la cadence, au grand galop...
Et maintenant nous voici au trentième album de ses aventures, dont le Journal de Spirou, logiquement,vient tout juste de commencer la prépublication.
En voici le sujet, promesse de frissons et grands espaces, où Yoko et son amie Khâny pourraient bien s’affronter, au sujet d’actions passées des vinéens peu glorieuses : "Khâny emmène Yoko sur Saturne pour explorer un morceau de comète qui semble contenir eau et oxygène et qui a envoyé un énigmatique message d’alerte : « Sauvez Rya ». Dans la crevasse d’où provient le SOS, les deux amies découvrent l’épave d’un « vaisseau surgelé » à l’intérieur duquel se trouve Rya, une petite créature biologique mais génétiquement modifiée, profondément endormie et enfermée dans un sarcophage de survie. Avec Tôpy, son frère synthétique qui veille sur elle, ce sont les « gémeaux de Saturne » ! Et ils ont de lourds secrets à révéler à Yoko..."
Comme précisé aussi assez justement : "Roger Leloup a pris l’habitude d’alterner histoires dans l’espace et histoires « terrestres ». Que ce soit sur Terre ou sur Saturne, ses histoires sont toujours passionnantes et empreintes d’humanisme."
Toutefois...
Mais on vous voit arriver, vous êtes dans un mauvais jour, c’est probablement l’humeur générale qui vous pèse, grognon et tout, et vous allez dire, peut-être : "oui mais le dessin n’est plus ce qu’il était, ici, là, tout ça... oui mais avant... et ceci et cela..." On vous arrête, stop, Roger Leloup a aujourd’hui 88 ans, superbement portés, et il est toujours aussi investi dans son travail.
Alors appréciez, à la hauteur de l’événement, car c’en est un, la trentième aventure de Yoko en plus de cinquante ans. Encore un cadeau, comme en cette nuit de Noël de 1968.
Vous voyez, vous retrouvez déjà le sourire, enjoué et tout. Parce que, quel parfum d’aventure, de mystère, de SF hautement charpentée graphiquement, comme rarement, de spectacle grand format ! Et l’émotion aussi, l’humanisme qui se dégagent.
On vous l’a dit Roger Leloup est fantastique, un peu magique aussi. Un créateur à la voix assez unique.
Mieux, même : auteur, largeur, profondeur... Roger Leloup est un artiste 3D, mais oui ! Quelle dimension, décidément. Méfiez-vous donc de ceux qui trouvent qu’il manque dorénavant d’un peu de relief. Ils leurs manquent, c’est certain, une bonne paire de lunettes, ouverte à toutes les dimensions.
(par Pascal AGGABI)
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